Comparaison des modules élastiques statique et dynamique

Structure et objectifs du chapitre

Pour développer les méthodes de calcul de fuite, nous allons capitaliser l’ensemble des résultats des études effectuées aux chapitres précédents comme mentionné ci-dessous :
A partir des mesures de perméabilité au perméamètre Torrent (TPT), le Chapitre 2 permet de calculer les perméabilités apparentes en régime permanent pour des pressions absolues de percolation égales à 2 et 6 bars. Il permet également de déterminer les temps d’établissement du régime permanent (TERPE) et les porosités accessibles au gaz. Ces données sont suffisantes pour prédire les taux de fuite en régime permanent et les cinétiques de débits. Au laboratoire, les taux de fuites ainsi calculés seront considérés comme une référence puisque basés sur des mesures directes de perméabilité.
Cependant, les limites du TPT (faible épaisseur investiguée, fonctionnement impacté par la vapeur d’eau en surface du matériau) peuvent être à l’origine d’incertitudes importantes sur les valeurs de fuites ainsi calculées. En effet, au cours des mesures effectuées sur l’enceinte VeRCoRs, la profondeur investiguée par le TPT varie entre 17,9 à 42,2 mm en situation d’usage normal. Pendant et après la mise en pression de l’enceinte (épreuve enceinte) cette profondeur investiguée varie entre 36,8 et 96,9 mm. Ce résultat laisse conjecturer qu’il y a eu une augmentation de la perméabilité mesurée par le TPT et de la fuite associée du fait de la mise en pression de l’enceinte. Mais, durant l’épreuve enceinte, les conditions d’utilisation du TPT ne sont pas assurées : les pores du matériau ne sont pas à la pression atmosphérique. Dans notre étude des techniques de mesure au Chapitre 2, nous n’avons pas analysé l’impact de la pression initiale (avant mise sous vide) sur la perméabilité mesurée par l’appareil. Un autre paramètre limite également l’utilisation du TPT : lors des épreuves enceintes, la paroi externe de l’enceinte est aspergée pour localiser et mesurer les fuites à l’extrados. Or comme nous l’avons vu au Chapitre 2, la vapeur d’eau a une influence notable sur le TPT, conduisant à des perméabilités beaucoup élevées que la normale. Un dernier paramètre qui limite l’utilisation du TPT sur les enceintes est la présence des nappes d’acier à 3 cm seulement de profondeur. Puisque les interfaces acier-béton (étudiés dans le Chapitre 4) sont des zones de faibles résistances, alors il peut arriver que le TPT ne mesure que la perméabilité représentative de ces 3 premiers centimètres. Dans tous les cas, la profondeur investiguée est inférieure à 100 mm soit environ un dixième de l’épaisseur du béton en zone courante sur site et un tiers de l’épaisseur sur VeRCoRs.
Le Chapitre 3 fournit les lois d’évolution de la perméabilité en fonction des différents endommagements du matériau. A partir d’un état d’endommagement donné, il est donc possible de prédire les perméabilités et les taux de fuites correspondants. Cette méthode est fondamentalement différente de la précédente. En effet, il s’agit de rentabiliser des données expérimentales disponibles sur site : le suivi de l’endommagement au moyen de techniques non destructives donnant accès à l’évolution des modules d’élasticité dynamique par exemple. Ce suivi des modules a jusque-là été effectué uniquement pour évaluer l’endommagement du matériau. La littérature ayant montré l’effet de l’endommagement sur la perméabilité, notre étude propose un suivi des fuites à partir de ces valeurs d’endommagement. Une fois encore, la pertinence des fuites ainsi calculée est étroitement liée à la capacité des techniques non destructives à fournir des modules d’élasticité représentatifs de l’enceinte.
Comme mentionné précédemment, les résultats du Chapitre 3 doivent être complétés. Les objectifs spécifiques de notre thèse sont alors :
– OS1. Etude comparative des endommagements évalués à partir des modules d’élasticité statiques et des endommagements évalués à partir des modules d’élasticité dynamiques
– OS2. Etude comparative de la perméabilité et des propriétés diélectriques du béton,
– OS3. Calculs des taux de fuites par différentes techniques et méthodologie.
Pour répondre à ces objectifs, nous structurons le chapitre en deux grandes parties.
Les OS1 et OS2 constituent la première partie dans laquelle nous présentons les essais complémentaires réalisés, les résultats de ces essais, et les lois de corrélation reliant endommagements dynamique et endommagements statiques d’une part et perméabilité et propriétés diélectriques d’autre part.
La seconde partie dont nous présentons de façon détaillée la structure est consacrée au calcul des taux de fuite afin de répondre à l’OS3. Trois approches de calcul des fuites sont proposées :
– Approche non destructive directe. C’est l’approche de référence au laboratoire. Nous la désignons par approche directe parce que lors des campagnes expérimentales ENDE, des mesures non destructives au TPT ont été effectuées sur les dalles dans toutes les configurations du béton étudiées. Les fuites sont alors calculées à partir de ces mesures directes de perméabilité au TPT. Les lois établies au Chapitre 2 seront utilisées pour en déduire une valeur de la perméabilité comparable à celle obtenus par un essai au perméamètre Cembureau. Pour les raisons de limites du TPT, cette approche n’est pas utilisée.
– Approche non destructive indirecte. Il s’agit des méthodes indirectes de prédiction des fuites à partir des endommagements dynamiques, de la permittivité. Les endommagements dynamiques sont évalués à partir des modules dynamiques mesurés avec les ultrasons (impact-écho et transmission directe). La résistivité électrique est mesurée avec un résistivimètre à sonde Wenner. La permittivité est mesurée avec les ondes électro magnétiques (méthode capacitive à grande électrode).
Finalement, nous proposons une méthodologie, fruit des analyses précédentes.

Etudes pour établissement des modèles endommagements dynamiques

– endommagements statiques et perméabilité – permittivité
Cette étude complémentaire présente et analyse l’évaluation du matériau par techniques non destructives. Ces techniques doivent fournir les données d’entrée des méthodes de calcul de fuite que nous proposons dans ce chapitre (Approche non destructive indirecte). Elle est divisée en quatre parties :
– Présentation d’un récapitulatif des essais réalisés dans le cadre du projet ENDE. Il est important de faire ce récapitulatif d’abord pour comprendre l’intérêt des essais complémentaires mais aussi pour préciser dans chaque cas d’étude l’utilisation qui est faite des données expérimentales du projet ENDE et de la thèse. Ce récapitulatif permet également de mentionner rapidement ce qui n’a pas été fait dans le cadre de la thèse comparativement au cadre du projet ENDE.
– Revue bibliographique sur l’évaluation des modules d’élasticité dynamique et statique et sur les liens entre la perméabilité et les propriétés diélectriques du béton (permittivité et résistivité électrique). Ainsi, cette étude bibliographique est importante. Elle permet de vérifier d’abord si, dans la littérature, il n’y a pas d’étude corrélative entre les endommagements dynamiques et les endommagements statiques. Elle permet ensuite de mieux comprendre les mécanismes qui expliquent les différences entre les deux types de modules dynamiques et statiques. Enfin elle permet de justifier l’approche expérimentale que nous avons retenue.
– Etudes expérimentales. Nous présentons les essais que nous avons réalisés.
– Analyses et établissement des modèles recherchés.

Points sur les données expérimentales disponibles dans le cadre du projet ENDE

Nous avons précisé dans le Chapitre 1, les états du matériau étudiés dans le cadre du projet ENDE. Ces états du matériau correspondent aux différents scénarios d’usage normal ou d’accident grave des enceintes de confinement. A l’issue des campagnes d’essai du projet, il nous manque des données expérimentales pour procéder à une étude comparative des modules dynamiques et statiques à différents états de saturation. En effet, les modules statiques n’ont pas été déterminés sur les corps d’épreuve de type dalle instrumentés. Quant aux mesures de permittivité et de résistivité, il nous a semblé intéressant de réaliser sur les mêmes éprouvettes des mesures de perméabilité et de vitesse d’ondes électromagnétique afin de procéder à des corrélations en limitant les sources de dispersion.
A présent, nous présentons la revue bibliographique sur l’évaluation non destructive des propriétés du béton par les ultrasons, les ondes électromagnétiques et les champs électriques.

Revue bibliographique sur l’évaluation non destructive de propriétés du béton

Définition : un appareil (de contrôle) non destructif (à l’opposé d’un appareil destructif) est un appareil qui permet de diagnostiquer l’état de structures ou de matériaux, sans les dégrader, soit au cours de la production, soit en cours d’utilisation, soit dans le cadre de maintenances (IAEA, 2002).

Revue bibliographique sur les modules d’élasticité statiques et dynamiques

Cette sous-section est subdivisée en trois paragraphes principaux :
– Définition et méthodes de détermination du module d’élasticité statique.
– Définition et méthodes de détermination du module d’élasticité dynamique.
– Etudes de corrélation entre les deux modules.

Méthodes d’évaluation du module statique

Pour contrôler un ouvrage en béton, on procède généralement à la caractérisation du béton par des essais sur des éprouvettes ayant été confectionnées avec la même gâchée que les ouvrages ou bien ayant été prélevées directement sur les ouvrages à ausculter. La mesure du module d’élasticité est généralement utilisée comme un excellent indicateur des propriétés mécaniques. Les modules ainsi évalués sont dits modules statiques parce que caractérisés par une mise en charge lente donc quasi-statique. Du fait de la mise en charge du béton, celui-ci est endommagé à l’issue de l’essai et c’est pour cela qu’on parle de technique destructive. A l’opposée, la mesure dynamique est obtenue par application d’un choc ou l’émission d’une onde qui a une vitesse élevée donc par un chargement dynamique. La traversée de l’échantillon par de telles ondes n’entraine pas d’endommagement du matériau.
L’utilisation de ces techniques varie en fonction du matériau. Dans le cas des matériaux cimentaires dont notamment le béton, on procède généralement à des essais de compression (ou de traction) (Kittel, 1967; Lemaitre et al., 2009; Neville, 1995; Seitz et Turnbull, 1955). Pour l’ensemble de notre étude nous avons procédé à des essais de compression simple. Cependant, comme nous l’avons déjà mentionné, dans l’ensemble ces méthodes sont destructives et ne sont pas adaptées à des mesures sur site, notamment sur les enceintes nucléaires. D’où l’utilité des méthodes non destructives qui conduisent aux modules dynamiques.

Méthodes d’évaluation du module dynamique

Le module dynamique est déterminé à partir de diverses techniques généralement non destructives. On peut mesurer la « dureté du choc » à travers le rebondissement d’un marteau sur le matériau (à l’aide d’un scléromètre par exemple). On en déduit alors la résistance en compression puis le module d’élasticité E du matériau (TFB AG, 1961).
Les techniques non destructives les plus utilisées actuellement sont les techniques ultrasonores basées sur la propagation d’ultrasons dans le matériau.
Définition d’ultrason : C’est une onde mécanique et élastique, qui se propage au travers de supports fluides, solides, gazeux ou liquides. On parlera simplement d’onde de sollicitation ou d’ultrason.
On peut regrouper ces techniques ultrasonores en deux groupes principaux :
– Domaine de base ou moyennes fréquences. On détermine la fréquence de résonance qui est égale au nombre de vibrations par seconde pour lequel les ondes émises sont en phase avec celles que réfléchit la paroi opposée de l’éprouvette (Pattou et Trutt, 1963; TFB AG, 1961). A partir de cette fréquence de résonnance et de la géométrie de l’éprouvette, on estime le module d’élasticité dynamique. Pour des fréquences comprises entre 10 et 100Hz par exemple, on peut estimer le module dynamique d’une poutre en vibration de flexion à partir de ses premières fréquences propres (Lemaitre et al., 2009).
– Domaines des fréquence élevées supérieure à 20 000 Hz (Lemaitre et al., 2009) : on mesure le temps que les ondes de sollicitation mettent pour parcourir une distance
comprise entre une source émetteur et une source réceptrice à travers le matériau. A partir des temps de parcours ainsi mesurés, on calcule les vitesses d’ondes transversales (onde de cisaillement) et longitudinales (onde de compression) avec une précision relative inférieure à 0,0001 ce qui conduit à une prédiction du module E avec une précision relative inférieure à 0,003 (Lemaitre et al., 2009).
Pour générer les ondes de sollicitation dans le matériau, il existe plusieurs techniques éprouvées telle que l’impact-écho, la transmission directe (méthode PUNDIT) ou encore les techniques d’ondes de surfaces (Abraham et al., 2012; Chaix et al., 2006; Garnier et al., 2009; Sansalone et Carino, 1986; Villain et al., 2009).
– L’impact-écho consiste à causer un choc sur le matériau avec un marteau. Ce faisant, on génère la propagation de l’onde de sollicitation. Cette méthode est apparue subjective, car elle dépend de l’opérateur, et elle se limite à détecter des défauts proches de la surface (Carino, 2001; Sansalone et Carino, 1986). Cependant elle a fait l’objet d’une norme (Norme ASTM D 4580, 2013) approuvée dans sa version originale en 1986.
– La transmission directe consiste à mesurer la vitesse de propagation de l’onde à travers l’éprouvette sur toute sa longueur, ainsi on sollicite l’éprouvette sur toute sa longueur ce qui permet une mesure plus représentative de l’éprouvette.
– Les techniques d’ondes de surface sont basées sur la propagation des ondes sur de longues distances (idéalement supérieure à 12 cm). Elles sont convenables dans le cas où seule une face de l’éprouvette à tester est accessible.

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