Complexes de rhénium luminescents et photo-actifs
Représentations et principes de chimie computationnel
Les états d’énergie
La grande majorité des molécules auxquelles nous sommes confrontés voire même qui nous composent sont présentes dans leur état fondamental. Cet état est considéré comme étant l’état le plus bas en énergie de la molécule. Mais, soumises à une perturbation de l’environnement, les molécules peuvent atteindre des états excités à d’autres niveaux électroniques ; comme nous l’avons vu précédemment avec des irradiations lumineuses par exemple. L’ordre de grandeur d’énergie de ces niveaux est autour de 1 à 10eV. Ces niveaux électroniques sont eux même constitués de niveau vibrationnel de l’ordre de 0,1eV. Et enfin, ces niveaux vibrationnels sont à leur tours constitués de niveaux rotationnels de l’ordre de 10-4 à 10-3 eV. Il est possible d’en déduire une représentation complète de ce que sont les niveaux excités d’une molécule (Figure 28). Figure 28 Représentation des niveaux d’énergie dans une molécule Les niveaux rotationnels ont peu d’intérêts dans notre travail. La différence d’énergie entre deux états est tellement faible qu’elle ne serait pas différenciable de la marge d’erreur de nos calculs ou de nos mesures. Les niveaux vibrationnels, quant à eux, vont avoir une influence plus minime en termes d’énergie mais ce n’est pas le cas de leurs fonctions d’onde. Lorsque l’on observe une désexcitation radiative il est nécessaire que les fonctions d’ondes vibrationnelles de départ et d’arrivée couplent entre elles afin que la transition ait une chance statistique suffisante d’avoir lieu. Enfin, notre intérêt sera majoritairement focalisé sur les niveaux électroniques. Habituellement, ces niveaux d’énergie sont représentés comme sur la Figure 28, comme des lignes droites représentant les niveaux d’énergie quantifié en ordonnée et sans abscisse. En chimie computationnelle, cette représentation n’est pas suffisante, elle doit prendre en compte les différentes géométries de la molécule.
Puits et surface d’énergie potentielle
Prenons l’exemple d’une molécule simple qui ne possède qu’une variable spatiale modifiable ou degré de liberté : le dihydrogène. La seule variable qui va moduler sa géométrie, et donc son énergie, est la distance entre les noyaux des deux atomes d’hydrogènes R. Si l’on veut modéliser correctement ses niveaux d’énergies en fonction de sa géométrie il faudrait non pas représenter des trais droits, mais des puits (Figure 29). Figure 29 Représentation des énergies en fonction de la géométrie d’une molécule à une variable spatiale. S0 : état fondamental, S1 : premier état singulet excité, T1 : premier état triplet Ainsi, l’ensemble des points qui constituent ces puits sont autant de solution de l’équation de Schrödinger dans un état donné à une géométrie donnée. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’un calcul mené sur un état de spin défini et une géométrie fixée sans optimisation de cette dernière, donnera une solution unique d’énergie. Usuellement en chimie quantique, on appelle cela faire un calcul ’’single point’’. Plus concrètement, dans le cas d’une molécule plus complexe, les variables géométriques spatiales de la molécule sont bien supérieures à 1 (3n-6, où n est le nombre d’atomes). Or nous ne pouvons en représenter efficacement que 2 en fonction de l’énergie via la 3D (Figure 30). Pour pallier ce problème, l’énergie est représentée en fonction d’une variable géométrique R sans unité. Elle représente graphiquement la modification de la géométrie sans détailler cette dernière. D. La chimie théorique, en pratique Toutes les notions élémentaires à l’utilisation de la chimie théorique sont mises en place. Si l’on revient aux objectifs premiers du sujet, la chimie théorique va nous permettre de remplir les objectifs suivants : Chapitre I ALEXANDRE POIROT 44 Optimiser les structures de nos complexes à l’état fondamental et étudier leurs géométries par DFT. Obtenir le spectre d’absorption de la molécule à l’état fondamental par TD-DFT. Trouver les états excités d’intérêt et les optimiser par DFT. Partir des états excités d’intérêts pour en déduire le spectre d’émission de la molécule.
Trouver et optimiser un état
Optimiser un état va consister à fournir au programme les informations suivantes : la géométrie du complexe, la fonctionnelle utilisée et la base d’orbitale. Notons qu’il est possible de jouer sur d’autres facteurs auxiliaires comme les critères de convergence ou le mode de simulation du solvant environnant par exemple. Figure 30 Représentation en 3D d’une surface d’énergie potentielle tirée de [ 157] Imaginons que l’on parte d’une géométrie non optimisée et que l’on cherche le minimum global du système (Figure 30). Le but de notre calcul va être de trouver le fond du puits d’énergie potentielle de notre état. Le programme va, de manière itérative, reproduire le même calcul en perturbant la géométrie de son système afin d’obtenir une énergie globale toujours plus faible. Les modifications géométriques que le calcul va produire iront toujours vers le puits de potentiel le plus proche sans jamais ‘’remonter’’ la pente de notre surface d’énergie potentielle. Si notre géométrie de départ est trop proche d’un minimum local, le calcul ira dans cette direction et convergera vers ce minimum local sans jamais atteindre notre but. Trouver un puits de potentiel d’intérêt impliquera de partir d’une géométrie capable de converger vers ce puits. Cet exercice va se révéler compliqué dans le cas de la recherche des états triplets MLCT de nos complexes.
La convergence et ses critères
Le principe de la convergence va être de demander au programme de calcul d’aller vers le fond du puits par des diminutions successives de l’énergie du système via des modifications de sa géométrie. Dans le cas idéal, la surface d’énergie potentielle est une courbe propre conduisant vers le fond du puits. Dans la réalité, les perturbations du système induites par le programme vont, en début de calcul, diminuer l’énergie du système mais ensuite, elles vont l’augmenter ou la diminuer (Figure 31). Le programme ne peut pas s’arrêter dans une zone (Par exemple, l’encadré vert sur la figure qui, en tout point, correspond au fond du puits avec une incertitude acceptable), il doit se stopper à un point précis. La question à laquelle il devra répondre est : à quel moment s’arrêter ? Figure 31 Représentation fictive d’un ‘’fond’’ de puits de potentiel vu par le programme de calcul. C’est ici qu’intervient l’un des critères de convergence. Ce critère indiquera au programme à quel moment les modifications énergétiques induites par son travail sont tellement faibles qu’il peut considérer être dans le minimum local de la surface d’énergie potentielle. Il peut d’ailleurs corréler ces changements d’énergie au fait qu’il a effectué, ou non, une grosse modification de la géométrie moléculaire. Il existe d’autres critères de convergence sur lesquels il est possible de jouer afin que le programme ne tourne pas en rond en fin de calcul mais le principe reste le même. Le calcul ne s’arrêtera que de trois manières différentes : il a atteint la convergence (en respectant ses critères), il s’est stoppé suite à une erreur ou il a atteint le nombre limite d’itérations qu’il lui a été donné. Ce nombre limite d’itérations dans le calcul est un facteur que l’on peut ajuster mais il doit être fixé afin que le calcul ne tourne pas indéfiniment sur un calcul qui n’a pas de sens. 3. Spectre d’absorption et TD-DFT La TD-DFT permet de trouver ou décrire les états excités d’un système. Dans notre cas, nous utilisons cette méthode afin de connaitre le comportement de notre molécule sous irradiation UV-visible et remonter à son spectre d’absorption théorique. Pour cela il faut partir de la géométrie de l’état fondamental optimisé. Ce calcul se fera toujours à géométrie fixe, les énergies des états excités obtenues ne correspondent pas aux énergies de ces mêmes états dans leur fond de puits de potentiel (Figure 32). Représentation du calcul TD-DFT sans modification de la géométrie Les énergies des états singulets excités ES1, ES2, … constitueront notre spectre d’absorption. Notons qu’il est possible de recenser les états triplets avec cette méthode. Ça n’a pas d’utilité ici. En revanche cela peut être le cas lorsque l’on souhaite vérifier les données obtenues lorsque l’on calcule l’émission d’un état triplet T1 vers l’état fondamental par DFT. Cela consiste à soustraire l’énergie de l’état triplet convergé par DFT à celle de son état fondamental à la même géométrie, obtenue via un single point à la même géométrie avec un spin fixé à 1. (Double flèche grise sur la Figure 32). Pour vérifier le calcul, il est possible de se placer sur l’état fondamental S0 à la géométrie optimisée de T1 et d’effectuer une TD-DFT. Théoriquement le résultat doit être cohérent avec les valeurs obtenues par DFT.
Conclusion
Cet état de l’art permet au lecteur d’avoir en main les différents critères à prendre en compte pour le développement de complexes de rhénium(I) tricarbonylés luminescents et/ou photoactifs, notamment dans le cadre d’une potentielle utilisation médicale. D’un point de vue structural, le cœur [Re(CO)3] + est, dans la grande majorité des cas, complexé par des chélatants azotés bidentes de type 2,2’-bipyridine, phénantroline ou dérivés.1* Depuis une quinzaine d’années, d’autres structures chélatantes, notamment sous l’impulsion de nouvelles approches synthétiques particulièrement novatrices (comme la cycloaddition de Huisgen catalysée par des complexes de cuivre(I)), ont été développées et/ou revisitées. C’est le cas des ligands de type triazole-pyridine ou pyta, qui sont à la base de ce travail. Dans le chapitre suivant, nous allons revenir sur la préparation de ce type de composés en détaillant tout d’abord les premières études développées au laboratoire et sur lesquelles ce travail s’appuie.
I. Introduction |