Communication politique et récit
La communication politique comme recherche d’efficacité
Dans sa version instrumentale, la communication politique est un ensemble de moyens pour développer des dispositifs d’influence. Avec le marketing et les sondages, on peut dire que l’action publique en période électorale est une activité de rationalisation de la compétition. Cette rationalité est l’élément par lequel les acteurs publics optimisent leur efficacité pour s’attribuer des impressions de crédibilité. Dans ce qui suit, nous verrons aussi que la confiance se construit également par l’exploitation d’images. Nous ferons un point sur le rôle des images durant le rite électoral.
Le marketing politique
En politique, « être, c’est être perçu41 ». Par exemple, « lorsqu’un chef politique prend la pose en famille pour la couverture d’un hebdomadaire, il sacrifie, avec plus ou moins de bonne volonté, aux recommandations du marketing politique ». Mais c’est quoi le marketing politique ? Combinant un faisceau de techniques conciliables comme les sondages, les études de motivation, mais aussi les relations publiques et les médias, Michel Bongrand pense que ce type de marketing permet de vendre un élu comme on vend un produit. Il déclare : « L’homme politique est un produit étudié pour répondre aux attentes du plus large public. En créant une nouvelle offre susceptible de répondre à une demande informulée, on va s’efforcer de faire connaître et de reconnaître un produit par le consommateur en créant la différence avec le produit concurrent pour obtenir le meilleur profit à partir d’un investissement minimum ». Dans cette vision économique, l’enjeu est la création d’une image de marque qui est un ensemble de représentations « mentales », subjectives, stables, sélectives et simplificatrices, relatives à un signe distinctif, un mot ou un groupe de mots. Selon P.J Maarek , « s’il est parfois conçu en « décalque », en quelque sorte, de son homologue du secteur commercial, le marketing politique est doté d’une autonomie certaines qui lui vaut son domaine d’action ». Plus loin, il ajoute : « les utilisateurs du marketing politique doivent prendre en compte que le marketing politique ne peut-être une simple transposition du marketing commercial, qui lui est doté d’une sanction nette et précise : l’achat et l’usage de l’objet de consommation ». Enfin, il affine la distinction : « les évènements politiques sont souvent imprévisibles, alors que le consommateur l’est beaucoup moins ». D’après M. Bongrand, la démarche globale de cette technique est de suivre les préoccupations électorales du moment pour rassembler au maximum, et ce par cercles concentriques, afin de créer une dynamique collective. Pour cela, l’auteur nous conseille de passer par trois phases. Premièrement, il faut rassembler son camp et renforcer la fidélité des militants. Ensuite, par des thématiques au cœur de cibles spécifiques (et selon les conditions politiques), il est louable de jouer au centre pour rallier les électeurs indécis. Le « Pape du marketing politique » pense qu’une élection se gagne au centre de l’échiquier partisan. Dans un dernier temps, il préconise de faire douter les soutiens adversaires, « en montrant que si un tel promet la lune, il lui est impossible de l’apporter sur un plateau »
Les éléments du contexte
Une élection est un moment de revitalisation démocratique. Par le renouveau des ambitions et des projets, on redéfinit le lien entre les citoyens et leurs représentants. Pour cela, les spécialistes analysent le bilan de ceux qui sont au pouvoir. En effet, l’image des sortants est traditionnellement associée à la perception publique de leurs bilans. A l’aide des sondages, ce renseignement met en relief la conjoncture politique qui permet de dire si les gens souhaitent le changement ou la continuité. L’autre indicateur pris en compte pour évaluer le contexte, est le poids des organisations politiques dans le corps social. Pour cela, il semble intéressant d’identifier le degré de confiance accordée par les électeurs aux différentes formations partisanes. Ici aussi, les sondages donnent des informations intéressantes. Ils sont le thermomètre de la vie politique anticipant le jeu des rapports de force et leurs possibles conséquences. De plus, comprendre préférences partisanes qui traversent une société, c’est aussi comprendre les valeurs et les préoccupations dominantes qui circulent dans la société. L’identification de ces valeurs et de ces préoccupations est importante. Ces dernières sont des indices permettant de se positionner soit, selon le modèle de Columbia (par les variables sociales : âge, sexes, etc.), soit, selon le modèle de Michigan (traditionnelles fidélités partisanes). Toutefois, ces modèles doivent être nuancés. Pourquoi ? Parce que les frontières entre la droite et la gauche sont de moins en moins lisibles.
La stratégie de positionnement
Après avoir sondé les préférences électorales et les perceptions dominantes de l’air du temps, le marketing politique élabore un positionnement en créant des similitudes entre le candidat et des segments de croyances stratégiquement choisis. Le but de la manœuvre est de se démarquer et d’être lisible au milieu d’une cacophonie électorale. Plus simplement dit, un candidat doit pouvoir être identifié à travers une représentation simplifiée de la réalité, via un ou deux thèmes, pas plus. Le temps électoral est celui des généralités et « des caricatures ». Selon les lois de l’entropie, trop d’informations tue l’information. J. Gerstlé pense que la définition des positionnements dépend aussi d’« une mise en scène stratégique d’une identité57 ». A l’heure de la personnalisation politique induite par les médias et la Vème République, la construction de l’identité partisane est un travail de synthèse intègrant une représentation multifactorielle de la société. Dans la définition du positionnement, nous souhaiterions faire une remarque sur le couple sortant /challenger. Par exemple, lorsqu’un candidat est en situation de sortant, il est fréquent qu’il mette en valeur ses compétences et son expérience acquise durant son mandat. Pour cela, il justifie sa volonté de prolonger sa mission aux motifs qu’il maîtrise les dossiers engagés. Par contre, les candidats en situation de challengers définissent leur positionnement sur le changement. Pour les opposants, ce positionnement devient de plus en plus fréquent à chaque élection. Il est un élément qui pointe les insuffisances des responsables au pouvoir. A cet égard, il n’est pas rare d’entendre les challengers dire aux sortants que leur bilan « est insuffisant ». Souligner l’idée du « manque à gagner » est une astuce rhétorique invariable de l’opposition. Cette idée permet de marquer sa différence en diabolisant l’adversaire. En définitive, quelques soient les partis en lice, ces derniers cherchent systématiquement à se distinguer. Ils se comportent comme des entreprises vendant des marchandises en concurrence avec d’autres entreprises. Parmi celles-ci, l’électeur doit pouvoir différencier une offre plutôt qu’une autre. Anticipant le schéma de l’électeur rationnel, les entrepreneurs de la morale publique mettent en place des « stratégie de saillance » dans la définition de leur positionnement. Ils offrent « un plus » que les autres partis politiques ne sont pas censé offrir. « Ce plus » est un moyen de créer de la distinction, voire un sentiment de rareté et de « réenchantement ». On peut aussi créer de la distinction à travers une « stratégie de confrontation ». Dans ce cadre, on propose la même offre politique que l’adversaire. Mais celle-ci est présentée avec des propositions de règlements différents. Par exemple, on peut dire que l’on est pour une Constitution européenne et voter non au référendum au motif que l’on souhaite une Constitution différente que celle proposé par l’adversaire. Par ailleurs, la stratégie du positionnement dépend aussi de la temporalité électorale. Selon, J. Gerstlé une élection se découpe en cinq séquences qui supposent à chaque fois d’adopter un positionnement sensiblement différent. Dans cadre, au lieu de parler de stratégie de positionnement, il vaut mieux parler de tactique de positionnement. Contrairement à la stratégie qui est : « un ensemble d’actions coordonnées et de manœuvres en vue d’une victoire », la tactique est « un ensemble des moyens coordonnés que l’on emploie pour parvenir à un résultat ». Alors que la première renvoie à la finalité, la seconde relève plutôt des moyens pour surmonter des étapes qui mènent à la réalisation d’un projet.
1 er Partie : de la communication politique à la |