Comorbidités associées à l’obésité sévère

 Comorbidités associées à l’obésité sévère

Apnée obstructive du sommeil 

Pathophysiologie de l’apnée obstructive du sommeil L’apnée obstructive du sommeil est une complication reconnue de l’obésité (35) et elle augmente le risque de maladie et de mortalité cardiovasculaire (36). La prévalence et la sévérité de l’apnée obstructive du sommeil augmente parallèlement avec celle de l’IMC (37). L’obésité serait responsable de plus de la moitié (58 %) des cas d’apnée obstructive du sommeil (38). Il y a une relation presque linéaire entre l’IMC et la sévérité de l’apnée obstructive du sommeil. Cependant, à sévérité égale d’apnée du sommeil, les femmes ont un IMC supérieur aux hommes suggérant que le surplus de poids nécessaire pour causer l’apnée obstructive du sommeil chez l’homme est moindre (39). L’apnée obstructive du sommeil est caractérisée par des périodes répétées de collapsus complet (apnée) ou partiel (hypopnée) des voies aériennes supérieures résultant respectivement en une alternance d’apnée et/ou d’hypopnée. L’apnée est un blocage complet du passage de l’air pendant au moins 10 secondes. Quant à l’hypopnée, elle est définie comme une diminution d’au moins 50 % de l’amplitude respiratoire pendant au moins 10 secondes. Toutefois, l’hypopnée peut aussi être définie à partir d’une diminution de 30 % de l’amplitude, combinée à une Comorbidités associées à l’obésité sévère 27 désaturation supérieure ou égale à 4 % (40). Ces anomalies respiratoires amènent une diminution de la saturation artérielle en oxygène, une hypercapnie et, par conséquent, une activation du système nerveux sympathique (SNS). (41) Les apnées et les hypopnées provoquent des micro-éveils visant à restaurer la perméabilité des voies aériennes. Ceux-ci nuisent à la qualité du sommeil et sont responsables de la somnolence diurne (41). Physiologiquement, les périodes de sommeil se traduisent par une diminution de l’activation des muscles des voies aériennes supérieures ce qui précipite le risque de collapsus. Il est possible de caractériser la sévérité de la maladie avec l’index d’apnée/hypopnée (IAH) en : 1- faible (5-14,9 événements/heure), 2- modérée (15-29,9 événements/heure) et, 3- sévère (30 événements/heure) (42). Récemment, l’IAH ajusté pour la durée et la sévérité de la désaturation a été proposé pour limiter les variations de l’IAH dû à différentes définitions de l’hypopnée et pour établir avec plus de certitude la sévérité de la maladie (40). Le diagnostic de l’apnée obstructive du sommeil est posé à l’aide de la polysomnographie nocturne. L’obésité affecte la ventilation par une augmentation de la pression abdominale secondaire à l’adiposité viscérale et s’accompagne d’une altération des mouvements du diaphragme et de la cage thoracique (43). Les effets, sur le plan métabolique [IMC, circonférence de taille, triglycéride (TG), cholestérol à lipoprotéine de haute densité (HDL)], des changements des habitudes de vie (alimentation, activité physique) sont limités chez les patients avec apnée du sommeil comparativement à des patients qui n’ont pas ce problème de santé (36). La restriction de sommeil est associée à une augmentation de l’appétit, de la ghréline et une diminution de la leptine ce qui pourrait expliquer que les patients avec apnée du sommeil non traités aient plus de difficulté à perdre du poids (36).

Causes de l’apnée du sommeil

L’apnée du sommeil correspond à des épisodes répétitifs de collapsus des voies aériennes supérieures notamment du pharynx. C’est un déséquilibre entre la force générée par les muscles dilatateurs du pharynx qui maintiennent l’ouverture des voies aériennes et la pression négative inspiratoire intra-luminale contribuant à fermer le pharynx qui est à l’origine de ce collapsus. Le rétrécissement anatomique des voies aériennes supérieures, le contrôle neuromusculaire de la perméabilité du pharynx et le contrôle ventilatoire sont trois causes importantes du collapsus. L’obésité, de par l’infiltration graisseuse locale autour du pharynx, contribue à la diminution du calibre des voies aériennes supérieures. Plusieurs anomalies anatomiques contribuent à l’apnée du sommeil dont les anomalies des parties 28 molles (voile du palais long et épais, langue volumineuse, rapprochement des piliers postérieurs, hypertrophie des amygdales et des végétations) et celles du squelette osseux du massif maxillo-facial (verticalisation de la mandibule, rétroposition de la mandibule, abaissement de l’os hyoïde, recul du menton). Ces changements anatomiques nuisent à l’efficacité des muscles dilatateurs du pharynx ce qui entraîne un écrasement paradoxal des voies aériennes supérieures lorsqu’elles se contractent (44). Une neuropathie pharyngée peut empêcher les réflexes compensateurs qui visent à éviter le collapsus d’avoir lieu. Cette neuropathie peut être due à des lésions de dénervations induites par l’hypoxie intermittente et aux vibrations dues aux ronflements. 

Association avec les altérations du bilan lipidique

L’hypoxie intermittente par son effet inducteur sur l’inflammation du tissu adipeux stimule la lipolyse et entraîne une augmentation des chylomicrons et des particules de cholestérol nommées lipoprotéine de faible densité (LDL) circulants ce qui a un effet pro-athérogénique. Ceci pourrait expliquer la corrélation directe entre les niveaux de cholestérol et de TG et une corrélation inverse avec le HDL et la sévérité de l’apnée du sommeil (45). Il y aurait une relation dose-réponse entre la sévérité de l’apnée du sommeil et la dyslipidémie notamment une association entre l’IAH et les HDL (46). Le lien entre le bilan lipidique et la sévérité de l’apnée obstructive du sommeil pourrait toutefois être atténué par certains facteurs comme l’âge, le sexe et la présence d’autres facteurs de risque cardiovasculaire (39). Ainsi, selon Coughlin, les HDL sont plus bas et le ratio cholestérol total/HDL plus élevée chez les patients avec apnée obstructive du sommeil comparativement à des témoins, mais il n’y aurait pas de différence pour le cholestérol total et le LDL (47). Après 6 mois d’utilisation, la ventilation à pression positive continue (CPAP) est associé à une diminution des LDL et une augmentation des HDL qu’il y ait ou non une perte de poids (aucun changement du cholestérol total et des TG) (48). 2.1.4 Traitements de l’apnée du sommeil Les traitements de l’apnée du sommeil comprennent la ventilation à pression positive, les prothèses dentaires, les chirurgies (la trachéotomie étant la seule ayant démontré des résultats positifs de façon consistante), la perte de poids et d’autres traitements moins utilisés (49). Il n’existe aucune approche pharmacologique pour le traitement de cette condition. Il est toutefois recommandé d’éviter les benzodiazépines, car cette classe de 29 médicaments a pour effet de réduire le tonus musculaire des voies aériennes supérieures ce qui pourrait aggraver et/ou précipiter l’apnée (49). Le CPAP est le traitement le plus utilisé et le plus efficace pour l’apnée obstructive du sommeil (49). Il permet la réduction quasi complète de l’IAH ayant pour conséquence de diminuer la somnolence diurne (43). Un traitement devrait être envisagé pour tout patient symptomatique (ex : somnolence diurne) diagnostiqué avec apnée obstructive du sommeil afin de le soulager et de diminuer son risque cardiovasculaire. Pour les patients avec apnée obstructive du sommeil n’ayant pas de symptômes, les bénéfices du traitement sont incertains vu le peu d’étude à ce sujet (50, 51). Un essai multicentrique randomisé récent à comparer l’utilisation du CPAP avec les soins de santé usuels aux soins de santé usuels seuls (sans CPAP) chez des adultes de 45 à 75 ans (IMC moyen 29 kg/m2 ) avec apnée obstructive du sommeil et une maladie coronarienne ou cérébrovasculaire (52). Dans cette étude, après un suivi moyen de 3,7 ans, il n’y avait pas de différence significative concernant l’incidence d’événements cardiovasculaires (52). Toutefois, il est important de mentionner que le CPAP était utilisé en moyenne 3,3 heures par nuit par les participants. La faible observance au traitement remet donc en question les résultats obtenus. Après 6 mois d’utilisation, chez des patients ayant un IAH > 20, le CPAP était associé à une diminution du tissu adipeux viscéral, lequel est néfaste au niveau cardio-métabolique, indépendamment des changements au niveau du poids (48). Le traitement à l’aide du CPAP et de la pression positive à 2 niveaux (BiPAP) pourrait aussi améliorer certains facteurs de risque associés dont les niveaux de cholestérol total, de LDL et de TG élevés (45, 46). Toutefois, le CPAP est associé à certains effets indésirables pouvant limiter l’observance à son utilisation dont : 1- l’irritation de la peau, 2- la sécheresse des voies aériennes, 3- la claustrophobie et, 4- un inconfort général (49). Pour cette raison, le changement des habitudes de vie menant à la perte de poids (saines habitudes alimentaires et exercice) peut être recommandé comme traitement complémentaire au CPAP ou alternatif pour des patients intolérants au CPAP (43). La perte de poids induite par les changements des habitudes de vie permet une amélioration (réduction de l’IAH) mais non une résolution de l’apnée du sommeil (37). Il y a une corrélation inverse entre l’IMC et l’IAH et le faible nombre de pas effectués par les patients atteints d’apnée obstructive du sommeil. Les patients plus sévèrement atteints par la maladie sont donc moins actifs [nombre de pas par jour et nombre de minutes à > 3 METs (Metabolic Equivalent of Task)] (53). Dans une étude randomisée chez des patients obèses et sédentaires avec IAH  15, sans traitement pour l’apnée obstructive du sommeil, les patients du groupe activité physique (150 minutes/semaine 30 d’activité physique modéré pendant 12 semaines) ont eu une diminution plus importante de leur IAH (7,62,5 événements/heure) et une plus grande proportion de patients ont eu une diminution de  20 % de leur IAH comparativement aux patients du groupe témoin, et ce sans perte de poids (54). L’activité physique serait donc une option thérapeutique à envisager d’autant plus qu’elle sera bénéfique pour d’autres problèmes de santé comme l’hypertension artérielle fréquemment rencontrée chez les patients avec apnée obstructive du sommeil. Dans une récente méta-analyse, des interventions amenant une perte de poids étaient associées à une diminution de l’IAH de 11 événements/heure. Cependant l’hétérogénéité était élevée entre les études (35). Dans une étude randomisée chez des patients avec diabète de type 2 et obésité (IAH moyen initial de 23,2 événements/heure), une perte de poids moyenne de 10,8 kg à 1 an permettait une diminution de l’IAH de 9,7 événements/heure et engendrait 3 fois plus de résolution de la maladie comparativement au groupe témoin. L’IAH initial et la perte de poids étaient les plus forts prédicteurs de l’IAH après 1 an, mais leur effet était modeste (42). La perte de poids réduit la pression sur les voies aériennes supérieures ainsi que la propension au collapsus (37).

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