COMPLICATIONS MECANIQUES DE L’OSTEOSYNTHESE DIAPHYSAIRE DE MEMBRE PAR PLAQUE VISSEE
Les complications mécaniques de l’ostéosynthèse diaphysaire par plaque vissée se définissent comme étant une déformation permanente ou une fracture (rupture) du matériel d’ostéosynthèse ou de son ancrage, survenue au cours de l’évolution d’une ostéosynthèse et qui a tendance à entraver le processus de consolidation [25]. Ce sont des complications qui surviennent à des délais très variables et aboutissent à une absence de consolidation ou à une consolidation vicieuse [31]. Les premières plaques d’ostéosynthèse sont apparues à la fin du XIXème siècle. En 1890, Lambotte forge lui-même ses plaques qui s’élargissent au niveau du foyer de fracture [34]. C’est Danis [18], qui en 1949, décrit l’ostéosynthèse à compression que Bagby [2], puis les chirurgiens de l’AO (Association pour l’étude de l’Ostéosynthèse) allaient perfectionner. Müller et les chirurgiens de l’AO [40] préconisent la «consolidation per primum» par consolidation corticale sans cal périosté. En 1978, poursuivant les recherches expérimentales, il a été présenté les principes des plaques à flexibilité variable [38]. En 1993, à la réunion de la SOFCOT (Société Française de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique), le concept des plaques ostéoconductrices et leurs premiers résultats expérimentaux ont été exposés [41]. Les complications mécaniques sont connues depuis l’introduction de l’ostéosynthèse dans le traitement des fractures car Lane cité par Pidhorz [47] les décrivait déjà au début de notre siècle sous l’appellation de «desserrement des vis». Ces complications étaient mises sur le compte des défauts de fabrication. Compte tenu de l’amélioration des techniques, ces causes sont devenues exceptionnelles, bien que les complications mécaniques continuent de 2 constituer, avec les infections post opératoires, une source d’inquiétude pour les chirurgiens orthopédistes [5]. Notre travail a porté essentiellement sur les complications mécaniques des ostéosynthèses diaphysaires par plaque vissée. Il se propose de : – répertorier les différentes complications mécaniques des ostéosynthèses diaphysaires par plaque vissée en spécifiant les facteurs favorisant leur survenue ; – évaluer la prise en charge de ces complications. 3 HISTOLOGIE 1. Structure histologique de la diaphyse (Fig. 1) [24, 54]. Sur une coupe histologique de la diaphyse d’un os long, on distingue de dehors en dedans : – le périoste ; -la corticale ; – l’endoste ; – la médullaire. Le périoste et l’endoste : ils sont composés de lamelles osseuses superposées. Ce tissu comprend deux couches : – une couche au contact de la corticale possédant un pouvoir ostéogénique ; – et une couche fibreuse richement vascularisée couvrant la précédente. La corticale : elle est formée de tissu osseux haversien compact qui se compose de lamelles, de substance fondamentale, abritant des cellules osseuses et des fibres de collagènes. Ces lamelles, en nombre variable, se disposent concentriquement autour d’un canal vasculaire haversien central, formant ainsi le classique système de Havers ou ostéon. 4 Fig. 1 : Structure histologique de l’os cortical [54]. La médullaire : elle est constituée de tissu spongieux envahi de moelle osseuse où se fait l’hématopoïèse.
Consolidation osseuse
Principes
La formation de l’os est un processus complexe comprenant l’ostéogénèse, l’ostéo-induction et l’ostéo-conduction. L’ostéogénèse est la synthèse d’un nouveau tissu osseux par les éléments cellulaires. L’ostéo-induction est le processus par lequel les cellules mésenchymateuses se différencient en ostéoblastes sous l’effet de certaines protéines ou facteurs chimiotactiques. Et l’ostéo-conduction est quant à elle, un processus par lequel un matériau vivant ou inerte fournit l’échafaudage, la charpente sur laquelle le néo-tissu osseux va s’étendre [29, 43]. La consolidation fait intervenir de nombreux types de cellules, osseuses et non osseuses, ainsi que de nombreux facteurs (Tableau I). 6 Tableau I: Facteurs de croissance intervenant dans la formation de l’os [43]. TGF-b: transforming growth factor-beta BMP: bone morphogenetic protein FGF: fibroblast growth factor PDGF : platelet-derived growth factor IGF : insulin-like growth factor La consolidation osseuse est un processus d’une grande complexité aboutissant à la réparation du tissu osseux après une fracture, mais aussi à la suite d’une ostéotomie, d’une arthrodèse ou d’une greffe.
Différentes phases de la consolidation
La phase inflammatoire
elle dure environ 2 à 3 semaines et comprend plusieurs étapes qui sont intriquées. Aussitôt après la rupture de la continuité osseuse, il va se constituer un hématome local riche en fibrine autour et entre les extrémités fracturaires, dû à la rupture des vaisseaux périostés, corticaux, endostés et médullaires [28]. 7 La transformation de l’hématome fracturaire donne naissance à un tissu de granulation constitué des vaisseaux, de fibroblastes, de substance fondamentale, de fibre de collagène de type III et d’autres cellules
La phase de formation du cal mou ou cal primaire
cette phase dure trois à quatre semaines. C’est dans le décollement du périoste, sur chaque fragment que va se construire un manchon souple fusiforme fait de tissu osseux immature, recouvert d’une fine membrane fibreuse de périoste reconstitué (néopérioste). Par ailleurs, la persistance ou l’accroissement de l’induction mécanique au-delà de 6 semaines, empêche la transformation du cartilage en tissu osseux déterminant au pire la pseudarthrose. Au stade de cal mou, les corticales ne participent à la formation de l’os. Enfin au-delà de six semaines, le périoste ne peut plus former de l’os
La phase de formation du cal dur
cette phase dure 4 à 16 semaines. Initialement, le cal dur est formé d’os immature qui se transforme progressivement en os lamellaire primaire qui s’étend dans toutes les directions
La phase de remodelage
cette phase dure 12 à 18 mois. Il s’agit d’un mécanisme lent qui rétablit une architecture histologique normale de l’os. L’os lamellaire primaire à orientation multidirectionnelle va être remplacé progressivement par de l’os lamellaire secondaire type haversien. Le remodelage concerne la structure microscopique. Fig. 2: Différentes phases de la consolidation d’une fracture
La phase de modelage
elle dure plusieurs années et concerne la forme générale de l’os. C’est un processus de sculpture des enveloppes de l’os qui tend à rendre à l’organe son aspect initial : – le cal externe se résorbe ; – le canal médullaire est reperméabilisé. Il peut être complet chez l’enfant, partiel chez l’adolescent et limité chez l’adulte
Cas particulier de la consolidation sur plaque vissée
L’action la plus nocive de l’ostéosynthèse par plaque vissée est l’ouverture du foyer de fracture. L’évacuation de l’hématome fracturaire, qui comprend les cellules précurseurs indifférenciées en cours de multiplication et les substances mitogènes puis les facteurs ostéo-inducteurs (BMP, TGF…), va ralentir de façon considérable la production du cal osseux. Il est cependant possible, in vitro, de prélever l’hématome en début d’acte et de le remettre en place autour du foyer avant la fermeture. Les lésions du périoste qui accompagne l’ostéosynthèse supprime la formation du cal périosté et entraîne un nouveau type de consolidation. Les facteurs inducteurs mécaniques prennent alors une importance considérable. Dans la situation idéale, où l’ostéosynthèse est franchement stable, la consolidation corticale ne passe pas par un stade intermédiaire fibrocartilagineux. Si le contact inter-fragmentaire est rendu parfait, comme ça peut être le cas avec la mise en place de plaques à compression, les têtes foreuses des BMU (unités de remodelage osseux) vont traverser directement le foyer de fracture, d’une corticale à l’autre. Les ostéons agissent alors comme des chevilles fixant directement le foyer de fracture. Il ne s’agit donc pas d’un processus de cal mais plutôt de remodelage. Le délai de consolidation est de l’ordre de 4 semaines, période durant laquelle la fracture tient grâce aux qualités mécaniques du montage d’ostéosynthèse. Lorsqu’il existe un espace entre les fragments, la consolidation corticale se réalise par invasion du cal médullaire. Fait d’os immature, le cal médullaire évolue vers une structure trabéculaire dense. L’ancrage de l’os immature est réalisé par des unités de remodelage osseux (BMU) venues de l’os immature et forant les extrémités des fragments de corticale. En pratique la consolidation se fait par l’association des deux mécanismes suscités. 10 Le remodelage va se poursuivre durant 18 mois au minimum. C’est la raison pour laquelle le matériel d’ostéosynthèse ne doit pas être retiré sous peine de risque accru de fracture itérative. La consolidation est un processus complexe et global, intégrant en des proportions variables les cals périosté, cortical et médullaire, en fonction du type de fracture et des méthodes d’immobilisation.
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