Le comportement en cisaillement des poutres en BA est de type fragile et est dicté par les propriétés du béton en tension. Le niveau de plastification des barres longitudinales est beaucoup moins important lors d’une rupture en cisaillement et d’autant plus si la section est dépourvue d’acier d’armature transversale. Ce manque de ductilité est caractérisé par une rupture brusque et sans avertissement. Le dimensionnement des poutres en BA doit donc être conçu de manière à développer la pleine capacité flexionnelle. Cependant, plusieurs ouvrages existants ont une défaillance à ce niveau. Le viaduc de la Concorde en 2006 en est un exemple à cet égard.
L’application des méthodes d’analyse du comportement à l’effort tranchant est divisée en deux régions distinctes (Schlaich, Schäfer et Jennewein, 1987) :
1. Les zones B (Bernoulli), où l’hypothèse de Bernoulli, c’est-à-dire : « les sections planes avant déformations restent planes après déformations » s’applique. Dans ce cas, la méthode d’analyse est basée sur une approche sectionnelle. L’application de cette approche est valide lorsque le rapport entre la longueur de cisaillement, a et la hauteur de la poutre, h, est supérieur à 2.0;
2. Les zones D (Disturbed), où l’hypothèse de Bernoulli n’est pas respectée. Ces régions sont caractérisées par une forte concentration de contrainte par exemple près des zones d’appui et de chargement, des ouvertures ou lorsqu’il y a un changement soudain de dimension de la section. Dans ce cas, la méthode d’analyse est basée sur le modèle des bielles et tirants, applicable plus spécifiquement pour les poutres profondes lorsque le rapport a/h est inférieur à 2.0.
Paramètres majeurs du comportement en cisaillement des poutres en BA
Les travaux antérieurs (ACI-426R, 1974; Collins et Mitchell, 1991; Taylor, 1974) sur le comportement des poutres en BA sans renforcement à l’effort tranchant ont établi que l’effort de cisaillement est transmis selon les proportions suivantes : zone en compression 20 – 40%, imbrication des granulats 33 – 50% et l’effet goujon 15 – 25% (Berset, 1992).
La force externe de cisaillement engendre tout d’abord des fissures de flexion dans la partie tendue de l’élément en béton puis, des fissures diagonales se développent avec l’augmentation de l’effort tranchant. Ce sont principalement les étriers en acier qui résiste à l’ouverture des fissures le long du plan de cisaillement. Si l’espacement est insuffisant, la poutre cède après la plastification et la rupture de ces derniers. Sinon à mesure que les fissures inclinées s’ouvrent, l’imbrication des granulats perd de son efficacité jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucun transfert du cisaillement par frottement et la résistance interne chute brusquement. Lorsque tous les éléments précédents sont bien équilibrés, la poutre agit de façon plus ductile. La traction dans les barres longitudinales entre les fissures de cisaillement principale sépare le béton de l’armature tendue causant une perte d’adhérence, d’où l’effet goujon. Il peut s’en suivre une rupture d’ancrage à l’appui ou une rupture par écrasement du béton dans la zone comprimée.
Rapport a/d
Le mécanisme de rupture d’une poutre en BA sans renforcement à l’effort tranchant dépend en grande partie du point d’application de la charge et de la profondeur effective de la section. Les poutres élancées (a/d > 3) se comportent comme une poutre selon l’hypothèse de Bernouilli (régions-B) tandis que les poutres plus profondes (a/d < 2) ont un comportement de type arche (région-D) (MacGregor et Bartlett 2000). Une poutre très courte offre donc une résistance au cisaillement plus élevé qu’une poutre élancée puisque le béton pourra atteindre sa pleine résistance en compression comparativement à une poutre très élancée où la résistance flexionnelle domine. La contribution de l’armature transversale, Vs, est donc plus importante lorsque a/d > 2.5.
Effet d’échelle
Plusieurs études (Bazant et Kazemi, 1991; Kani, 1967; T. Shioya et Okada, 1990) ont démontré l’influence de la taille de la poutre, d, sur la résistance en cisaillement. Les recherches ont pour la plupart été réalisées sur des poutres sans armature transversale. En effet, la présence de l’armature de cisaillement tend à diminuer le phénomène d’échelle. De façon générale, plus la hauteur utile de la poutre est grande, plus petite sera la résistance à la rupture. Le facteur de sécurité d’une série de poutres de profondeur effective 6, 12, 24 et 48 pouces a démontré une baisse de 40% comparativement à des spécimens semblables plus petits (Kani, 1967).
Comportement des poutres en BA avec armatures transversales
Le but d’armer l’âme d’une poutre est d’assurer que cette dernière puisse développer sa pleine capacité en flexion et de favoriser ainsi un comportement plus ductile. Avant l’apparition des fissures inclinées, la déformation dans les étriers en acier est comparable à la déformation du béton avoisinant. Donc, comme le béton fissure à des niveaux de contrainte peu élevés, la contrainte dans l’armature transversale n’excède pas 20 à 40 MPa avant la formation des fissures inclinées (MacGregor et Bartlett, 2000). De ce fait, le but des étriers en acier n’est pas de prévenir l’initiation de ces fissures, mais de reprendre une partie de la force de cisaillement le long du plan de rupture.
La présence d’armature transversale amène plusieurs bénéfices à la résistance en cisaillement (Massicotte, 2013):
◆ l’ajout de la contribution Vs au diagramme de corps libre
◆ l’amélioration la contribution de Vay en réduisant l’ouverture des fissures et du fait même de Vcz en conservant le béton non fissuré de la zone de compression;
◆ l’amélioration la contribution de Vd en soutenant les armatures de flexion;
◆ le comportement ductile est favorisé comme déjà expliqué;
◆ le confinement du béton est augmenté par la présence des étriers en acier ce qui améliore la contribution du béton en général;
◆ le phénomène d’échelle est nettement réduit comparativement à une poutre sans armature de cisaillement.
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