COMPOSES DE L’ABEILLE POUVANT AVOIR UN EFFET SUR LA QUALITE REPRODUCTRICE DU POLLEN
Comme cela a été présenté précédemment, la qualité reproductrice du pollen est affectée par l’abeille. Il a été montré que la qualité du pollen était plus ou moins altérée en fonction de la partie du corps de l’abeille avec laquelle il était en contact ou du comportement de butinage. Ainsi, Mesquida et Renard (1989) ont montré que le pollen de colza présentait une aptitude à germer plus faible lorsqu’il était mis en pelote que lorsqu’il était porté sur le corps. Ils ont également montré que le pollen porté sur la tête perdait plus rapidement son aptitude à germer que celui porté sur le thorax. L’hypothèse avancée par ces auteurs est que la perte de l’aptitude à germer in vitro du pollen de colza récolté par l’abeille pourrait être causée par un contact avec des fluides oraux de l’abeille. Ces fluides sont constitués de nectar et de sécrétions glandulaires que l’abeille régurgite afin de les ajouter au pollen pour le compacter en pelotes. Il a été montré chez d’autres insectes comme la noctuelle de la tomate (Helicoverpa armigera) que les fluides oraux diminuent la qualité du pollen (Richards et al., 2005). Vaissière et al. (1996) ont montré que la viabilité du pollen porté par des butineuses mixtes était plus faible que celui porté par des butineuses strictes de nectar. Ces dernières, qui se nettoient du pollen, utiliseraient moins de fluide oraux ou de composition différente que les butineuses qui compactent le pollen dans leurs corbicules (Vaissière et al., 1996). Des recherches ont mis en évidence que des composés de l’abeille inhibaient la germination in vitro du pollen. Maurizio (1958) a montré que les sécrétions des glandes hypopharyngiennes dont la gelée royale inhibaient fortement la germination du pollen. Il a été montré par la suite que de nombreux acides gras avaient une action inhibitrice (Keularts and Linskens, 1968). L’acide 10-hydroxy-2-décénoïque (10-HDA), en particulier, empêche la germination du pollen de pétunia (Lukoschus and Keularts, 1968). Produit par les glandes mandibulaires, il est présent sur la tête, mais pratiquement absent sur le reste du corps où il y parviendrait lors du processus de façonnage des pelotes de pollen (Lukoschus and Keularts, 1968 ; Verhoef and Hoekstra, 1986). Des substances autres que les acides gras ont une action inhibitrice. C’est le cas du miel et des solutions sucrées dont la concentration en sucres est supérieure à 40% et de la propolis (Maurizio, 1958). Néanmoins, dans le dispositif expérimental que nous avons utilisé précédemment, les abeilles n’avaient pas la possibilité de se brosser et de manipuler le pollen. Il semblerait plus probable que des substances présentes sur la cuticule induiraient cette diminution de qualité.
(1957) a montré que les extraits à l’éther de cuticules de certains insectes étaient fongicides. Or les grains de pollen réagissent comme certains microorganismes lorsqu’ils sont traités avec des antibiotiques (Beattie et al., 1985). Le pollen exposé au tégument de fourmi présente une qualité réduite (Beattie et al., 1984). Un antibiotique puissant, produit par la glande métapleurale (Beattie et al., 1986) et se retrouvant sur le tégument lorsque la fourmi se nettoie ou par passage à travers la cuticule, a pour effet secondaire de tuer le pollen (Beattie et al., 1985). Cet effet du tégument des fourmis sur la qualité du pollen explique qu’elles soient rarement des pollinisateurs. En revanche, Harriss et Beattie (1991) ont montré que le contact du tégument d’une abeille sans dard (Trigona carbonaria Smith) induisait également une diminution de la viabilité du pollen, alors qu’elle n’était pas significativement diminuée au contact du tégument d’Apis mellifera. Aucune étude ne fait, à notre connaissance, référence à des composés de l’abeille qui pourraient protéger le pollen. Les hydrocarbures et les esters sont les composés majoritaires des cires cuticulaires de l’abeille (Francis et al., 1989 ; Schmitt et al., 2007). Nous avons donc choisi de rechercher parmi ces composés des substances candidates qui pourraient être responsables des deux effets que nous avons mis en évidence. Pour cela, les substances présentes à la surface des abeilles qui diminuaient ou qui augmentaient la qualité du pollen ont été extraites et fractionnées. Les différentes fractions obtenues ont été mises en contact avec le pollen afin d’évaluer leur effet sur sa qualité. Les profils chimiques de ces différentes fractions ont été également comparés en fonction de l’effet des abeilles sur la qualité du pollen, pour rechercher des composés pouvant induire ces modifications. Un intérêt particulier a été porté sur l’oléate d’éthyle, substance produite en majorité par les butineuses, son effet sur la qualité du pollen a donc été testé seul.