Généralités sur le compost et le compostage
Denis Montange – Emmanuel Ngnikam – Paul Vermande
Le compostage est un mode de stabilisation et de traitement des déchets organiques biodégradables utilisant le processus naturel de décomposition de la matière organique en présence d’air. Une élévation de la température pendant plusieurs semaines, reflet de l’activité de très nombreux microorganismes, permet d’aboutir à un produit final stable (stockage possible et utilisation sur les sols sans impact négatif sur l’environnement) : le compost. Ce premier chapitre a pour objectif de donner un aperçu général sur le compost et le compostage des déchets ménagers, en particulier dans le contexte des pays en développement.
Au préalable : bien comprendre les effets attendus d’une gestion appropriée de la matière organique dans les sols
Les agriculteurs considèrent généralement qu’un sol riche en matière organique (MO) est un sol fertile, qui donne de bons rendements. Pourquoi ? Peut-on donc résoudre le problème de la fertilisation des cultures en apportant de la matière organique ?Regardons donc quels sont les intérêts des apports de matière organique dans les sols.
CONSERVATION DU STOCK HUMIQUE DES SOLS
Pour conserver le stock humique du sol, on peut essayer de limiter la minéralisation (en diminuant par exemple la température du sol par des couvertures végétales mortes ou vivantes). Mais la méthode la plus efficace est d’accroître les apports de MO préhumifiées (composts ou fumiers compostés).La qualité de la MO apportée est un facteur essentiel du stockage du carbone (C) dans le sol et le rapport C/N (carbone sur azote) de cette MO est un indicateur nécessaire mais pas suffisant pour la caractériser. Des travaux ont montré que des matériaux à C/N élevé, comme par exemple la coque d’arachide compostée, peuvent enrichir sensiblement le sol en C alors qu’à l’inverse, la paille de sorgho, avec un C/N identique mais moins riche en fibres, va induire, une fois incorporée au sol, une minéralisation de la MO et de sa fraction organo-minérale, ce qui conduit à un bilan de C total négatif pour le sol. L’apport de matières organiques très riches en composés carbonés facilement assimilables ou biodégradables entraîne une surconsommation de l’azote du sol par les microorganismes qui ont alors une grande source d’énergie à leur disposition et utilisent l’azote pour leurs synthèses. Cela entraîne une organisation de l’azote minéral qui ne sera disponible pour les cultures qu’après la mort de ces microorganismes et la minéralisation des corps microbiens (phénomène appelé « faim d’azote »). D’où l’importance du compostage, permettant l’humification préalable de la matière organique.
NUTRITION AZOTEE DES PLANTES
La norme française relative aux amendements organiques (NFU 44-051) stipule que le total N+P2O5+K2O doit être inférieur à 7% (avec N< 3%) mais on est généralement plus près de 1 % de N selon les composants du mélange à composter. De plus, seule une partie de l’azote est de nature minérale (30% environ) et donc facilement assimilable par les plantes. Ainsi, pour compenser les exportations d’azote d’1 hectare de maïs (4 t /ha de grain exportant 64 kg de N), il faut 140 kg d’urée (46% de N) et, avec un compost contenant 0.3% de N, il faut en apporter entre 21 (si N tout minéral) et 64 tonnes (30% de N minéral dans le compost).Cependant il existe d’autres produits organiques qui sont beaucoup plus riches en azote, comme les fientes de volaille, et qui peuvent être mélangés aux composts de végétaux. Il est difficile de substituer intégralement l’azote minéral par des composts car les quantités à appliquer à l’hectare seraient beaucoup trop importantes. Par contre, les quantités à épandre seront plus réalistes avec des produits plus riches en azote.
En général, l’agriculteur associe dans ses cultures une fumure organique avec de l’engrais azoté pour diminuer les pertes d’azote et améliorer les réserves azotées du sol.
CAPACITE D’ECHANGE CATIONIQUE DES SOLS (CEC) ET AGENT DE CHELATION
Des travaux portant sur un ensemble de sols d’Afrique de l’Ouest ont montré que la CEC croît en raison inverse de la taille des fractions, les CEC des fractions de la taille des argiles étant toujours les plus élevées ; de plus, c’est bien la teneur en C qui semble partout gouverner les valeurs de la CEC, y compris dans les fractions fines. Ces travaux soulignent que les amendements organiques compostés, ayant un impact sur le contenu de la fraction de la taille des argiles, contribuent au maintien de la CEC du sol. Le degré d’humification des amendements organiques est donc un déterminant primordial de la CEC d’autant plus important que le sol est sableux et que la biodégradation est active.
STRUCTURATION DU SOL ET DEVELOPPEMENT RACINAIRE
La présence de matières organiques dans les sols augmente la porosité (et donc l’aération) du sol et favorise de ce fait l’enracinement (action physique). Il est à noter que la MO doit être enfouie car, si elle est incorporée dans les premiers centimètres seulement, elle favorise un enracinement superficiel qui accroît le risque de stress hydrique de la plante en cas de sécheresse. Les apports de MO en surface par les couvertures ont une décomposition lente du fait du faible contact entre les éléments végétaux et le sol qui contient les microorganismes décomposeurs.
RETENTION DE L’EAU DANS LE SOL
La matière organique apportée au sol favorise la résistance à la sécheresse des plantes en agissant à deux niveaux : (1) sur les propriétés du sol pour un meilleur enracinement et (2) avec une capacité de rétention améliorée. En ce qui concerne la rétention de l’eau, les matières organiques présentent un pouvoir de mouillabilité qui varie selon la nature de la MO, mouillabilité qui est un facteur important de régulation de la teneur en eau dans le sol. Plus les matières végétales sont humifiées, plus elles retiennent de l’eau ; à titre d’exemple, la paille retient 250 à 260 kg d’eau par 100 kg ; le fumier, 800 à 850 kg par 100 kg.
SUPPRESSION DES EFFETS PHYTOTOXIQUES
Après enfouissement de certains produits organiques peu décomposés comme les pailles par exemple, apparaissent généralement des problèmes de carence en N et/ou de phytotoxicité liés à la libération d’acides-phénols ; par ailleurs, certains précédents culturaux, en particulier le sorgho, peuvent engendrer dans certaines conditions un effet dépressif sur la culture suivante (allélopathie). Le compostage des pailles, dans le premier cas, et l’apport de fumier, dans le deuxième cas, permettent de lever l’effet de ces facteurs limitants. En conclusion, il est important de connaître la qualité du carbone contenu dans la matière organique : les déchets de bois riches en lignine se décomposeront plus difficilement que les pailles plus riches en cellulose. Il faut distinguer aussi les matières organiques d’origine animale (fientes de poules, fumiers de bovins, lisiers,…) des produits d’origine végétale (composts de déchets verts, pailles, écumes de sucrerie) : les produits animaux sont généralement plus riches en azote minéral que les matières organiques végétales et ont des effets de fertilisation plus rapides mais aussi plus fugaces. L’amélioration de la structure du sol sera moins marquée. Le potentiel humus des produits animaux est très faible. De plus, il faut faire très attention dans l’utilisation des composts contenant des produits d’origine animale, du fait de la pandémie de grippe aviaire par exemple. Attention donc à la traçabilité des produits entrant dans la composition du compost commercialisé.