Comportements des fibres optiques dopées erbium
soumises à des insolations UV
Comportement de fibres optiques dopées erbium sous insolation UV
Fibres optiques dopées erbium excitées de manière transversale à 244 nm Dans les deux prochains paragraphes, nous présentons les résultats spectroscopiques obtenus lors de l’excitation transversale des fibres dopées erbium. Ces résultats ont été obtenus moyennant une approche bien différente de celle habituellement utilisée pour réaliser les études spectroscopiques. En effet, l’excitation UV transversale à 244 nm permet de générer dans la fibre une luminescence s’étendant pratiquement de manière continue sur la plage spectrale 300 – 600 nm. Cette luminescence centrée sur le bleu nous sert de source de lumière continue intrinsèque à la fibre pour évaluer l’absorption induite par insolation UV. La Figure IV-1 montre le spectre généré lors de l’excitation transversale à 244 nm d’une fibre dopée germanium, Corning SMF28. Cette approche, utilisant une source intrinsèque, a été développée au laboratoire Hubert Curien et est détaillée dans la thèse de K. Médjahdi [Médjahdi 2005] Dans un premier temps et pour réaliser le spectre de référence, la fibre optique n’est pas déplacée devant le faisceau laser. Nous réalisons une insolation par point pendant une durée très courte afin d’obtenir les spectres transmis par la fibre avant l’insolation UV proprement dite. Une fois ce spectre obtenu, nous procédons à l’insolation continue de la fibre pour évaluer son absorption induite.
Absorption des fibres non insolées
Nous avons testé quatre fibres : deux avec une concentration en aluminium non négligeable (comprise entre 8 et 10% en poids), ce sont les fibres D#1 et D#2, et deux avec une concentration en aluminium proche de zéro (~0.3% en poids), ce sont les fibres D#5 et D#7. Dans le domaine spectral de notre étude, 2 eV – 4.1 eV (300 nm – 600 nm), les défauts, excités sous 5.1 eV (244 nm), Ge-ODC et Si-ODC(II) de la fibre présentent deux bandes de luminescence centrées autour de 2.7-2.8 eV (442 – 460 nm) et 4.3-4.4 eV (281 – 288 nm) pour les Si-ODC(II) et de 3.0 -3.2 eV (387 – 414 nm) et 4.2-4.3 eV (288 – 295 nm) pour les Ge-ODC [Skuja 1998]. La Figure IV-2 présente leur diagramme d’énergie. L’excitation sous 244 nm permet la transition entre l’état fondamental singulet (S0) et l’état excité (S1). Les deux bandes de luminescence sont générées lors des transitions S1→S0 et T1→S0, comme cela est illustré sur la Figure IV-2.La Figure IV-3 nous présente les spectres en sortie des fibres D#1 et D#5 lors d’une insolation ponctuelle et transversale sous laser UV à 244 nm. Pour chacun de ces deux spectres nous avons cherché à tracer les courbes enveloppes (en trait continu) à la lumière du spectre de la Figure IV-1. Ces courbes sont une somme de Gaussiennes représentant les bandes de luminescence des deux défauts précédemment cités. Pour cela, nous avons utilisé trois Gaussiennes centrées à 2.7 eV, 3.1 eV et 4.2 eV. La luminescence générée lors de l’excitation ponctuelle est absorbée partiellement par les ions erbium lors de sa propagation dans la fibre. Par-dessus ces spectres de luminescence de défauts s’ajoute l’absorption des ions erbium présents dans le cœur de nos fibres. La Figure IV-4 présente les spectres, sous excitation ponctuelle, en sortie de fibre pour nos quatre échantillons. Ces spectres sont normalisés à l’unité pour faciliter la comparaison. Les quatre fibres possèdent un comportement fort semblable dans la plage spectrale étudiée. La fibre D#7, ayant une concentration en erbium un peu plus élevée que la fibre D#5, présente une absorption plus importante que cette dernière. Les spectres des fibres D#1 et D#2 ne diffèrent appréciablement que dans le domaine spectral 400 – 450 nm. Dans ce domaine la fibre D#2 se comporte comme les fibres D#5 et D#7. Ces trois fibres se caractérisent par une plus faible concentration en aluminium par rapport à la fibre D#1. De ce fait, l’excès de l’absorption entre 400 et 450 nm de la fibre D#1 pourrait être imputable à des centres liés à l’aluminium.
Détermination des coefficients d’absorption
Nous avons acquis plusieurs spectres de luminescence de la fibre D#1 de la même manière que précédemment (c’est à dire avec une brève insolation ponctuelle et transversale par le laser UV) mais en réduisant la longueur de fibre qui sépare le point d’insolation et le détecteur. Lors du déplacement de la fibre entre deux insolations successives, le faisceau laser est obstrué. Nous avons réalisé cette expérience avec 9 m de fibre D#1 et en déplaçant la fibre de 90 cm entre chaque mesure. Cette procédure revient à reproduire la méthode du « cut-back » sans avoir ni à couper la fibre ni à modifier l’injection. La Figure IV-5 reproduit les spectres acquis pour trois longueurs différentes. Cette méthode présente l’avantage d’avoir une excellente reproductibilité et est indépendante de la puissance du laser utilisé pour l’insolation.
Absorption induite dans les fibres insolées à 244 nm
Après la détermination des coefficients d’absorption à différentes longueurs d’onde des fibres vierges, nous avons procédé à l’insolation à 244 nm de nos fibres. Pour cela nous avons déplacé la fibre le long de son axe perpendiculairement au faisceau laser comme décrit dans le paragraphe II.1.5. La fluence des insolations est calculée à partir des paramètres du laser et du montage expérimental moyennant l’équation IV-1 donnée dans l’introduction de ce chapitre. Nous avons utilisé une fluence de 5.6 J٠cm-2 pour nos insolations. La Figure IV-7 présente différentes courbes enregistrées au cours du déplacement de la fibre devant le faisceau laser. Nous pouvons constater que le profil des courbes ne change pas au cours de l’insolation mais l’intensité de la lumière transmise par la fibre diminue avec l’insolation. Afin de suivre l’évolution de l’intensité transmise au cours de l’insolation, nous avons tracé sa variation à différentes longueurs d’onde en fonction de la longueur insolée pour les quatre fibres testées (D#1, D#2, D#5 et D#7), Figure IV-8. Nous avons ajusté nos différentes courbes expérimentales avec une exponentielle décroissante (Eq.IV-3). ( ) 0 – x I = I e β λ ⋅ ⋅ (Eq. IV-3) où β est le coefficient d’absorption induite par insolation UV. Pour chaque fibre, nous avons représenté l’évolution de l’intensité de la luminescence à six longueurs d’onde différentes : 400 nm, 420 nm, 535 nm correspondant à la réponse de la matrice hôte et 407 nm, 452 nm, 487 nm correspondant à des bandes de l’absorption de l’erbium. Les valeurs des coefficients d’absorption β(λ) calculés avec les ajustements sont données en Table IV-2, les valeurs ainsi calculées correspondent aux conditions expérimentales utilisées lors de nos insolations ; vitesse de déplacement, puissance de laser et focale de la lentille. Les valeurs des coefficients d’absorption induites des fibres D#1 et D#2 sont inférieures à celles des coefficients des fibres D#5 et D#7. Dans la gamme spectrale (domaine du visible) l’aluminium ne semble pas jouer un rôle important puisque l’atténuation induite ne suit pas l’évolution de la concentration en aluminium. En revanche, nous pouvons constater que de manière générale, pour une fibre donnée, l’évolution est sensiblement la même quelque soit la longueur d’onde. Ceci prouve que la transmission d’une fibre diminue dans son ensemble lors d’une insolation UV : les longueurs d’onde situées dans les plages spectrales de l’absorption de l’erbium diminuent de la même façon que les longueurs d’onde se situant en dehors de l’absorption de l’erbium. Nous pouvons penser que les pertes induites par l’insolation UV ne sont dues qu’à la matrice hôte de nos fibres. Nous en arrivons donc à la même conclusion que lors des irradiations gamma : les ions erbium d’une fibre dopée ne sont pas directement affectés lorsque cette dernière est soumise à un rayonnement ionisant..