Composition et origine des matériaux constituant les sols

 Composition et origine des matériaux constituant
les sols

Introduction 

La variabilité spatiale des sols, et notamment leur épaisseur, découle de l’équilibre entre deux types de processus (Huggett, 1997) : – les processus de pédogenèse in-situ qui impliquent un développement majoritairement vertical du sol du haut vers le bas. Lorsque de tels processus dominent, le sol possède une parenté importante avec le substrat (autochtonie) considéré alors comme roche-mère. – les processus d’érosion-dépôt qui contrôlent les départs et apports latéraux de matière, et donc le « rajeunissement » du profil à sa surface. Dans de tels cas, il peut exister des dissimilitudes importantes entre le substrat et le sol (allochtonie). Sur les versants cultivés soumis à l’érosion, les phénomènes de dépôt sont favorisés localement par les bordures de parcelles (haies, bandes enherbées, chemins…). Tout type de bordure a un effet anti-érosif vis-à-vis du labour, mais également vis-à-vis du vecteur hydrique lorsqu’il est végétalisé (Govers et al., 1996 ; Dabney et al., 1999; De Alba, 2003; Knapen et al., 2008). De plus, cet effet est accentué lorsque les bordures ont une orientation proche de celle des courbes de niveau. Ces dépôts locaux induisent la formation de figures morphologiques linéaires caractéristiques, comme les crêtes de labour et les banquettes agricoles (Callot, 1980 ; Zadora-Rio, 1991 ; Salvador-Blanes, 2002). L’étude développée dans le Ch. III a mis en évidence l’existence de deux types de figures morphologiques linéaires sur le site d’étude, les banquettes agricoles et les ondulations. Les premières sont associées à des bordures de parcelles encore présentes actuellement. Les secondes sont liées à des bordures de parcelle disparues principalement lors d’un remembrement effectué en 1967.Le substrat est également susceptible d’influencer les caractéristiques topographiques et l’épaisseur des sols au droit des figures morphologiques étudiées. En contexte carbonaté, la juxtaposition d’affleurements de substrat de faciès lithologiques différents peut entraîner des variations non négligeables de la nature des sols et de la forme du toit de l’altérite. La nature du substrat favorise en effet plus ou moins les processus pédogénétiques in-situ, induisant une variation spatiale des sols et de leur épaisseur. Ce chapitre est consacré à la caractérisation de la composition des sols au niveau des figures morphologiques identifiées sur le site d’étude et à la détermination de l’origine de ces composants. La nature et la variabilité spatiale du substrat géologique seront précisées afin de mettre en évidence des indices de redistribution prouvant un certain degré d’allochtonie de ces matériaux (SEDI ; cf. Ch. I). En d’autres termes, cette approche permettra de définir dans quelle mesure des SEDIs de types minéralogique, granulométrique ou autres (Pedological, physical SEDIs ; cf. Ch. I) pourront être employés pour caractériser, voire quantifier, la redistribution de matière au niveau des figures morphologiques sur le site d’étude.

Cartographie géo-électrique de la variabilité lithologique des substrats

L’extension spatiale des formations géologiques constituant le versant a été étudiée par une approche géo-électrique. Les méthodes électromagnétiques et électriques utilisées Chapitre IV – Composition et origine des matériaux constituant les sols 153 dans cette étude permettent la mesure rapide, en surface, de la résistivité/conductivité électrique du sol et du sous-sol. La résistivité électrique et son inverse, la conductivité électrique, dépendent des caractéristiques physico-chimiques des matériaux (lithologie, teneur en eau et solutés, taille des constituants…). Dans les cas favorables, ces méthodes géophysiques aident à discriminer les formations constituant le sol et le sous-sol par la mesure des différences de leurs résistivités électriques (Dupis et al., 1996 ; Gourry et al., 2003). Le choix des outils électriques et électromagnétiques est justifié ici par la diversité de nature physico-chimique des formations géologiques du versant. 

Résistivité électrique d’un matériau et facteurs influants 

La résistivité électrique ρ (en Ω.m) d’un matériau quantifie sa capacité physique à s’opposer au passage d’un courant électrique ; son inverse est la conductivité Q (en S.m-1) telle que Q = 1/ ρ. Les formations superficielles (sols et roches) sont composées d’une « matrice » solide, d’une phase liquide, et d’une phase gazeuse. La matrice minérale est souvent considérée comme isolante électriquement. Cependant, les argiles possèdent une capacité d’échange cationique (CEC) plus ou moins élevée en fonction de leur nature (Caillère et al. 1982 ; Newman and Brown, 1987) qui va influencer leur conductivité électrique (Tabbagh and Cosenza, 2006). La quantité et la nature des diverses argiles dans le volume de solide sont donc à considérer. De plus, la matière organique (MO) libère, lors de sa décomposition, des composants (acides organiques, lignine…) qui possèdent des propriétés d’échange ionique ; la quantité d’ions échangeables augmente alors avec le degré d’humification (Rydin and Jeglum, 2006). L’arrangement spatial (structure) des particules solides minérales et organiques détermine la porosité d’un matériau qui contient les deux phases, liquide et gazeuse. L’air est un isolant électrique, tandis que l’eau est souvent conductrice. La nature des ions contenus dans les eaux d’imbibition, et la concentration de chacun, contrôlent nettement la conductivité, dite électrolytique, d’une roche ou d’un sol (Bertrand, 1967 ; McNeal et al., 1970). Lorsque la température augmente, la mobilité des ions s’accroît et favorise la dissociation des molécules. Ainsi, une augmentation de température de 1°C du matériau induit une baisse de résistivité de 2% pour les températures entre 0 et 20°C (Keller and Frischknecht, 1966). Chapitre IV – Composition et origine des matériaux constituant les sols 154 Les mesures de résistivité électrique vont donc nous renseigner sur le sol et le sous-sol en intégrant leurs caractéristiques minéralogiques, hydrologiques et de porosité. Il est important de noter qu’étant donné le nombre de paramètres physico-chimiques impliqués dans les propriétés électriques d’un matériau, deux formations de nature différente sont susceptibles de présenter des valeurs de résistivité proches (Bertrand, 1967). 

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Méthode électrique

 Des sondages électriques (SE) ont été effectués par F. Hinschberger et E. AldanaJague pour évaluer la variabilité verticale de résistivité électrique des matériaux le long du versant. Les SE ont été réalisés grâce à un résistivimètre SYSCAL Jr. de Iris Instruments® . Il s’agit d’un quadripôle électrique à courant continu : deux électrodes (A et B) émettent un courant d’intensité I connue, les deux autres (M et N) mesurent la différence de potentiel (∆V) liée au passage du courant dans le sol et le sous-sol. Un facteur géométrique est alors intégré à la loi d’Ohm pour tenir compte de la configuration spatiale des électrodes. Dans un milieu supposé homogène, la différence de potentiel correspond alors à : ∆V = F * ρ a * I 2/1* *π , (1) avec ∆V : différence de potentiel entre M et N (en mV), F : facteur géométrique (en m-1), ρa : résistivité apparente du sous-sol (en Ω.m) et I : intensité du courant envoyé (en mA). La configuration spatiale « Wenner » a été utilisée ici, où les quatre électrodes sont alignées et équidistantes telles que AM = MN = NB = a (m) (Fig. IV-1). En mode Wenner, la profondeur d’investigation correspond environ au quart de la distance AB (Samouëlian et al., 2005). La variation de l’écartement a des électrodes permet donc d’enregistrer les variations de résistivité apparente à la verticale du point sur lequel est centré le dispositif. La résistivité apparente est un signal intégrant de façon pondérée les résistivités vraies des différents matériaux traversés entre la surface et la profondeur maximale atteinte par les lignes de courant. Pour chaque SE, l’espacement maximum a atteignait 7 à 10 m : les mesures concernaient alors principalement le substrat géologique compte tenu d’une épaisseur moyenne de sol de 62 cm sur le site (Cf. Ch. III).

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