Propriétés fondamentales des Ln(III)
Les orbitales 4f ont une faible extension radiale et sont blindées par les couches externes 5s2 5p6 qui les protègent des perturbations extérieures. Ainsi, les électrons de valence 4f sont peu sensibles à leur environnement chimique et la formation d’une liaison chimique par interaction covalente impliquant des électrons 4f est impossible. L’interaction métal-ligand dans les complexes de Ln(III) est donc décrite par un modèle purement ionique avec une excellente précision. De plus, les ions lanthanides sont des acides durs dans la classification de Pearson. Ils interagissent préférentiellement avec des ligands durs, contenant par exemple des atomes d’oxygène donneurs (eau, carboxylates, phosphinates, phosphonates…). On parle de leur caractère « oxophile ». Leur forte acidité au sens de Lewis conduit également à l’activation des protons des molécules d’eau coordonnées au cation métallique, donnant lieu à la formation, à partir d’un pH de 6.5 environ, d’hydroxocomplexes de lanthanides insolubles Ln(OH)3. Une autre conséquence de l’enfouissement des orbitales f dans le nuage électronique est le faible effet du champ des ligands : environ 500 cm-1 contre 5000 à 30 000 cm-1 pour les métaux de transition. Ainsi, contrairement aux métaux d, les niveaux d’énergie des complexes de Ln(III) sont très proches de ceux de l’ion libre. Il en est de même pour leurs propriétés spectroscopiques et magnétiques qui sont prévisibles a priori.
A cause du caractère oxophile des ions lanthanides, seuls les ligands durs peuvent déplacer les molécules d’eau fortement liées à l’ion Ln(III) pour donner lieu à la formation de complexes stables en solution aqueuse. Les donneurs durs anioniques de types carboxylate, phosphinate et phosphonate lient fortement les ions trivalents. Aussi, parmi les donneurs neutres, les amines polarisables sont préférées aux oxygènes des éthers.
Le caractère non directionnel de l’interaction métal-ligand se traduit par une faible préférence stéréochimique dans la coordination. En effet, les nombres de coordination ainsi que les géométries associées sont conditionnés essentiellement par les interactions électrostatiques et stériques entre le cation métallique et les ligands. D’un point de vue électrostatique, ces ions très durs vont accommoder un grand nombre (8-9) d’atomes donneurs, de façon à minimiser l’énergie électrostatique. D’un autre côté, minimiser les contraintes stériques est également très important et un ligand multidente donné peut imposer une coordination particulière autour de l’ion.
Propriétés spectroscopiques des Ln(III)
Tous les ions lanthanides, exceptés le La(III) et le Lu(III) (de configurations respectives 4f0 et 4f14) sont luminescents. Les transitions f-f sont théoriquement interdites par les règles de sélection électrique dipolaire (règle de Laporte et règle du spin). En pratique, le couplage des états électroniques avec les états vibrationnels et les mélanges de fonctions d’ondes de différents nombres quantiques J ou de différentes parités atténuent cette interdiction.
Il en résulte : un coefficient d’extinction molaire faible (entre 1 et 10 L.mol-1.cm-1). une durée de vie d’émission de luminescence longue pour certains lanthanides (de l’ordre de la milliseconde pour les ions Eu(III) et Tb(III)).
Nous avons vu précédemment que le champ cristallin a une faible influence sur les orbitales 4f. Cela se traduit par une absence de variation de la longueur d’onde d’émission du métal en fonction du ligand. De plus, l’absorption et l’émission sont quasi-monochromatiques.
Au cours de la série, différentes efficacités de luminescence des ions Ln(III) sont observées en fonction de la différence d’énergie entre les niveaux excités et le niveau fondamental. Plus la différence d’énergie est faible, plus les processus de désexcitation non radiatifs sont probables.
L’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM)
La technique d’IRM permet d’obtenir une image tridimensionnelle de la répartition de l’eau dans le corps d’un patient. Elle est basée sur l’observation de la résonance magnétique nucléaire (RMN) des protons de l’eau contenue dans l’organisme, c’est à dire sur la réponse des noyaux lorsqu’ils sont soumis à un champ magnétique extérieur et à une excitation électromagnétique.
Suite à la découverte du concept de résonance magnétique nucléaire par F. Bloch et E. M. Purcell en 1946, les premiers développements en imagerie par résonance magnétique ont été réalisés dans les années 1970. Les premières images chez l’homme ont été effectuées en 1979.
Principe : Le patient est soumis à un champ magnétique statique. Actuellement, des champs de 0.5 T à 3 T sont couramment utilisés en milieu hospitalier. Un gradient linéaire de champ magnétique est également appliqué et permet l’encodage de l’information spatiale de chaque noyau. Ensuite, une impulsion radiofréquence est appliquée et la décroissance temporelle d’induction libre des spins nucléaires mesurée .
Pour rappel, le retour à l’équilibre de la composante de l’aimantation nucléaire Mz selon l’axe du champ magnétique suit une loi mono exponentielle avec une constante de temps T1, appelée temps de relaxation longitudinale. De même, l’évolution de l’aimantation transversale MT est caractérisée par une constante T2 appelée temps de relaxation transversale.L’intensité mesurée pour un élément de volume (voxel) est fonction des temps de relaxation du tissu et est proportionnelle à la concentration de l’eau à l’endroit considéré. Ainsi, il est possible d’observer différents tissus et la présence d’altérations (telles que des tumeurs) grâce aux différences de densité et de relaxation de l’eau.
Les agents de contraste commerciaux
De nombreux agents de contraste ont été développés au cours de ces vingt dernières années et plusieurs sont commercialisés. Ils peuvent être classés en fonction de leurs propriétés magnétiques et de leur biodistribution.
Les agents sont de type T1 ou de type T2 suivant qu’ils affectent la vitesse de relaxation longitudinale 1/T1 ou transversale 1/T2. Les effets sur les images des deux catégories sont opposés : l’intensité du signal augmente quand 1/T1 augmente et diminue quand 1/T2 augmente. On parle respectivement d’agents de contraste positifs ou négatifs. De plus, des séquences impulsionnelles pondérées T1 ou T2 sont utilisées afin de mettre en avant les changements de T1 ou de T2. La grande majorité des agents de contraste sont de type T1. L’intérêt est double : l’augmentation de la vitesse de retour à l’équilibre 1/T1 procure un meilleur contraste mais permet aussi de diminuer le délai entre deux impulsions successives et ainsi de raccourcir le temps d’acquisition. En revanche, la relaxation transversale T2 correspond à un déphasage de l’aimantation et son temps de retour à l’équilibre n’a pas d’influence sur la durée de l’examen. La biodistribution d’un agent de contraste dépend essentiellement de sa taille et de sa lipophilie. De nombreux efforts sont réalisés pour la synthèse d’agents de contraste spécifiques de la zone malade à étudier. Pour l’instant, les agents de contraste commerciaux se distinguent en deux grandes catégories : les agents de contraste extracellulaires et intravasculaires.
La plupart des agents de contraste commerciaux sont des agents extracellulaires de petite taille, diffusant rapidement du sang au liquide interstitiel. Ils sont utilisés principalement pour la détection de tumeurs dans le cerveau. Lorsqu’elle est intacte, la barrière hémato-encéphalique (BHE) est imperméable aux agents de contraste. En revanche, la présence d’une lésion la rend perméable à ces espèces qui vont alors s’accumuler dans la zone malade. Les agents extracellulaires sont éliminés par les reins au bout de 80 minutes environ. Parmi les agents extracellulaires, ceux comportant des groupements lipophiles présentent un intérêt particulier car ils sont susceptibles de s’accumuler dans les hépatocytes (cellules du foie). Ils sont alors qualifiés d’agents hépatobiliaires.
Table des matières
CHAPITRE I : Introduction
I. Les lanthanides
I.1. Définition
I.2. Propriétés fondamentales des Ln(III)
I.3. Propriétés magnétiques du Gd(III)
I.4. Propriétés spectroscopiques des Ln(III)
II. L’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM)
II.1. Principe
II.2. Relaxation et relaxivité
II.3. Les agents de contraste commerciaux
II.3.1. Les agents de type T2
II.3.2. Les agents de type T1
II.4. Les chélates de Gd(III) comme agents de contraste
II.4.1. Du Gd-aquo aux complexes de Gd(III)
II.4.2. Description théorique de la relaxivité
II.4.3. Paramètres influençant la relaxivité de sphère interne
II.4.4. Nouvelle génération d’agents de contraste
II.5. Exemples d’agents de contraste spécifiques ou bio activables
II.5.1. Ciblage de cellules
II.5.2. Agents de contraste bio activables ou « intelligents »
III. Des chromophores organiques aux complexes de Ln(III) luminescents
III.1. Définitions
III.1.1. Fluorescence et phosphorescence
III.1.2. Rendement quantique
III.2. Les chromophores organiques : une luminescence éphémère
III.3. Les ions Ln(III) : le concept de luminescence en temps résolu
III.4. Les complexes des Ln(III) luminescents
III.4.1. Les différentes voies de sensibilisation
III.4.2. Conception de chélates de Ln(III) luminescents
III.5. Exemples d’application des complexes de Ln(III) pour le diagnostic biomédical
III.5.1. Sondes luminescentes
III.5.2. Tests immunologiques
III.5.3. Imagerie
IV. Sondes « bimodales »
V. Contexte et objectifs du travail
CHAPITRE II : Synthèse des ligands
I. Conception des ligands
II. Ligands tripodes à pivot 1,4,7-triazacyclononane
II.1. Synthèse et caractérisation des ligands à motif picolinate
II.1.1. Etude bibliographique : réaction de bisubstitution
II.1.2. Synthèse du 1,4-bis[6-carbethoxypyridin-2-yl)methyl]-1,4,7-triazacyclononane par
synthèse directe
II.1.3. Synthèse et caractérisation des ligands H3bpatcn, H3ebpatcn, H4pbpatcn et H3mpatcn
II.2. Synthèse et caractérisation des ligands à motif hydroxyquinoléine
II.2.1. Synthèse et caractérisation du ligand H3thqtcn
II.2.2. Synthèse et caractérisation du ligand H6thqtcn-SO3
III. Ligands tripodes à pivot amine centrale
III.1. Synthèse et caractérisation du ligand H3dpaa
III.2. Synthèse et caractérisation du ligand H4dpaba
CHAPITRE III : Sondes magnétiques
I. Chélates de Gd(III) mono-aquo
I.1. Synthèse des complexes
I.2. Etudes structurales en solution
I.2.1. Etudes par RMN 1H
I.2.2. Détermination du nombre de molécules d’eau coordinées
I.2.3. Protonation des ligands et stabilité des complexes
I.3. Etude de la relaxivité
I.3.1. Relaxivité du complexe [Gd(bpatcn)(H2O)]
I.3.2. Relaxivité des complexes [Gd(ebpatcn)(H2O)] et [Gd(pbpatcn)(H2O)]-
II. Chélates de Gd(III) bis- et tris-aquo
II.1. Synthèse et structure des complexes à l’état solide
II.1.1. Complexe de Gd(III) avec le ligand dpaa3-
II.1.2. Complexe de Lu(III) avec le ligand dpaa3-
II.2. Etudes structurales en solution
II.2.1. Etudes par RMN 1H
II.2.2. Détermination du nombre de molécules d’eau coordinées
II.2.3. Protonation des ligands et stabilité des complexes
II.3. Etude de la relaxivité
II.3.1. Nouvelle méthode de détermination rapide de kex et τR
II.3.2. Relaxivité des complexes [Gd(dpaa)(H2O)3], [Gd(dpaa)2(H2O)]3- et [Gd(dpaba)(H2O)2]-
II.3.3. Relaxivité du complexe [Gd(mpatcn)(H2O)2]
II.3.4. Interactions avec les anions endogènes
II.3.5. Interaction avec l’albumine sérique
II.3.6. Relaxivité dans le sérum
CHAPITRE III : Sondes luminescentes
I. Complexes luminescents émettant dans le visible
I.1. Exemples de complexes avec les ions Eu(III) et Tb(III)
I.2. Etude d’une série de podates possédant le chromophore picolinate
II. Complexes luminescents émettant dans le proche infrarouge
II.1. Exemples de complexes avec les ions Yb(III), Nd(III) et Er(III)
II.2. Podates à pivot triazacyclononane possédant le chromophore 8-hydroxyquinoléine
II.2.1. Synthèse et étude des complexes avec le ligand H3thqtcn
II.2.2. Synthèse et étude des complexes avec le ligand H6thqtcn SO3
CONCLUSION
PARTIE EXPERIMENTALE
I.Généralités
I.1. Réactifs et solvants
I.2. Chromotographies
I.3. Caractérisation
II. Synthèse des ligands
II.1. Ligand H3bpatcn
II.2. Ligand H3ebpatcn
II.3. Ligand H4pbpatcn
II.4. Ligand H3mpatcn
II.5. Ligand H3thqtcn
II.6. Ligand H6thqtcn-SO3
II.7. Ligand H3dpaa
II.8. Ligand H4dpaba
III. Synthèse des complexes de Ln(III)
III.1. Ligand bpatcn3-
III.2. Ligand ebpatcn3-
III.3. Ligand pbpatcn4-
III.4. Ligand mpatcn3-
III.5. Ligand dpaa3-
III.6. Ligand dpaba4-
III.7. Ligand thqtcn3-
III.8. Ligand thqtcn-SO36-
IV. Méthodes analytiques
IV.1. Etudes potentiométriques
IV.2. Mesures de luminescence
IV.3. Etudes par Spectroscopie par Résonance Magnétique Nucléaire
IV.4. Mesure des temps de relaxation de 17O
IV.5. Relaxométrie
V. Cristallographie
ANNEXES