COMPORTEMENT À HAUTE TEMPÉRATURE
DES BÉTONS DE GRANULATS RÉCYCLES
Généralités sur la microstructure du béton ordinaire (BO) et le béton de granulats recyclés (BGR) Ι
La microstructure du BO
Le béton durci est un matériau très hétérogène, cette hétérogénéité est le résultat de la large étendue granulométrique des granulats mais aussi de la diversité des produits d’hydratation, très sensibles aux conditions d’hydratation et de conservation. Le béton peut aussi être considéré comme un matériau multiphasique contenant trois phases : Une phase solide formée par la pâte cimentaire (7% à 14% du volume total) liant les agrégats (60% à 80% du volume total), Une phase liquide qui est l’eau libre et l’eau adsorbée (15% à 22% du volume total). Une phase gazeuse formée par l’air et la vapeur d’eau (1% à 6% du volume total).Du point de vue dimensionnelle, de l’échelle nanométrique et jusqu’à l’échelle macroscopique, Ulm et al [Ulm et al., 2004] présentent la structure des matériaux cimentaires en quatre niveaux élémentaires (de ’0’ à ’III’). La figure I.1 schématise les différentes échelles du matériau. Figure
Les différentes échelles du matériau cimentaire par Ulm
La complexité de la microstructure du béton est une des causes de son comportement mécanique particulier lorsqu’il est soumis à diverses sollicitations (thermiques, hydriques, mécaniques, chimiques…). Il est donc nécessaire de connaître au mieux cette microstructure et le comportement de chacune des phases présentes pour mieux comprendre par la suite, à l’échelle macroscopique, la réponse du béton face aux sollicitations qu’il peut subir. Ι.1.1 Microstructure de la pâte de ciment Hydratation du ciment Le contact du ciment avec l’eau déclenche un processus complexe de réactions chimiques, exothermiques et thermoactives, entre un matériau pulvérulent aux grains polyphasiques (le ciment Portland) et un milieu de dispersion liquide (l’eau de gâchage) [Jawe et al., 1985]. [Vern., 1989]. D’un point de vue général, l’hydratation peut être définie comme un double processus de dissolution du ciment anhydre et de précipitation d’hydrates, à la cinétique variable au cours du temps. Les réactions chimiques ayant lieu lors de cette hydratation sont nombreuses, et le mécanisme d’hydratation est proposé par [Le Ch., 1887] repris par [Taza et al., 1995]. Schématiquement, Le Chatelier a décrit trois étapes relatives à la prise du ciment [Seda., 2007], comme le montre la figure I.2. L’adsorption physique et chimique de l’eau par les grains de ciment, ÉTAT DES CONNAISSANCES CHAPITRE I 8 La dissolution ou solvatation, des grains de ciment ou phases anhydres, en présence d’eau, La précipitation des phases hydratées. Figure I.2 Représentation simplifiée de l’hydratation des grains de ciment [Seda., 2007]. Toutefois, les principales phases formées sont les suivantes : les silicates de calcium hydratés (ou C-S-H), l’hydroxyde de calcium Ca(OH)2 (ou Portlandite), les aluminates de calcium hydratés, et l’ettringite en moindres proportions. Les C-S-H constituent la majeure partie de la phase liante de la pâte de ciment. Les observations microscopiques des particules de CSH ont permis de classer les gels d’hydrates en quatre types morphologiques [Diam., 1986], [NRMCA., 2001] : Type I : les feuillets sont très minces et s’enroulent sur eux-mêmes pour former des tubes creux rayonnant autour des grains de ciment. Ils sont visibles aux premiers âges d’hydratation. Types II : une morphologie en nids d’abeilles avec une forme alvéolaire. Types III : une forme de petits disques ou de sphères assemblées pour former des particules plus massives. Ils s’observent à long terme. Type IV : une structure dense, amorphe et remarquable sur les pâtes vieillies. Les types III et IV seraient plutôt des hydrates tardifs qui occuperaient la place des grains anhydres d’origine ; ils sont appelés pour cela hydrates internes [Diam., 1986]. Les différentes formes du gel CSH sont présentées sur la figure I.3. La différence morphologique des C-S-H dépend d’après Glasser et Chen du rapport C/S (CaO/SiO2), de la température et de la pression [Glas et al., 2003], [Chen et al., 2004].
La diversité des formes du gel CSH [Le Ch., 1887] repris par [Taza et al., 1995]
L’hydroxyde de calcium (Portlandite CH) Représente la deuxième part importante des hydrates formés, elle se cristallise sous forme de plaquettes hexagonales à proximité des grains de ciment, les pores et l’interface pâte-granulat. Elle se forme avant les CSH et son apport en termes de résistance est très faible. La portlandite est la phase soluble de la pâte de ciment, qui se dissout rapidement dans l’eau et cette réaction peut entraîner une diminution de la durabilité du béton [Hage., 2004]. Sa solubilité dans l’eau diminue avec la température [Nona., 2008]. Des observations au microscope électronique à balayage (MEB) reprises dans la littérature illustrent ceci (figure I.4). Figure I.4 Observations MEB de cristaux de portlandite et d’aiguilles d’ettringite [Tayl., 1997]. D’autres hydrates Ils constituent les aluminates de calcium hydratés de différents types, qui ont des formes de plaquettes hexagonales ou de cristaux cubiques ; des sulfo-aluminates de calcium hydratés tels que l’ettringite, qui se présente sous forme d’aiguilles cristallisées à base hexagonale, et également des monosulfoaluminates de calcium hydratés (plaquettes hexagonales), que l’on trouve disséminées dans les lamelles de CSH [Baro., 1994]. Par ailleurs, les mécanismes d’hydratation du ciment créent au sein du béton un espace poreux. On distingue traditionnellement la porosité ouverte (dont les pores communiquent entre eux) et de la porosité fermée (dont les vides se trouvent isolés les uns des autres). La porosité des C-S-H a été évaluée à 28% de leur volume total par différents auteurs [Baro., 1994], [Nevi., 1996], [Glas et al., 2003], [Chen et al., 2004]. Ι.1.2 Eau dans la microstructure du béton L’eau est un ingrédient essentiel du béton. Elle remplit deux fonctions [Aitcin., 1992] : – une fonction physique qui confère au béton les propriétés rhéologiques d’un liquide, – une fonction chimique qui contribue au développement de la réaction d’hydratation. On trouve dans le béton presque 50% de l’eau de gâchage est consommée par les réactions d’hydratation, environ 40% se trouve dans les pores des hydrates et 10% se loge dans les vides présents dans la matrice. L’état hydrique dépend essentiellement de l’humidité relative, du degré d’hydratation et de la taille des pores. Dans un béton durci, l’eau peut se trouver sous cinq formes [Baro., 1994] : L’eau libre ou capillaire, se situe généralement dans les fissures et les pores de dimension supérieure à 10 µm. Lors de l’´évaporation ou de la dessiccation, cette eau est la première à migrer et à s’éliminer. L’évaporation de l’eau libre et capillaire s’effectue entre 30 et 120 °C. L’eau absorbée, cette eau est soumise aux effets de surface des solides, soit par effet physique à travers des forces d’attraction de type Van der Waals. Elle peut être aussi absorbée chimiquement, dans ce cas des électrons sont mis en commun entre l’eau et la surface solide. La structure de la molécule d’eau est donc modifiée par rupture de la liaison covalente O-H. L’eau chimiquement liée : elle se combine par réaction chimique avec le ciment pour donner naissance à de nouveaux produits appelés hydrates tels que les CSH, la Portlandite ou de l’éttringite.
Granulats
Les granulats constituent le squelette du béton et occupent environ 60-80% du volume du béton et sont la source de sa résistance mécanique [Dreu et al., 1998]. Les granulats sont d’origines diverses ; peuvent être naturels (origine minérale sans transformation autre que mécanique), artificiels (origine minérale et transformés thermiquement, à l’exemple du schiste expansé, laitier granulé de haut fourneau, argile expansée), ou recyclés (issus du béton concassé ou de la maçonnerie). Les granulats utilisés doivent avoir une bonne résistance mécanique et leur courbe granulométrique doit être optimisée afin de remplir le plus possible de vides dans le béton. C’est la raison pour laquelle on utilise plusieurs classes granulaires dans un même béton qui sont les sables, les gravillons et les graviers. De même, l’origine minéralogique, la forme et la granulométrie sont des paramètres très importants dans le choix des granulats pour la confection d’un béton. Les granulats sont considérés inertes à température ambiante (sauf dans des cas pathologiques à l’exemple d’une réaction alcali-granulat), tandis qu’aux températures élevées, leur ÉTAT DES CONNAISSANCES CHAPITRE I 11 comportement diffère selon la nature minéralogique, et ce cas est abordé dans le paragraphe qui concerne les granulats soumis à haute température.
Interface « pâte – granulats »
Les propriétés mécaniques et la durabilité des matériaux cimentaires dépendent non seulement de la qualité de la pâte de ciment (nature du ciment utilisé, rapport E/C, adjuvants, etc.), de la nature et de la granulométrie des agrégats et de la proportion de chacun d’eux, mais elles sont également liées à la qualité de la liaison qui s’établit entre la pâte et les granulats [Agoset al., 2007]. Différentes études [Larb., 1993], [Shao., 1998] ont montré que la microstructure de la pâte de ciment entourant directement les granulats est différente de celle de la pâte de ciment loin de ceux-ci. Cette liaison qui représente l’interface « pâte-granulats » est appelée aussi l’auréole de transition ou Interfacial Transition Zone (ITZ) en anglais. Celle-ci se distingue comme étant la partie la plus fragile, la plus poreuse et la mieux cristallisée que la pâte cimentaire. Nous présentons sur la figure I.5 le modèle de Diamond [Diam., 1986].
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