Complexité vs. authenticité épistémologique

Complexité vs. authenticité épistémologique

Outre le fait que les activités d’investigation peuvent être difficiles à implémenter en pratique (matériel requis, temps à disposition), elles présentent des obstacles majeurs auxquels le laboratoire développé dans le cadre de ce mémoire devra faire face : une complexité du processus d’investigation (présentant des choix, un cheminement qui peut être cyclique et/ou avec des embranchements, des essais et erreurs, tout en faisant appel à plusieurs habilités cognitives supérieures, cf. Chinn and Malhotra 2002, McConnell et al. 2010), une complexité par la multiplicité des concepts mobilisés, et une surcharge cognitive de la mémoire de travail en conséquence (voir Croisile 2009, au sujet des différents types de mémoire).

Du à la capacité limitée de traitement d’informations nouvelles par la mémoire de travail, le risque de surcharge cognitive survient lorsque les élèves sont mis en face de un voir plusieurs concepts inconnus (à « découvrir ») et/ou que les élèves ne sont pas familiers avec la démarche de recherche (Kirschner et al. 2006). Cette surcharge peut mettre en péril l’efficacité de telles activités pour l’atteinte des objectifs d’apprentissages, surtout lorsque le guidage est minimal (s’apparentant à un apprentissage “par la découverte”, Kirschner et al. 2006). Dans le cas d’un guidage minimal, il y a également un risque que les élèves perdent le fil de leur recherche, restent prisonniers de leur concepts spontanés ou conceptions eronnées, voire entrent en confusion (ce qui peut conduire à de nouvelles conceptions eronnées, cf. Kirschner et al. 2006, Brown and Campione 1994). Dans la même idée, les pédagogies de la découverte qui mettent davantage l’accent sur la recherche d’informations que sur leur organisation en réseau conceptualisé ne favorisent pas le stockage des nouveaux concepts dans la mémoire à long terme (Kirschner et al. 2006).

A l’inverse, les expériences traditionnelles de laboratoires et les exercices issus de livres d’apprentissage sont souvent tellement simplifiés qu’ils ne contiennent plus aucun des élément de raisonnement scientifique mentionnés ci-dessus . Cela a pour conséquence grave de développer chez les élèves une vision épistémologiquement fausse de la science comme une suite de causes-effets logiquement démontrables ou vérifiables de manière algorithmique (Chinn and Malhotra 2002). En exagérant un peu, le risque de la sursimplification est de finalement transmettre une image de la recherche scientifique comme résultant de l’application de recettes, tout comme pour la résolution de tâches traditionnelles. L’autre risque de la sursimplification est de ne pas apprendre aux élèves à faire face à des situations complexes  . Or l’un des buts généraux de l’apprentissage est de développer la capacité de secondariser ses connaissances à de nouvelles situations comportant la complexité du réel (Anderson et al. 2001), ce pourquoi la mobilisation de connaissances conceptuelles et procédurales dans le cadre d’une situation complexe est au centre de l’approche par compétence (Mottier Lopez and Laveault 2008, Tardif et al. 2006, De Ketele and Gerard 2005). Par leur complexité intrinsèque, les activités d’investigation “authentiques” s’inscrivent dans cet esprit, requérant que l’apprenant effectue des choix de méthodes, de questions de recherche etc en intégrant ses connaissances pour penser de manière productive (Bransford et al. 2000) .

LIRE AUSSI :  TECHNIQUES DE SYNTHESES, MISE EN FORME ET CARACTERISATIONS

L’enjeu de l’enseignement basé sur l’investigation est donc de développer des activités suffisamment étayées pour éviter la surcharge cognitive et faciliter l’encrage des concepts , tout en conservant une certaine complexité et quelques uns des éléments clés du raisonnement scientifique .

Des laboratoires virtuels pour faciliter la tâche ?

Les véritables expériences de recherche impliquant du matériel technologique de pointe ainsi qu’une scrupuleuse collecte de données sont évidemment hors de portée des établissement scolaires. Parmi les différents moyens possibles pour conduire un projet de recherche simple mais épistomologiquement authentique dans un cadre scolaire, on notera les technologies de l’information et de la communication (TICs) permettant : l’usage de simulations, l’usage de bases de données récoltées, ou encore le pilotage d’un laboratoire à distance (Chinn and Malhotra 2002). L’usage de simulation présente l’avantage d’éviter de noyer les élèves dans la complexité technique d’une expérience et de les focaliser sur la manipulation de différentes variables physiques et leurs effets, conduisant plus facilement à un raisonnement de type théorique (lien entre ces variables). Cependant, elles sont limitées dans le sens ou n’apparaissent dans la simulation que les variables qui ont été préalablement choisies (programmées), donc une grande partie du désordre inhérent au monde réel et à l’expérimentation réelle n’y est pas présente. A l’inverse, les activités utilisant des bases de données donnent l’opportunité aux élèves d’explorer des véritables données scientifiques (avec leurs défauts) et d’en extraire un sens, mais ne donnent pas la liberté aux élèves de récolter eux-mêmes leurs données et d’expérimenter.

Lorsqu’ils sont intégrés dans un support numérique disponible en ligne, les laboratoires virtuels offrent deux autres avantages intéressants : ils sontaccessibles depuis n’importe où, permettant aux élèves de réaliser ou poursuivre les expériences chez eux, et ils permettent un certain étayage par la structure ou l’environnement qu’ils utilisent (Manlove et al. 2007, van Joolingen et al. 2005).

Table des matières

1 Introduction
1.1 Des activités basées sur l’investigation : pourquoi ?
1.2 Complexité vs. authenticité épistémologique
1.3 Des laboratoires virtuels pour faciliter la tâche ?
1.4 Axes d’analyse du laboratoire virtuel
2 Structure des activités et objectifs d’apprentissages
2.1 Structure du laboratoire
2.2 Objectifs d’apprentissages et compétences visées
3 Analyse des activités
3.1 Pré-requis
3.2 Etayage
3.3 Evaluation formative
3.4 Authenticité épistémologique
4 Conclusions

Cours gratuitTélécharger le document complet

 

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *