Les différentes microstructures des matériaux carbonés
L’élément carbone est présent sous plusieurs formes allotropiques, naturelles ou synthétiques. Une d’entre elle, proche de la structure du graphite, est utilisée pour la fabrication des deux constituants des C/C, les fibres de carbone et le pyrocarbone (PyC). Les différentes formes allotropiques sous lesquelles le carbone peut se présenter sont détaillées dans cette partie puis les deux constituants du composite C/C et le procédé d’élaboration menant à la structure finale du composite seront exposés.
Diamant : On connaît au carbone deux composés naturels, le graphite et le diamant. La formation de ce dernier nécessite des conditions de pression et de température extrêmes (entre 1 100 et 1 400°C et entre 4,5 GPa et 6 GPa de pression), caractéristiques correspondant à des profondeurs d’environ 150 à 200 km dans le manteau terrestre.
On dit alors que le diamant est une forme métastable du carbone, dont la formation est impossible dans les conditions normales de pression et de température. L’hybridation du carbone sous forme diamant est sp3 et sa structure cristalline est cubique face centrée, avec chaque atome de carbone lié à quatre autres atomes. La structure particulière de cet édifice tridimensionnel, dense et rigide, confère au diamant des propriétés isotropes, une densité forte, une dureté extrême et un caractère isolant.
Formes graphitiques : La deuxième forme commune du carbone est le graphite, et par extension les carbones paracristallins. Le graphite est constitué de feuilles de graphènes (couches planes aromatiques) où les atomes de carbone sont organisés en réseau hexagonal (hybridation sp2). Ces feuilles peuvent être empilées en ABA (graphite hexagonal) qui est l’empilement le plus stable ou en ABC (graphite rhomboédrique).
Procédé de fabrication des fibres de carbone
La fibre de carbone est un produit carboné très utilisé dans la fabrication des composites, et a fortiori dans les composites C/C. Différents procédés d’élaboration existent, selon la nature des précurseurs carbonés : polyacrylonitrile (PAN), rayonne, brai… Le procédé présenté ici est celui des fibres dites ex-PAN.
Sous sa forme la plus complète, le procédé ex-PAN comporte les étapes présentées. Tout commence par le filage du précurseur organique, le PAN ; cette étape permet de maximiser l’alignement axial du polymère. En effet, il faut aligner le mieux possible les plans graphitiques parallèlement à l’axe de la fibre. Pour ce faire, une force de tension est appliquée à la fibre. Puis, une déshydrogénation-oxydation à l’air vers 200-300°C vise à rendre le précurseur suffisamment infusible pour qu’il puisse supporter sans dommage l’élévation de température. Un traitement de carbonisation à moyenne température (1100-1300°C) sous atmosphère inerte élimine ensuite l’essentiel des hétéroatomes volatils (N, O). A ce stade, la fibre est caractérisée par une masse volumique comprise entre 1,5 et 1,8 g.cm−3, un module d’Young moyennement élevé et une forte résistance mécanique. Ces fibres sont dénommées fibres HR (haute résistance). L’étape de graphitation correspond à la fabrication de fibres haut module (HM) et n’est pas une étape obligatoire, notamment pour des applications de freinage. Ce traitement à très haute température (jusqu’à environ 3000°C) sous atmosphère inerte et, dans certains cas, sous tension mécanique favorise l’alignement des plans graphitiques parallèlement à l’axe de la fibre : la fibre est alors dite de graphite. Ce traitement est accompagné d’une diminution de porosité et d’une augmentation de la masse volumique (1,8-2,1g.cm−3) ainsi que d’une élévation du module d’Young. Enfin, l’oxydation finale visible n’est pas une étape d’élaboration des fibres de carbone à proprement parler. C’est un traitement de surface en milieu acide (sous HNO3 par exemple), optionnel, qui permet d’accroître la rugosité des filaments dans le but d’améliorer la liaison fibre-matrice du futur composite.
Mise en œuvre des composites Carbone/Carbone
Plusieurs procédés d’élaboration mènent à des composites composés à 95% de carbone. A partir d’un renfort fibreux, la transformation en composite Carbone/Carbone peut se faire par dépôt chimique en phase vapeur. Ainsi, les matériaux composites C/C élaborés par densification chimique en phase gazeuse sont constitués de deux produits carbonés : les fibres de carbone et le pyrocarbone, décrits aux paragraphes précédents.
L’élaboration du matériau a lieu en trois à quatre grandes étapes. Tout d’abord, il est nécessaire d’élaborer la préforme fibreuse, qui va constituer l’architecture du matériau. Il peut s’agir de nappes unidirectionnelles, de mat (fibres disposées aléatoirement), de fibres tissées, tressées ou aiguilletées … L’étape de densification est ensuite réalisée par le procédé CVI (Chemical Vapor Infiltration). Elle consiste en une infiltration du carbone «gazeux» à l’intérieur de la préforme afin de réduire au maximum les porosités.
Le dépôt est volontairement lent afin de laisser aux atomes le temps de diffuser à cœur de la préforme et créer un réseau paracristallin le plus parfait possible (plusieurs centaines d’heures). Ce phénomène est aussi favorisé par une température de procédé élevée. Vient ensuite l’étape d’écroutage : le procédé de densification est interrompu une à quatre fois afin d’écrouter la surface de la pièce. En effet, les atomes doivent pouvoir s’infiltrer au cœur de la préforme fibreuse. Cela est rendu impossible lorsque la densification a bouché les accès à la porosité ouverte. Enfin, l’élaboration du matériau peut être finalisée par une graphitisation. Cette étape d’exposition à très haute température (2000 à 2400°C) est optionnelle. Elle permet de purifier la matière et d’augmenter l’alignement des plans graphitiques du pyrocarbone. Au final, on considère que les composites Carbone/Carbone sont constitués à 95% de carbone. Les 5% restants sont des éléments volatils, impuretés, des atomes d’oxygène et d’hydrogène et des cendres.
Frottement lubrifié
Les applications tribologiques ne nécessitent pas toujours un coefficient de frottement élevé et des propriétés thermiques particulières comme dans le cas du freinage. Au contraire, il peut arriver que l’on souhaite une usure et un coefficient de frottement faibles, par exemple dans les éléments de transmission de mouvement type roulements. C’est ce dernier cas qui est prépondérant dans les manuels de tribologie : la réduction du frottement et de l’usure. Historiquement, les premiers humains ont utilisé des huiles végétales et des graisses d’animaux. Aujourd’hui, les lubrifiants sont très techniques et hautement diversifiés. Nous allons voir dans cette partie les concepts de base de la tribologie lubrifiée.
Bien souvent, la fonction principale du lubrifiant est de séparer les surfaces en contact de roulement et de glissement, améliorant les performances et réduisant l’usure. Ce lubrifiant peut aussi jouer un rôle de caloporteur (réfrigérant ou homogénéisateur thermique) ou de protecteur contre la corrosion. La lubrification peut aussi participer à l’évacuation des débris.
Réactivité des surfaces carbonées
L’élément carbone, grâce à ses quatre liaisons covalentes, est un élément ayant une grande réactivité chimique. L’affinité chimique la plus intéressante ici est l’affinité avec le dioxygène et l’eau.
Les réactions chimiques qui ont lieu sur les surfaces frottantes sont très importantes dans le comportement tribologique de ces mêmes surfaces. Il est mis en évidence sur des disques de frein d’un appareil de ligne que le coefficient de frottement est plus important en début qu’en fin de journée de service, pour des raisons de désorption le jour (sous l’effet de la température notamment) de l’eau absorbée durant la nuit.
Des atomes d’oxygène sont chimisorbées sur la surface carbonée, puis les molécules d’eau sont physisorbées via l’oxygène. la présence d’oxygène est une condition sinequanone à la mouillabilité et l’adhérence de l’oxygène de l’eau sur le carbone. En fin de journée de travail d’un avion type, comme après un atterrissage.
Ce scénario a été approfondi. Il reprend les différents échanges gazeux qui ont lieu durant le frottement. Outre la désorption d’eau, la consommation d’une partie du dioxygène environnant, afin de former du dioxyde de carbone ,est constatée et, lors du frottement de surfaces carbonées, du CO2 est dégagé.
Table des matières
Introduction générale
Contexte industriel
Problématique et objectifs
Organisation du manuscrit
I Étude bibliographique
1. Les matériaux carbonés
1.1. Les différentes microstructures des matériaux carbonés
1.2. Procédé de fabrication des fibres de carbone
1.3. Mise en œuvre des composites Carbone/Carbone
1.4. Quelques propriétés des composites Carbone/Carbone
2. Concepts tribologiques élémentaires
2.1. Le coefficient de frottement
2.2. Mécanismes d’usure des matériaux
2.3. Troisième corps et accommodation des vitesses
2.4. Frottement lubrifié
2.5. Énergie dissipée par le frottement
3. Comportement tribologique des composites C/C à sec
3.1. Réactivité des surfaces carbonées
3.2. Effet de l’environnement sur les matériaux carbonés
3.3. Effet du pyrocarbone
3.4. Influence des paramètres tribologiques
4. Évolution d’états de surface des composites C/C lors d’un frottement sec
4.1. Évolution de l’état de surface et régime de frottement
4.2. Effet de la température
5. Comportement tribologique des composites C/C en environnement lubrifié
5.1. Comportement tribologique des C/C 2,5D
5.2. Comportement des paliers hydrodynamiques poreux
6. Conclusions du chapitre
II Le matériau Carbone/Carbone 2,5D et son comportement mécanique
1. Matériau Carbone/Carbone 2,5D
1.1. Élaboration
1.2. Macrostructure du matériau
1.3. Microstructure du composite
1.4. Caractérisations des propriétés élastiques anisotropes du C/C par méthodes ultrasonores
2. Comportement mécanique en compression dans l’épaisseur
2.1. Caractéristiques mécaniques des Carbone/Carbone dans la littérature
2.2. Matériel et méthodes expérimentales
2.3. Comportement monotone et en rupture du composite
2.4. Comportement cyclique à contrainte croissante
2.5. Modélisation du comportement cyclique en compression
3. Comportement mécanique en indentation
3.1. Théorie
3.2. Matériel utilisé
3.3. Module élastique transverse E1
3.4. Comparaison des méthodes de mesure du module élastique dans l’épaisseur
4. Conclusions du chapitre
III Matériaux et démarche expérimentale pour l’étude tribologique
1. Autres matériaux de l’étude
1.1. La contre-pièce
1.2. Le lubrifiant Turbonycoil 160
2. Présentation de l’équipement de tribologie
3. Méthodes de caractérisation des états de surface
3.1. Observations au microscope électronique à balayage
3.2. Caractérisation rugosimétrique
3.3. Caractérisation tribologique – Procédure Multi-Vitesses Courts
4. Définition des états de surface de référence et application des méthodes de caractérisation
4.1. Caractérisation morphologique
4.2. Caractérisation rugosimétrique
5. Conclusion du chapitre
IV Comportement tribologique à sec du composite Carbone/Carbone
1. Matrice d’essais et caractéristiques des états de surface à l’état initial
1.1. Matrices des essais tribologiques à sec
1.2. États de surface initiaux des échantillons tribologiques
2. Caractérisation tribologique des états de surface de référence par la procédure MVC
2.1. Comportement tribologique des états de surface de référence
2.2. Influence de l’état de surface initial sur le coefficient de frottement en MVC
3. Comportement tribologique sur longue distance et évolution d’état de surface
3.1. Essais Multi-Vitesses Longs
3.2. Essai ultra longue distance
3.3. Essai long à P = 6 MPa
3.4. États de surface créés par les essais longue distance
3.5. Bilan des essais longs
4. Dégradation de la surface de frottement du composite C/C 2,5D à sec
4.1. Mécanisme de dégradation de la surface durant le frottement
4.2. Effet du frottement dans l’épaisseur de C/C
5. Conclusions du chapitre
V Étude tribologique des disques C/C 2,5D en environnement lubrifié
1. Matrice d’essais
2. Essais Multi-Vitesses Courts et régimes de lubrification
2.1. Caractérisation tribologique des états de surface de référence
2.2. Caractérisation de l’état glacé
3. Caractéristiques des essais lubrifiés longue distance
3.1. Évolution du coefficient de frottement et de la température au cours des essais longs
3.2. Paramètres influencés par la température
3.3. Relation entre le coefficient de frottement et la température
3.4. Influence réciproque du coefficient de frottement et de la température
4. Création d’états de surface particuliers – Plan d’expérience
4.1. Présentation des essais réalisés
4.2. Évolution du coefficient de frottement et de la température
4.3. Usure des éprouvettes C/C 2,5D
4.4. Caractérisation des surfaces générées
4.5. Résultats de l’influence des paramètres tribologiques
5. Débris tribologiques et mécanismes spécifiques en environnement lubrifié
5.1. Analyses chimiques du lubrifiant chargé de débris par ICP
5.2. Analyse chimique des débris par EDS
5.3. Morphologie et taille des débris
5.4. Évolution de la morphologie des particules détachées
5.5. Évolution des surfaces portantes
6. Conclusions du chapitre
Conclusion générale et perspectives
Conclusion générale
Perspectives
A Porosité ouverte : détail des calculs et protocole expérimental
1. Formules de calcul
2. Procédure expérimentale
B Méthodes de quantification de l’évolution géométrique des surfaces
1. Analyse 2D
2. Analyse 3D
2.1. Paramètres d’amplitude
2.2. Paramètres fonctionnels
3. Matériel de relevé des mesures de rugosité et de topographie
C Caractérisation des états de surface polis (P) et revenants de service (RS)
D Caractérisation des états de surface générés par les essais tribologiques
E Profils d’usure des échantillons tribologiques
F Courbes de Stribeck des échantillons tribologiques en environnement lubrifié
G Caractérisation des états de surface générés par les essais tribologiques
1. Concepts élémentaires
2. Résultats
2.1. Coefficient de frottement
2.2. Usure
2.3. Rugosité
2.4. Température
Références bibliographiques