Composition spécifique et statut de la communauté d’Anatidae sauvages

Localisation géographique

Ce travail a été effectué dans la région d’Alaotra dans la province de Toamasina. Le Lac Alaotra se situe à 170 km au Nord – Est de la capitale Antananarivo, son altitude est de 750 m, il se situe entre la latitude 17° 31’E et la longitude 48° 26’S (Andrianandrasana et al., 2005). La région d’Alaotra est reliée administrativement avec celle de Moramanga par la route nationale N°44. Ce lac est connu comme étant la plus importante zone humide de Madagascar ; il couvre 20 000 ha d’eau libre, entouré de 23 000 ha de marais dominés par Cyperus madagascariensis (Ferry et al., 2009 ; Ranarijaona et al., 2007). Reconnu d’intérêt international majeur, il est inscrit au sein du réseau RAMSAR depuis 2003 (arrêté ministériel n°4355/97), et constitue une nouvelle aire protégée depuis janvier 2007 (Catégorie VI de l’UICN : zone de gestion de ressources protégées), intégré depuis au Système des Aires Protégées de Madagascar (SAPM) suivant l’Arrêté n° 52004/2010 et l’Arrêté n° 52005/2010 du 20 décembre 2010. Le lac Alaotra et ses marais abritent une densité particulièrement élevée en oiseaux d’eau, notamment d’importantes populations d’Anatidae endémiques de Madagascar, tels que le canard de Meller (Anas melleri). La périphérie du lac constitue la principale zone de riziculture de tout Madagascar, avec près de 120 000 ha de rizières. La pression démographique humaine en périphérie du lac entraine de nombreuses perturbations de cet écosystème aquatique, dont les plus notables sont la conversion des marais en rizières, la mise à feu des marais en saison sèche, la surpêche, la pollution du lac par l’utilisation d’herbicides et la sédimentation causée par une forte érosion des bassins versants (Andrianandrasana et al., 2005).

Milieu biologique

• Faune D’après l’inventaire biologique effectué par Mark Pidgeon (1996), le Lac Alaotra abrite 15 espèces de poissons dont trois sont endémiques à Madagascar Rheocles alaotrensis, Rheocles sikorae et Ratsirakia legendrei. Beaucoup d’espèces sont introduites telles que Tilapia zillii, Oreochromis macrochir, O. niloticus et O. mossambicus, Ophiocephalus striatus, Gambusia holbrooki, Ciprinus carpio et Carassius auratus. Les tilapias représentent 84,02% des effectifs de poissons dans le Lac Alaotra. Ils sont très remarquables de par leur densité, ainsi que par leur poids individuel moyen (Pidgeon, 1996). L’avifaune régionale compte 72 espèces dont 50 sont présentes en permanence dans la zone humide d’Alaotra ainsi que deux espèces endémiques en extinction : Tachybaptus rufolavatus ou “Vivin’Alaotra”(Podicipedidae) et Aythya innotata ou “Onjy” (Anatidae). La plupart de ces oiseaux utilisent le lac et les marais avoisinant comme sites de reproduction. Les espèces les plus communes sont Anas melleri, A. hottentota et A. erythrorhyncha (Mutschler et al., 2001). Neuf espèces de mammifères sont présentes (Mittermeier et al., 2010) : deux primates (Hapalemur. alaotrensis et Microcebus rufus), deux carnivores (Vivericula indica et Salanoia concolor), trois rongeurs (Rattus rattus, Brachyuromys sp. et Eliurus sp.), et deux insectivores (Suncus murinus et Microgalus cowani). A noter que Hapalemur alaotrensis est considérée par certains auteurs comme endémique à la région (Mittermeier et al., 2010), alors que d’autres ne le considèrent que comme une sous-espèce d’Hapalemus griseus (S. Goodman, pers. com.).

• Flore La formation végétale du marais est dominée par des plantes appartenant à la famille des Poaceae et des Cyperaceae dont la strate supérieure est dominée par Cyperus madagascariensis (Cyperaceae), Phragmites mauritianus (Poaceae) et Argyeia vahibora (Convolvulaceae) (Pidgeon, 1996). Cyperus madagascariensis est une plante flottante, herbacée haute, robuste et qui constitue la première espèce structurante du marécage d’Alaotra. Elle exige de ce fait une présence permanente d’eau (jusqu’à près de 3 m de profondeur) ou au moins d’un milieu gorgé d’eau (Ferry et al., 2009). Phragmites mauritianus est une espèce moins présente que les autres et forme des îlots de végétation sur le Lac Alaotra lui-même, ou se rencontre sur les berges du lac mais aussi dans les drains (Mahakary) et la rivière (Sahabe). Cette espèce s’adapte facilement au milieu et peut résister à une exondation prolongée (Ferry et al., 2009). La strate inférieure est peuplée par Cyperus latifolius (Cyperaceae), Polygonum glabrum (Polygonaceae) et Echinochloa crusgalli (Poaceae) (Pidgeon, 1996). Cyperus latifolius pousse dans des milieux plus sableux et de moindre profondeur (inférieure à 1 m) que Cyperus madagascariensis (Ferry et al., 2009).

En outre, il y a aussi Typhonodorum lindleyanum (Araceae) qui est l’une des espèces dominantes du marécage du lac Alaotra. Cette espèce se développe sur un substrat argilo-tourbeux mou et nécessite la présence des lames d’eau peu épaisse (0,20 à 0,50 m) mais permanentes, supportant pas ou peu l’assèchement (Ferry et al., 2009). Au total 35 espèces de plantes ont été inventoriées dans le marais tandis que 52 espèces sont présentes dans le lac Alaotra (Ranarijaona, 1998). Parmi ces plantes, trois sont endémiques, citons Melanthera scandens madagascariensis (Asteraceae), Cynosorchis gracilis (Orchidaceae) et Utricularia perpusilla (Lentibulariaceae) (Ranarijaona, 2007). Le taux d’endémicité est faible comme pour la plupart des zones humides dans le monde, avec seulement 28% pour l’ensemble. La surface d’eau libre est occupée par des espèces de plantes invasives telles que Salvinia molesta (Salviniaceae) et Eichornia grassipes (Pontederiaceae) (Pidgeon, 1996).

Distribution et statut

La plupart des espèces d’Anatidae présentes à Madagascar possèdent une vaste aire de distribution, et se déplacent ou migrent en fonction de la disponibilité de la nourriture (Langrand, 1995). 10 espèces de canards se rencontrent à Madagascar et trois d’entre elles y sont endémiques (Langrand, 1995). Cela représente un taux d’endémisme de 33% au sein de cette famille à Madagascar. Il s’agit du canard de Meller Anas melleri, de la sarcelle de Bernier Anas bernieri et du fuligule de Madagascar Aythya innotata. Cette dernière espèce est aujourd’hui éteinte dans la région du Lac Alaotra, mais elle vient d’être redécouverte récemment sur des lacs volcaniques de la région d’Antsohihy (Rene de Roland et al., 2007). Aythya innotata est certainement l’un des oiseaux les plus rares et les plus menacés (gravement menacé selon UICN, 2011) de l’île. Sa raréfaction progressive depuis 1930, en particulier du Lac Alaotra où il était commun (Rene de Roland et al., 2007), s’est très gravement accrue. Ces trois espèces endémiques sont menacées à cause de leur surexploitation et de la destruction de leurs habitats. Cependant, toutes les autres espèces présentent un déclin de leurs effectifs suite à des pressions de chasse, du piégeage et la transformation de leurs habitats naturels (Langrand, 1995). Elles sont classées dans la liste rouge de l’UICN (2011) dans la catégorie des espèces à « préoccupation mineure », à l’exception des trois espèces endémiques dont deux sont en danger et une est gravement menacée (Tableau I).

Choix des sites d’études

Cette étude a été réalisée au Lac Alaotra, situé sur les Hautes Terres de Madagascar. La pression anthropique a un impact sur la faune et la flore de cette zone humide et elle pourrait finalement accentuer la circulation de certains pathogènes ou engendrer l’émergence d’autres. L’étude du rôle de la faune sauvage dans l’émergence des maladies infectieuses est donc cruciale, en particulier dans les zones d’interface forte entre les animaux sauvages, les hommes et leurs animaux domestiques. De ce fait, le site du Lac Alaotra se caractérise par une occupation conjointe de l’espace par des peuplements d’oiseaux, domestiques, sauvages et par les hommes. Cette promiscuité homme/animal, associée à une avifaune sauvage importante et à une absence presque totale de contrôle des risques sanitaires, fait de cette zone un réacteur épidémiologique, c’est-à-dire une zone où les pathogènes quels qu’ils soient trouvent toutes les conditions requises pour circuler et se pérenniser, des réservoirs, ainsi que des conditions climatiques et écologiques favorables. L’ONG Durrell Wildlife Conservation Trust (DWCT) en charge de la gestion de la nouvelle aire protégée du Lac Alaotra, réalise depuis plusieurs années un suivi-environnemental du site avec l’aide des villageois locaux. Le suivi est basé sur plusieurs indicateurs écologiques dont les effectifs de l’avifaune sauvage du lac (Andianandrasana et al., 2005). Après discussion avec le représentant local de DWCT, et des enquêtes complémentaires réalisées auprès des pêcheurs vivants sur les rives du lac, nous avons pré-identifié les principales zones de regroupement des Anatidae. Trois sites de prospection a priori intéressants pour la réalisation de notre propre étude ont ainsi été définis (Figure 14) et trois bases y ont été établies afin d’avoir des accès directs au terrain : – Site 1 : au Sud-est du lac à Andreba Gare : S17°63’37,3’’/ E048°50’45,5’’. Habitat : prédominance de marais et de bordures de rizière. – Site 2 : au Nord du lac à Vohimarina : S17°33’44,7’’/ E048°54’78,1’’. Habitat : alternance de rizières et d’eau libre.

Table des matières

INTRODUCTION
1. PRESENTATION DU MILIEU D’ETUDE ET DU GROUPE BIOLOGIQUE ETUDIE
1.1. DESCRIPTION DU MILIEU D’ETUDE
1.1.1. Localisation géographique
1.1.2. Milieu physique
1.1.2.1. Climatologie
1.1.2.2. Hydrologie
1.1.2.3. Géologie
1.1.3. Milieu biologique
1.1.3.1. Faune
1.1.3.2. Flore
1.2. GROUPE BIOLOGIQUE ETUDIE
1.2.1. Caractéristiques biologiques
1.2.2. Cycle biologique annuel
1.2.3. Distribution et statut
2. METHODOLOGIE
2.1. Choix des sites d’études
2.2. Etude de la communauté d’Anatidae sauvages
2.3. Prélèvements et analyses virologiques
2.4. Analyse phytosociologique de l’habitat
2.5. Traitement et analyses statistiques des données
2.5.1. Abondance relative
2.5.2. Tests statistiques utilisés
2.5.2.1. Test de Kolmogorov-Smirnov
2.5.2.2. Test de Student ou Test t
2.5.2.3. Test de Khi-deux (χ2)
3. RESULTATS ET INTERPRETATIONS
3.1. Composition spécifique et statut de la communauté d’Anatidae sauvages
3.2. Evolution du nombre d’observations et de l’abondance relative au sein de la communauté d’Anatidae sauvages
3.3. Prévalence de l’Influenza Aviaire et de la Maladie de Newcastle sur les oiseaux d’eaux sauvages échantillonnés sur le lac Alaotra.
3.4. Proportion des différentes espèces d’Anatidae sauvages porteuses de l’Influenza Aviaire et de la Maladie de Newcastle
3.5. Abondance comparée entre les Anatidae sauvages et les hôtes potentiels des virus de l’Influenza Aviaire et de la Maladie de Newcastle
3.6. Structure phytosociologique des différents sites
4. DISCUSSION
4.1. Composition spécifique de la communauté d’Anatidae sauvages
4.2. Evolution temporelle de la communauté d’Anatidae sauvages
4.2.1. Evolution temporelle de l’abondance relative
4.2.2. Evolution de la distribution
4.3. Prévalences virales au sein de la communauté aviaire sauvage
4.4. Risques de transmission
4.5. Structure phytosociologique des différents sites
CONCLUSION
RECOMMANDATIONS
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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