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Introduction
Les « angio-œdèmes » (AE) sont des gonflements sous-cutanés ou sous-muqueux. L’étymologie provient du grec ancien angio – αγγείο – « vaisseaux » et edema – οίδηµα – « gonflement ». La première définition des angiœdèmes est attribuée à un interniste et chirurgien allemand, le docteur Herbert Irenaeus Quincke, qui décrivait en 1882 des « œdèmes aigus circonscrits ». Ces gonflements étaient supposés être dus à des troubles vasomoteurs siégeant au sein du derme et de l’hypoderme, à l’origine d’une dilatation des capillaires avec augmentation de leur perméabilité : l’« angioneurose » [68]. Le terme d’« œdème angioneurotique » est apparu en 1885, 3 ans après la description du Dr H. I. Quincke. En 1888, William Osler met en évidence le caractère familial de ces angiœdèmes, dont il défini plus clairement les caractéristiques cliniques. Le démantèlement physiopathologique débute à la fin des années 1990, avec la mise en évidence du rôle crucial de la bradykinine (BK) [70].
Les angiœdèmes sont des phénomènes localisés et transitoires, qui régressent sans séquelle en quelques heures à plusieurs jours. Sur le plan pathogénique, ils sont secondaires à l’action locale de substances vasodilatatrices, essentiellement l’histamine et la bradykinine, qui vont être responsables d’une augmentation de la perméabilité vasculaire et d’une extravasation de plasma à l’origine de l’œdème. Les angiœdèmes les plus fréquents sont d’origine histaminique (allergique). La fréquence de ces derniers est évaluée à 52,4% dans une série de 105 patients avec un diagnostic récemment posé d’angiœdème, versus 5,8% d’angiœdèmes bradykiniques (AEB) [134]. Les caractéristiques cliniques et les étiologies des différents angiœdèmes sont détaillés dans l’annexe 1.
Les angiœdèmes bradykiniques – anciennement dénommés « œdèmes angio-neurotiques » – se présentent comme un œdème circonscrit sous-cutané ou sous-muqueux, mou, indolore et incolore [1]. Ils se distinguent cliniquement de l’angiœdème histaminique par l’absence de prurit et d’érythème. Ces œdèmes s’installent rapidement, en quelques minutes, et persistent ensuite plusieurs heures à plusieurs jours. Ces manifestations peuvent s’accompagner d’autres symptômes, d’ordre digestif (douleurs abdominales, nausées, vomissements), urologique (rétention aigüe d’urine) ou neurologique (céphalées) [2]. L’atteinte des voies aériennes supérieures n’est pas rare et fait toute la sévérité des angiœdèmes bradykiniques, du fait du risque de détresse respiratoire avec menace du pronostic vital [3].
Les angiœdèmes bradykiniques se répartissent entre les formes héréditaires (AEH) et les formes acquises (AEA) qui sont principalement d’origine médicamenteuse. Les angiœdèmes héréditaires ont une faible prévalence, globalement estimée entre 1/50.000 et 1/100.000 habitants. On en différencie actuellement 3 types :
– les types I et II, les plus fréquents, font intervenir un déficit en C1-inhibiteur [7].
– les angiœdèmes avec C1-inhibiteur normal (anciennement type III) sont plus rares. Ils ne font pas intervenir d’anomalie du C1-inhibiteur et sont particulièrement œstrogénosensibles [73]. Dans 20% des cas, ces angiœdèmes seraient liés à une mutation du facteur XII, responsable d’une activation pathologique de la kininoformation.
Les angiœdèmes bradykiniques acquis sont principalement d’origine médicamenteuse, et impliquent les inhibiteurs du système rénine-angiotensine-aldostérone (iSRAA), dont il existe trois classes : les inhibiteurs directs de la rénine, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et les inhibiteurs du récepteur de l’angiotensine II (ARAII).
Les principaux médicaments mis en cause dans les formes acquises d’angiœdème sont les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) [77]. L’angiœdème sous IEC est rare puisqu’il ne toucherait que 0,5 à 1% des patients traités. Néanmoins, 20 à 30 millions de patients seraient traités par IEC, ce qui rendrait non négligeable l’incidence des angiœdèmes sous IEC
[78]. Ces angiœdèmes seraient aussi associés à un pronostic plus sévère avec une atteinte plus fréquente de la sphère ORL et donc un risque de décès par asphyxie [77].
Certaines molécules seraient également responsables d’un risque accru d’angiœdèmes, notamment en association avec les IEC. Il s’agit notamment des inhibiteurs de la dipeptidyl peptidase 4 (iDPP-4) et d’immunosuppresseurs tels que les inhibiteurs de mTOR (mammalian target of rapamycin) [51].
En marge des angiœdèmes médicamenteux, il existe d’autres formes d’angiœdèmes acquis :
– les angiœdèmes liés à un déficit acquis en C1-inhibiteur, associés aux hémopathies ou aux maladies auto-immunes.
– les angiœdèmes idiopathiques non histaminergiques, qui sont de rares formes rares d’ angiœdèmes bradykiniques ne faisant pas intervenir d’anomalie du C1-inhibiteur (Annexe 2).
Sur le plan thérapeutique, la prise en charge des crises sévères d’angiœdème a été révolutionnée par la mise à disposition sur le marché des concentrés en C1-inhibiteur (Berinert® et Ruconest ®, analogue recombinant de l’inhibiteur de la C1 estérase), et plus récemment de l’icatibant (Firazyr®), un antagoniste des récepteurs B2 de la bradykinine. En cas de crises répétées, des traitements de fond comme le danazol et l’acide tranexamique ont montré leur efficacité, en diminuant la fréquence des accès. Ces produits sont également utilisés dans les situations à risque dans le cadre de protocoles de prévention.
Table des matières
I. Introduction
II. Etat des connaissances sur les angioedèmes à bradykinine
1. La voie des kinines
2. Classification et physiopathologie des angioedèmes à bradykinine
2.1 Angioedèmes héréditaires avec anomalie du C1-inh – type I et II
2.2 Angioedèmes héréditaires avec C1-inhibiteur normal
2.3 Angioedèmes acquis de type I et II
2.4 Angioedèmes acquis avec C1-inhibiteur normal
2.5 Angioedèmes d’origine médicamenteuse
2.5.1 Inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC)
2.5.2 Antagonistes du récepteur de l’angiotensine 2
2.5.3 Inhibiteurs de la dipeptidyl peptidase 4 (iDPP-4)
2.5.4 Immunosuppresseurs
2.5.5 Formes recombinantes du tPA
2.5.6 Angioedèmes associés aux hormonothérapies
3. Modèle animal : la souris bleu de Han et al.
4. Prise en charge des angioedèmes bradykiniques
4.1 Traitements disponibles
4.1.1 Concentrés de C1-inhibiteur, dérivés de plasma humain
4.1.2 Icatibant acetate
4.1.3 Ecallantide
4.1.4 Androgènes atténués
4.1.5 Antifibrinolytiques
4.2 Principes généraux de prise en charge
4.2.1 Médicaments à éviter
4.2.2 Processus infectieux
4.2.3 Stress émotionnel
4.2.4 Traumatismes physiques
4.3 Traitements de la crise aigue d’angioedème bradykinique
4.4 Traitements préventifs au long cours
4.5 Traitements préventifs à court terme
4.5.1 Gestes mineurs
4.5.2 Gestes majeurs
4.6 Situations particulières
4.6.1 Grossesse
4.6.2 Contraception
5. Illustration par deux cas cliniques d’angioedème
5.1 Cas clinique n°1 : angioedème médicamenteux
5.2 Cas clinique n°2 : angioedème héréditaire
III. Objectif du travail
IV. Méthodes
1. Méthodes de recensement des cas
1.1 Recensement des cas d’angioedèmes médicamenteux
1.1.1 Méthodologie du recensement des cas
1.1.2 Critères diagnostiques d’angioedèmes
1.2 Recensement des cas d’angioedèmes héréditaires
1.3 Recueil de données complémentaires
2. Données répertoriées
3. Analyse statistique
V. Résultats
1. Données générales
2. Angioedèmes médicamenteux
3. Angioedèmes héréditaires
3.1 Angioedème héréditaire de type I
3.2 Angioedème héréditaire avec C1-inhibiteur
VI. Discussion
VII. Conclusion
VIII. Annexes
IX. Références bibliographiques
X. Serment d’Hippocrate
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