Les compétences du juge administratif congolais sont d’attribution, elles sont essentiellement portées par la constitution et la loi n° 16-027 du 15 octobre 2016 portant organisation, compétence et fonctionnement des juridictions de l’ordre administratif. Les règles de ces compétentes sont d’ordre public et d’application immédiate. Le respect qui leurs est assuré est plus rigoureux .
En effet, les compétences des juridictions de l’ordre administratif sont de deux natures, elles sont consultatives ou non contentieuses, soit contentieuses.
Compétences consultatives du juge administratif congolais
Les compétences consultatives du juge administratif consistent à émettre des avis à l’initiative des autorités administratives ou du juge administratif lui-même lorsque survient les difficultés d’interprétation d’un texte juridique en dehors de tout contentieux. Pour mieux percevoir les compétences consultatives, nous allons en dégager les bases juridiques pour comprendre leur forme d’exercice d’une part, et en précisé la portée afin de voir leurs modalités d’exercice d’autres part.
Forme d’exercice des compétences consultatives du juge administratif congolais
Les compétences consultatives du juge administratif congolais ne sont pas aujourd’hui le seul apanage du conseil d’État, comme juge administratif suprême. Chacune des juridictions de l’ordre administratif de droits commun est désormais investie des missions consultatives vis à vis des autorités administratives de son ressort. Conformément à la constitution, la loi organique de 2016 organise les compétences consultatives selon qu’il s’agit du pouvoir central, des provinces et des entités territorialement décentralisées.
Pouvoir central
En vertu des articles 82 à 84 de la loi organique du 15 octobre 2016, la compétence consultative du juge administratif congolais au niveau du pouvoir central est dévolue au conseil d’État. La section consultative du conseil d’État est compétente pour donner notamment des avis motivés sur la régularité juridique de tout projet ou de toute proposition d’acte législatif, règlement ou décision dont elle est saisie par des autorités du pouvoir central; ainsi que des avis motivés sur la légalité ou sur la constitutionnalité des dispositions des textes sur lesquels elle est consultée . Le professeur YUMA BIABA Louis, précise que : S’agissant de la compétence consultative, le conseil d’État est l’organe consultatif du gouvernement. Il est consulté par par le gouvernement sur les projets de lois à soumettre au parlement, sur les règlements autonomes et les actes ayant force de loi, et sur certaines décisions particulières en matière d’utilité publique et d’expropriation.
Pouvoir provincial
Au niveau de province, la compétence consultative du juge administratif congolais est dévolue à la cour administrative d’appel en vertu des articles 94 et 95 de la loi organique du 15 octobre 2016. La section consultative de la cour administrative d’appel est compétente pour donner des avis motivés sur les textes de tout projet ou toute proposition d’édit, d’acte, de règlement ou de décisions des autorités provinciales . Elle donne des avis motivés notamment sur la constitutionnalité, la légalité et la conformité aux règlements d’exécution nationaux, des édits ainsi que sur la légalité et la conformité aux édits des règlements des autorités provinciales pour lesquelles elle est consultée.
Pouvoir local
Conformément aux dispositions des articles 102 et 103 de la loi organique du 15 octobre 2016, la compétence consultative du juge administratif congolais au niveau des entités territorialement décentralisées est attribuée au tribunal administratif. La section administrative du tribunal administratif donne des avis motivés sur les textes de tout projet d’acte, de règlement ou de décision des autorités administratives du territoire, de la ville, de la commune, du secteur ou de la chefferie ainsi que des organismes publics placés sous leur tutelle. Elle donne des avis motivés notamment sur la constitutionnalité, la conformité au traité dûment ratifié et la légalité des dispositions des textes pour lesquels elle est consultée. Il est important d’en apercevoir la portée.
Portée des compétences consultatives du juge administratif congolais
Les compétences du juge administratif congolais portent aussi bien sur les textes en chantier, lorsqu’il s’agit de projet ou proposition des lois, ou de toute autre initiative jugé nécessaire qu’il faille entreprendre pour des réformes qui s’imposent pour l’intérêt général; que sur les textes en vigueur lorsque le juge est sollicité en cas des difficultés d’interprétation du texte, par rapport au sens à donner à telle ou telle autre disposition. Il importe pour nous de souligner à ce niveau que, les avis consultatifs sont généralement l’œuvre de l’autorité qui en a pris l’initiative. Mais cela n’empêche pas qu’ils émanent du juge lorsqu’il s’agit d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur des réformes qui paraissent nécessaires pour l’intérêt général.
Cas des avis se rapportant aux textes en chantier ou aux moyens juridiques jugés nécessaires
Les avis consultatifs peuvent être requis en matière des projets ou propositions des lois ou des projets d’actes, décisions ou règlements des autorités administratives ou législatives. Par ses avis, le juge administratif veille à la qualité rédactionnelle de la norme, à sa régularité juridique, à sa bonne intégration dans l’ordonnancement juridique et à l’adéquation entre les moyens mis en œuvre et aux fins poursuivies. Par son analyse, le juge administratif fournit aux pouvoirs publics chargés de l’élaboration des textes normatifs, une information précise, sincère et complète pour leur permettre de mener à bien leurs missions. Il vérifie en particulier que, le texte qui lui est soumis ne méconnaît ni le principe de clarté de la loi, ni les objectifs à valeur constitutionnelle, d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi et qu’il est utile, nécessaire et cohérent avec son environnement juridique. Bien plus qu’un simple organe consultatif, le juge administratif participe ainsi à la fabrication des normes dès lors que ses avis sont le plus souvent suivis en dépit de leur caractère non contraignant.Car par tel avis, le juge n’y réalise pas un contrôle de légalité à priori proprement dit, auquel cas il s’agirait d’un veto ou quitus qui rendrait tout recours contentieux superfétatoire. Ainsi, le juge administratif ne peut par exemple pas être saisi pour donner le quitus à un texte avant son entré en vigueur, l’avis se rapportant au texte en chantier peut-être de pertinence ou d’opportunité.
Outre sa compétence d’avis sur l’élaboration des textes, le juge administratif comme conseiller juridique du gouvernement peut tout aussi donner des avis sur l’interprétation des textes en vigueur.
Cas des avis d’interprétation de portée juridique des textes en vigueur
Lorsqu’il s’agit de donner un sens à telle ou telle autre disposition des textes juridiques en vigueur, le juge administratif est tout aussi compétent pour émettre des avis ou répondre aux questions qui soulèvent une difficulté d’interprétation, à l’initiative des autorités tant administratives, législatives que judiciaires.
Pour cela, le juge se réfère successivement au droit interne, au droit international, au droit comparé et à la jurisprudence ainsi qu’à la doctrine y afférent.
Le professeur BOTAKILE BATANGA illustre ici un exemple de la cour suprême de justice en son temps, « consultée pour donner un avis sur la nature infractionnelle de l’attentat à la vie d’un chef d’État si, au regard de l’article 2 de la loi portant amnistie pour faits de guerre, infractions politiques et d’opinions, il est une infraction politique ou une infraction de droit commun, l’assemblée mixte de la cour suprême de justice a considéré que l’attentat à la vie d’un chef d’État ou d’un membre de sa famille est une infraction de droit commun » .
Et donc, l’interprétation par voie d’avis permet finalement d’éclairer l’autorité d’initiative sur le sens exact à donner à un texte qu’elle entend appliquer. Elle n’a rien avoir et ne peut pas se confondre avec l’acte de juger .
Avis facultatifs et non obligatoires du juge administratif congolais
Les avis consultatifs du juge administratif, aussi bien en c qui concerne les textes en chantier, les orientations sur la pertinence des moyens juridiques, l’opportunité des textes ou des réformes à initier qu’en matière d’interprétation de la portée des textes en vigueur, sont finalement facultatifs et non obligatoires. L’autorité administrative n’est ni tenue de les requérir, ni de s’y conformer une fois donné.
Et lorsqu’il s’agit d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur des réformes qui s’imposent au nom de l’intérêt général, les avis d’opportunité, le juge administratif est tenu d’initier et de rendre son avis. Un tel avis si bien obligatoire pour le juge, celui-ci ne lie pas son destinataire. L’avis consultatif n’a aucune incidence sur la légalité ou la constitutionnalité de l’acte entrepris devant une juridiction contentieuse, fut-elle constitutionnelle, judiciaire ou administrative. Par principe, un juge qui a donné son avis consultatif sur un projet d’acte, décision ou règlement administratif ne peut plus siéger comme juge d’annulation pour l’acte sous peine de récusation.
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