Comment sécuriser le parcours ville hôpital du patient ? Exemple des AOD
Pathologies chroniques et observance
La médecine a apporté un grand nombre d’innovations thérapeutiques permettant d’augmenter l’espérance de vie. Paradoxalement elle a entrainé l’augmentation constante de la survenue de maladies chroniques (3). Ces dernières sont des pathologies de longue durée (minimum de 3 mois), évolutives, détériorant la qualité de vie et souvent associées à une invalidité et des complications graves survenant plus rapidement si les facteurs de risques ne sont pas ou mal prévenus (4). Une pathologie chronique peut également être marquée de crises aigues, les décompensations, pouvant nécessiter une hospitalisation (5). De plus le vieillissement de la population est corrélé à la polypathologie. En France, près de 15 millions de personnes, soit environ un quart de la population, sont atteintes d’une maladie chronique et ont donc besoin d’une prise en charge de longue durée. Dans le monde entier, l’augmentation de la prévalence des maladies chroniques est un enjeu majeur de santé publique grandissant (3, 4). L’observance ou « adhésion thérapeutique » est au cœur de la prise en charge de ces maladies chroniques et la préoccupation autour de l’observance n’est pas récente .
Définition de l’observance
HAYNES et SACKETT définissent en 1979 l’observance comme étant « L’importance avec laquelle les comportements (en termes de prise de médicaments, de suivi de régime ou de changements de mode de vie) d’un individu concordent avec les conseils médicaux ou de santé » (8), ainsi la non-observance est l’absence de concordance entre les comportements des patients et les recommandations médicales (5). Le respect de ces dernières est primordial pour améliorer la santé du patient. L’efficacité thérapeutique d’un médicament dépend en partie de la régularité de sa prise. Un patient est considéré comme observant lorsqu’il atteint un seuil de prise de plus de 75 à 80% des médicaments prescrits, dans certains cas il faut également tenir compte de l’heure de prise ou de conditions particulières (9). De nos jours le terme observance est remis en cause vu qu’il reconnait de façon implicite une obéissance passive du patient aux recommandations médicales. Il est remplacé par l’adhésion thérapeutique qui permet l’apparition d’une participation active du malade dans le suivi de sa maladie et ses traitements (7). L’adhésion thérapeutique se définit comme le degré d’acceptation par le patient de la stratégie thérapeutique (10). Elle est associée à une mortalité diminuée presque de moitié.
La non-observance et ses conséquences
En France, plus d’un million de journées d’hospitalisations et 8000 décès par an sont provoqués par le nonrespect des thérapeutiques prescrites. Ce problème d’inobservance s’amplifie à mesure que la charge mondiale de maladies chroniques croit (11). En juillet 2003, il est constaté une mauvaise observance dans 15 toutes les situations imposant au patient de s’administrer lui-même ses médicaments, quel que soit le type de la maladie. Un rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) signale que dans les pays développés, le taux d’observance moyen des individus (toutes pathologies confondues) n’était que de 50 % et sûrement moindre dans les pays en développement (6). La mortalité a diminué mais le poids économique lié à la prise en charge des maladies cardio-vasculaires par exemple reste considérable. « L’observance insuffisante est la principale raison pour laquelle les patients ne retirent pas tous les bénéfices qu’ils pourraient attendre de leurs traitements. Elle provoque des complications médicales et psychosociales, baisse la qualité de vie des patients, augmente le développement des pharmaco résistances et induit un gaspillage des ressources. Ces conséquences directes empêchent les systèmes de santé dans le monde entier d’atteindre leurs objectifs sanitaires. » (6). La non-observance thérapeutique a des répercussions négatives très importantes sur le budget des soins de santé : coûts directs (traitements non utilisés, rechutes, hospitalisations induites) et coûts indirects (arrêts de travail). L’OMS affirme que « le respect des traitements prescrits entraînera une diminution significative des dépenses, grâce à la baisse du nombre des interventions, comme par exemple les hospitalisations plus fréquentes et prolongées, les soins d’urgence ou intensifs. » (6). Il y a donc beaucoup à gagner à promouvoir l’observance chez les patients atteints de pathologies chroniques pour leur éviter une perte de bénéfices immédiats et à long terme, améliorer leur qualité de vie et pour l’économie du système de santé au travers d’une réduction des dépenses « évitables » (5). Dans son rapport de 2003, l’OMS souligne l’avancée que représenterait l’amélioration de l’adhésion thérapeutique : « optimiser l’observance pourrait avoir un impact plus important en termes de santé mondiale que le développement d’avancée thérapeutique » (4, 12). L’observance représente donc un réel enjeu sanitaire et économique pour les systèmes de santé et est au cœur de la relation médecin-malade (13).
Les déterminants de l’observance
Favoriser l’observance est désormais une mission des soignants dans la prise en charge de malades chroniques qui nécessite d’identifier les déterminants sur lesquels le professionnel de santé et l’organisation du système de santé peuvent agir. La non observance est expliquée par des déterminants qui sont regroupés en cinq facteurs liés au patient, à la maladie, au traitement, au système de soin et aux facteurs socioéconomiques (7). Facteurs liés au patient Les comportements, connaissances et compétences du patient en lien avec sa maladie et ses traitements sont directement liés à ses capacités cognitives et ses croyances de santé (représentations personnelles) qui conditionnent grandement l’observance (14). De plus le sentiment d’auto-efficacité des patients, qui s’appuie sur les connaissances et compétences acquises, l’expérience du patient face à la maladie, ses 16 antécédents et l’interaction avec l’équipe soignante, influence l’observance. A cela s’ajoute les émotions du patient atteint d’une maladie chronique qui peuvent être des freins à l’observance thérapeutique avec en premier lieu la peur (peur des complications, des effets indésirables) ou la honte, le traitement apparaissant comme une stigmatisation. Le rôle des émotions, du ressenti est primordial dans l’observance thérapeutique (15). Le niveau d’anxiété et le statut émotionnel peuvent également provoquer un décalage entre l’information donnée par le prescripteur et celle reçue par le patient. La personnalité du patient, elle, influencerait la perception globale de son état et de son devenir possible dans la maladie chronique. Le support familial intervient aussi comme facteur d’amélioration ou du défaut d’observance (interactions des croyances ou connaissances avec celles du patient, situation familiale complexe). La stabilité familiale, le mariage, le partenariat et le soutien par les pairs auront un impact positif. Pour finir, dans les études, l’âge semble avoir peu d’effets significatifs sur l’observance, excepté l’adolescence et la personne âgée (16). La personne âgée peut en effet cumuler les obstacles : polymédication, troubles cognitifs, difficultés mnésiques, défaut d’élimination rénale ou hépatique des médicaments, et mauvaise tolérance des médicaments (17). Facteurs liés à la maladie Reach (15) propose un modèle de la maladie favorisant le manque d’observance : chronique, asymptomatique, sans gravité ou perçue comme telle par le patient (7). En effet dans les pathologies chroniques, les contraintes journalières médicales, psychologiques (perte d’intégrité, caractère irréversible) et sociales de la maladie, de son suivi et d’un traitement au long cours face au manque de perception de l’impact bénéfique dans l’immédiat du traitement, concourent à la lassitude des patients et au défaut de persistance thérapeutique (18). L’adhésion au traitement sera meilleure si le patient peut en vérifier immédiatement les effets bénéfiques. Facteurs liés au traitement La complexité du traitement (association de différentes formes galéniques, de conditions de prises (avec ou en dehors des repas)), le nombre de prises journalières, la forme galénique et la tolérance jouent directement sur l’observance (15). La non-observance croit avec l’augmentation du nombre de comprimés à prendre par jour (11). De plus le sentiment d’efficacité d’un médicament, sa voie d’administration, la durée et régularité du traitement, le coût, sa visée plus préventive que curative et l’interférence avec la qualité de vie conditionnent l’observance du traitement (15). L’observance a tendance à diminuer avec le temps. En effet la plupart des études s’accordent à dire que plus de la moitié des patients auront arrêté leur traitement dans la première année. Une diminution de l’observance a d’ailleurs été observée, lors de traitements prolongés, dès la 24e semaine (19)
PARTIE I : INTRODUCTION |