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Introduction
Une bonne façon d’étudier un espace est de s’intéresser à son groupe de trans-formations. Dans le cas de l’espace projectif de dimension n, noté Pn, son groupe d’automorphisme est isomorphe à PGL(n + 1). Le groupe des transformations bira-tionnelles de l’espace projectif de dimension n, appelé « le groupe de Cremona de rang n » et noté Bir(Pn), est un groupe qui généralise le groupe des automorphismes de Pn. Une transformation birationnelle est un isomorphisme entre deux ouverts non vide de Pn pour la topologie de Zariski. Au début des années 1800, différents ma-thématiciens étudient de façon isolée certaines applications birationnelles de petit degré du plan projectif (plus de détails se trouvent dans [Hud27, Chapitre XVII]). Ce n’est que dans les années 1860 que L. Cremona introduit ce groupe et pose la théorie. Le premier résultat concernant la structure de groupe est dû à M. Noether et G. Castelnuovo. Le groupe de Cremona de rang 2 sur un corps algébriquement clos k est engendré par PGL(3, k) et par une involution quadratique. À la fin du 20e siècle avec l’arrivée de nouveaux outils algébriques et géométriques, les résultats se multiplient. Ainsi, les propriétés de ce groupe sont bien connues en rang 2 et sur un corps algébriquement clos (voir par exemple [Can17]). Toutefois, les groupes de Cremona en rang supérieur sont beaucoup moins compris, la plupart des techniques ne s’adaptant pas.
Le but de cette thèse est d’étudier et de construire des espaces géométriques sur lesquels le groupe de Cremona de rang 2 agit et qui permettent de mettre en œuvre des méthodes provenant de la théorie géométrique des groupes.
Dans cette introduction, nous faisons l’analogie, lorsque c’est possible, entre le groupe de Cremona et le groupe modulaire qui peut-être vu dans plusieurs situations comme le « toy-model » du groupe de Cremona. Le groupe modulaire PSL(2, Z) est le quotient de SL(2, Z), le groupe des matrices à coefficients entiers et de déterminant 1, par son centre {± I2}.
Générateurs Soient −0! , T = 0 1! et U = 1 −0 !
S = 1
0 1 1 1 1 1
trois éléments de PSL(2, Z). Les matrices S et U sont respectivement d’ordre 2 et 3 alors que la matrice T est d’ordre infini. Le groupe modulaire est de présentation finie. Il est par exemple engendré par les matrices S et U et les relations sont engendrées par les relateurs S2 = I2 et U3 = I2, ou encore par les matrices S et T avec les relations engendrées par S2 et (T S)3 :
PSL(2, Z) = hS, U | S2 et U3i ‘ hS, T | S2 et (T S)3i.
Bien que le groupe de Cremona possède un système de générateurs connu, ce groupe n’est pas de type fini et ceci est valable sur n’importe quel corps (voir [Can17, Proposition 3.6]). Lorsque le corps k est algébriquement clos, d’après le théorème de Noether-Castelnuovo, le groupe de Cremona est engendré par PGL(3, k) et par l’invo-lution quadratique standard qui dans une carte affine s’écrit, σ : (x, y) 799K (x1 , y1 ). Un autre système de générateurs qui se trouve être plus pratique dans certaines circons-tances est PGL(3, k) ainsi que le sous-groupe de Jonquières. Un élément du groupe de Jonquières est une application préservant le pinceau de droites {y = constante}. À noter que l’application σ appartient au groupe de Jonquières. Action sur un espace hyperbolique Considérons le plan hyperbolique H2. Un de ses modèles est le demi-plan de Poincaré qui est défini comme le sous-espace du plan complexe constitué des nombres complexes de partie imaginaire strictement positive :
H2 = {z ∈ C | Im(z) > 0}.
Il est muni de la métrique définie de la façon suivante. Pour tous z1, z2 ∈ H2,
!
(Im(z1) − Im(z2))2 + (Re(z1) − Re(z2))2 d(z1, z2) = argcosh 1 + .
Le groupe modulaire agit sur H2 par isométries : pour tout a b ! ∈ PSL(2, Z) et
c d
pour tout point z ∈ H2, d! · z = cz + d.
c
a b az + b
Les points à l’infini ou appelés également points au bord sont les points dont la partie imaginaire est nulle ainsi que le point noté ∞ qui permet de compactifier la droite réelle {y = 0}. Pour cette action, les matrices S et U sont des√isométries elliptiques puisqu’elles fixent respectivement les points i ∈ H2 et 12 (1 + i 3) ∈ H2. La matrice
T est une isométrie parabolique car elle fixe un unique point au bord, le point ∞.
Une matrice est hyperbolique si elle fixe deux points à l’infini comme par exemple la 1 2 ! qui fixe les deux points réels −1 matrice − √ 2 et −1 + √ 2.
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Le groupe de Cremona agit également par isométries sur un espace hyperbolique qui est analogue à H2 mais de dimension infinie. L’espace de Picard-Manin associé à P2 est la limite inductive des groupes de Picard des surfaces obtenues en écla-tant toute suite finie de points de P2, infiniment proches ou non. Il est muni d’une forme d’intersection de signature (1, ∞). En considérant une nappe d’hyperboloïde, nous pouvons lui associer un espace hyperbolique de dimension infinie, noté H∞. Les éléments de PGL(3, k) sont tous elliptiques, ceux du groupe de Jonquières sont elliptiques lorsque les degrés de leurs itérées sont bornés et paraboliques sinon. L’ap-plication de Hénon hn : (x, y) 7→(y, yn − x) est un exemple d’élément hyperbolique.
Non-simplicité du groupe de Cremona Le groupe PSL(2, Z) n’est pas un groupe simple. En effet, pour tout entier N > 1, le sous-groupe (N) = {A ∈ PSL(2, Z) | A ≡ ± I2 (mod N)}, est un sous-groupe distingué de PSL(2, Z). En fait, il possède également de nombreux sous-groupes distingués d’indice infini puisque c’est un groupe SQ-universel, c’est-à-dire que tout groupe dénombrable se plonge dans un quotient de PSL(2, Z).
L’espace H2 est hyperbolique au sens de Gromov ou Gromov-hyperbolique puisque chacun√de ses triangles vérifie la propriété suivante : tout côté est contenu dans le ln(1 + 2)-voisinage de la réunion de ses deux autres côtés. Nous disons de manière
√
équivalente que H2 est ln(1 + 2)-hyperbolique. Un triangle de H∞ vivant dans une
√
copie de H2, l’espace H∞ est lui aussi ln(1 + 2)-hyperbolique.
En 2013, en faisant agir le groupe de Cremona sur H∞, S. Cantat et S. Lamy montrent que lorsque le corps est algébriquement clos, le groupe de Cremona n’est pas simple (voir [CL13]). Ils construisent des sous-groupes propres dont tous les éléments sont de grands degrés. Pour montrer cela, ils élaborent une variante de la théorie de petite simplification.
Récemment, F. Dahmani, V. Guirardel et D. Osin [DGO17] généralisent égale-ment la théorie de la petite simplification pour des groupes agissant par isométries sur des espaces Gromov-hyperboliques. Une de leur motivation est d’étudier le « mapping class group » d’une surface de Riemann hyperbolique. C’est le groupe des homéo-morphismes d’une surface préservant l’orientation à isotopie près. Ce groupe est de présentation finie. Son graphe de Cayley n’est pas Gromov-hyperbolique, ce n’est donc pas un groupe hyperbolique. Cependant il agit sur le graphe des courbes qui est un graphe Gromov-hyperbolique non localement compact (tout comme l’espace H∞). Dans ce contexte, ils construisent des sous-groupes distingués propres qui sont de plus libres et purement pseudo-Anosov, c’est-à-dire que tous leurs éléments non triviaux sont pseudo-Anosov. Ils répondent ainsi à deux questions restées longtemps ouvertes. Pour construire de tels sous-groupes ils exhibent un élément hyperbolique satisfaisant la propriété WPD (« weakly properly discontinuous »), propriété pro-posée par M. Bestvina et K. Fujiwara [BF02] en 2002, également dans le contexte du mapping class group. Un élément g d’un groupe G satisfait la propriété WPD, si pour tout ε ≥ 0, il existe un point x et un entier n strictement positif tels qu’il n’existe qu’un nombre fini d’éléments du groupe G déplaçant x et gn(x) d’au plus ε. Dans le contexte du groupe de Cremona agissant sur H∞, les éléments hyperboliques que nous étudions possèdent un axe. Par conséquent, nous emploierons de manière équivalente la terminologie introduite par R. Coulon dans son exposé au séminaire Bourbaki [Cou16] : le groupe G agit discrètement le long de l’axe de g. L’avantage de la formulation de R. Coulon est d’expliciter le rôle du groupe G. À noter que D. Osin [Osi16] a englobé cette notion ainsi que d’autres sous le terme d’action acylindrique. Il unifie ainsi plusieurs travaux concernant des groupes différents.
Table des matières
Introduction
1 Préliminaires
1.1 Applications birationnelles et groupe de Cremona
1.1.1 Groupe de Cremona
1.1.2 Diviseurs et systèmes linéaires
1.1.3 Théorème de factorisation
1.2 Espaces à courbure négative
1.2.1 Propriétés géométriques
1.2.2 Espaces hyperboliques de dimension infinie
1.2.3 Sous-espace hyperbolique de dimension infinie dans l’espace de
Picard-Manin
1.3 Propriétés des applications du groupe de Cremona
1.3.1 Propriété des points-base et de leur multiplicité
1.3.2 Applications de Jonquières et de caractéristique Jonquières
2 Non-simplicité du groupe de Cremona, sur tout corps
2.1 Introduction
2.2 Propriété WPD dans un espace hyperbolique de dimension infinie
2.2.1 Propriété WPD
2.2.2 Quadrilatères hyperboliques
2.2.3 Tubes géodésiques
2.2.4 Affaiblissement des hypothèses de la propriété WPD
2.3 Application au groupe de Cremona
2.3.1 Action des applications hn sur H1¯k
2.3.2 Preuve du résultat principal
3 Complexe de Wright
3.1 Définition
3.2 Graphe de Wright modifié
3.3 Diamètre infini
3.4 Non-hyperbolicité
3.4.1 Construction d’un sous-groupe abélien libre de rang deux
3.4.2 Non-hyperbolicité du graphe de Wright
4 Pavage de Voronoï pour le groupe de Cremona
4.1 Restriction à un sous-espace
4.1.1 Pavage
4.1.2 Non-accumulation des cellules
4.2 Étude des cellules de Voronoï
4.2.1 Cellule de Voronoï associée à l’identité
4.2.2 Cellules adjacentes à la cellule associée à l’identité
4.2.3 Cellules quasi-adjacentes à la cellule associée à l’identité
4.3 Graphes associés au groupe de Cremona
4.3.1 Graphe dual
4.3.2 Graphe dual étendu
4.3.3 Hyperbolicité du graphe dual étendu
5 Complexe cubique associé au groupe de Cremona
5.1 Définition
5.2 Premières propriétés
5.3 Perspectives
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