Comportement thermo-hydro-mécanique des structures en béton
Age du béton
La microstructure du béton étant évolutive du fait des réactions d’hydratation, plus la charge est appliquée tardivement, moins l’amplitude de cette déformation différée est importante. Selon [Sellier et Buffo-Lacarrière, 2009], ceci peut être dû au fait qu’avant la mise en charge, le béton a pu consommer une part de sa capacité, ou potentiel, de déformations différées sous l’influence des dépressions capillaires d’auto-dessiccation. La diminution du nombre de sites de déformation différée disponibles lors du chargement expliquerait l’atténuation de la cinétique des déformations de fluage. Il existerait ainsi un potentiel de consolidation des C-SH qui pourrait être à l’origine des déformations différées [Sellier et Buffo-Lacarrière, 2009]. Une raison complémentaire est attribuable à la modification chimique des C-S-H, qui sous Comportement THM des structures en béton 54 l’influence des micro-gradients ioniques conduit à une modification de leur rapport C/S modifiant les propriétés mécaniques des gels de C-S-H [El Bitouri et al., 2016].
Le rapport E/C
Nous avons déjà précisé que le rapport E/C modifie la cinétique du fluage propre à court terme (CF. I.5.1.1). Lorsque celui-ci augmente, la déformation de fluage propre croît également, du fait notamment de la part en excès d’eau qui ne contribue pas à l’hydratation. En effet, cette eau présente dans le béton en grande quantité peut se comporter comme un « lubrifiant » entre les feuillets de C-S-H, et ainsi favoriser l’apparition de fluage propre. Ce qui est certainement en lien avec la modification de la quantité d’eau dans la zone d’absorption empêchée et les conséquences que cela entraîne sur la résistance au cisaillement des feuillets.
Les granulats
Bien qu’ils ne soient pas pris en compte dans les modèles règlementaires, les granulats ont une influence non négligeable sur le fluage des bétons comme le montre la FIGURE I-22. Avec des granulats de type Diabase concassé, le fluage du béton sera plus de deux fois supérieur à celui obtenu si les granulats utilisés sont siliceux. Figure I-22 évolution du fluage propre spécifique selon la minéralogie du granulat [Makani, 2011] Pour expliquer cet écart, deux points en particulier interviendraient principalement : • La rigidité des granulats et leur volume dans un béton. Nous avons vu que les granulats se caractérisent par une rigidité supérieure à celle de la pâte et que les déformations différées se développaient dans la pâte de ciment. Or, les granulats ne sont pas sensibles au fluage à l’échelle de temps du génie civil. En augmentant le volume des granulats dans un béton, on réduit d’autant le volume de pâte, ce qui revient à faciliter le transfert des contraintes à long terme vers des granulats qui vont se déformer plus ou moins en fonction de leur rigidité propre. • L’adhérence granulat matrice. Plusieurs auteurs ont établi qu’un béton n’avait pas la même amplitude de fluage selon la nature minéralogique de ses granulats. [Sellier Type de granulat : SiRH : siliceux roulé SiCH : siliceux concassé GraCH : granite concassé CaCH : calcaire concassé GreCH : grès concassé DiCH : diabase concassé Comportement THM des structures en béton 55 et Buffo-Lacarrière, 2009] ont expliqué que la modification de la vitesse de fluage à long terme pouvait provenir, du moins en partie, d’un report des contraintes vers les granulats qui agissait comme des zones de blocage du tassement de la pâte, du moins si la liaison granulat pâte était correcte. [Makani, 2011] s’est basé sur cette théorie en précisant que la qualité de l’interface du granulat, conditionné notamment par la nature minéralogique du granulat, pouvait être en partie responsable des différences constatées de comportement de fluage de béton ne se différenciant que par le type et le volume de granulat incorporé. Une étude numérique récente, menée par [Bernachy-Barbe et Bary, 2019] montre une influence de la forme des granulats pouvant expliquer un surplus de fluage de l’ordre de 20% pour un granulat « anisotrope », du point de vue de sa géométrie, par rapport à un parfaitement sphérique.
Les additions
Les cendres volantes, qui sont des additions pouzzolaniques, affinent la structure poreuse et accroissent le volume de C-S-H par consommation de la Portlandite. La Portlandite étant mieux cristallisée et plus rigide, on pourrait s’attendre, avec sa consommation dans le ciment hydraté, à une augmentation du fluage à long terme. [Bamforth, 1980] a observé que le fluage d’un béton à base de ciment Portland est plus important que celui d’une même formulation pour laquelle 30% de liant a été remplacé par des cendres volantes (CF. FIGURE I-23). Cette constatation est confirmée par d’autres études [Ross, 1960 et Bamforth et Bahra, 1979] qui remarquent également une diminution de la déformation de fluage avec l’augmentation de la teneur en cendres. Cependant, selon [Lothia et al., 1976], au-delà de 15% de remplacement du ciment par des cendres, le fluage du béton augmente de façon significative (environ 25% de déformation supplémentaire). En menant des études similaires avec différentes cendres volantes [Ghosh et Timusk, 1981] ont conclu que les résultats étaient conditionnés par la qualité des cendres volantes. Une cendre volante de bonne qualité entraînait un module d’élasticité équivalent à celui d’un béton de même résistance sans cendres, et permettait de réduire significativement le fluage. En revanche, lorsque la cendre utilisée est de moins bonne qualité, le fluage du béton est comparable à celui du béton de référence
Paramètres environnementaux
Le type de cure
D’après [Ladaoui, 2010], la réalisation d’une cure eau ou d’une cure endogène, avant la mise en charge, n’influencerait que peu la cinétique et l’amplitude du fluage propre du béton. Sur la FIGURE I-25, on remarque une différence d’amplitude qui peut, selon l’auteur, être expliquée par la différence d’âge du béton (chargement à 70 jours de cure endogène contre 14 mois de cure eau). Cependant, avec une cure endogène, l’eau est consommée pour l’hydratation du béton, le degré de saturation est par conséquent légèrement inférieur à 1, alors qu’en cure sous Comportement THM des structures en béton 57 eau il est égal à 1 au moment de l’essai puisque la porosité reste toujours saturée. Cette autodessiccation peut être responsable de microfissuration et d’apparition de fluage de dessiccation lorsqu’une contrainte est appliquée, ce qui expliquerait l’écart d’amplitude du fluage relevé par [Ladaoui, 2010].
RESUME DE LA THESE |