Comment Maîtriser la Timidité et le Trac

Le trac des examens

Les variétés de trac sont nombreuses. Nous allons passer en revue les plus fréquentes. Trac des examens tout d’abord. Bien peu de candidats y ont échappé. Rappelez-vous, timides, le calvaire des concours, la détresse infinie de tout l’être devant l’impuissance à rassembler les idées, à retrouver les souvenirs. A la première question, on voit le candidat pâlir, s’embrouiller dans les phrases les plus simp les, qu’il n’arrive pas à terminer. Un examinateur malveillant peut lui faire dire les sottises les plus invraisemblables. «Le Rhône se jette bien dans la Manche ?… — Oui Monsieur !» répondait un jour à un examen Anatole France intimidé.
Il arrive que le timide, pour masquer son trouble ou pour triompher, parle sans discontinuer, parfois avec brusquerie, et prend une attitude agressive. Il semble se moquer et indispose son examinateur, alors qu’au fond il a perdu tout contrôle.
Et vous, automobiliste, ancien aspirant au permis de conduire, évoquez vos souvenirs plus ou moins récents. Souvenez-vous de ce jour mémorable où, après une attente prolongée et une conversation qui roulait sur la sévérité de plus en plus grande de l’examen, l’ingénieur vous invita à prendre place près de lui. Vous qui étiez si fier de la façon dont vous aviez conduit les jours précédents, vous considériez ce jour-là avec anxiété tous les organes de manœuvre.
Jamais, au grand jamais, votre voiture n’avait possédé tant de boutons, de commandes, de pédales, de cadrans !
Essayons tout de même de partir !… Après quelques tâtonnements, on retrouve le bouton du démarreur.
Le démarreur tourne longtemps sans résultat… « – Vous avez oublié de mettre le contact…» Vous faites un bond brutal, et la voitu re s’immobilise… « – Il faut penser au frein à main…» Puis vous partez délibérément.., en marche arrière… Vous appuyez à fond sur l’accélérateur quand vous auriez voulu freiner. Vous calez votre moteur un certain nombre de fois, et l’ingénieur vous prie de vouloir bien repasser un mois plus tard, après avoir reçu quelques leçons supplémentaires. Et pourtant, quand vous étiez seul, tout allait si bien !

Le trac des artistes

Certains artistes – mais ils sont rares ceux-là tiennent à leur trac et le considèrent comme un élément nécessaire qui leur permet de développer au maximum toutes leurs qualités et de faire passer leur émotion jusqu’au plus profond de l’âme des spectateurs, tel Signoret, dont vous avez souvent applaudi le merveilleux talent.
A mes questions, Signoret répondit: «Le trac est une maladie qu’il faut avoir. Il faut plaindre les artistes qui ne l’ont pas. Voyez-vous, Monsieur, je pense que le trac est en corrélation exacte de l’importance qu’un artiste donne à son art. C’est vous dire que j’ai toujours eu le trac, que je l’ai encore, et que j’espère l’avoir toujours. Je ne regrette pas de souffrir un peu de cette terrible maladie qui, heureusement, n’est que passagère. Je ne le regrette pas car je bénéficie presque toujours d’une rapide et bienfaisante réaction qui me conduit vers le SUCCES».
Il est fort probable que Signoret n’a jamais connu le vrai trac, le trac qui fait bondir le cœur, coupe la respiration, rend aphone, fait un tr ou béant dans la mémoire. Mais il est un trac léger, une émotion presque inévitable qu’un bon artiste ressent au moment de paraître en public et qui, loin d’être nuisibles lui donnent une sensibilité plus vive, une compréhension plus poussée du rôle, et lui permettent de jouer avec plus de brio. L’acteur est comme grisé. Si donc le vrai trac est un désastre sur la scène, une certaine émotion doit être considérée comme utile et jamais nous ne chercherons à détruire cette émotion.
C’est sans doute ce premier degré de trac auquel Signoret fait allusion; dans ce cas je me déclare pleinement d’accord avec lui.
Edmée Favart, tout en souffrant du trac, en considère surtout le côté utile: c’est, sans qu’elle s’en doute, un moyen indirect de lutter contre lui.
«Le trac, dit-elle, maladie des débutants, pense le commun des mortels. Quelle erreur ! Il s’accroît au contraire avec la notoriété: plus no monte en grade, plus on en est la victime. La grande Sarah Bernhardt elle-même en a s ouffert jusqu’à son dernier jour. Ceci est très explicable: la responsabilité de la bataile étant réservée au général et non aux soldats».
«Ainsi que l’a enseigné Coué, on peut arriver à maîtriser le trac par l’éducation psychique. Pour ma part, je crois que nous devons subir ce divin supplice : il est un stimulant qui nous incite à mieux faire.»

Le trac des avocats et des conférenciers

Qui pourrait croire que des hommes bavards par tempérament et doivent chaque jour prendre la parole en public pour défendre la veuve et l’orphelin, sont sujets à des tracs particulièrement angoissants ? Et pourtant cela est.
On se rappelle Cicéron dans toute la possession de ses moyens, incapable de prononcer son discours le mieux préparé: la Milonienne.
«Il faut citer, dit Dugas, ce que maître Cléry raconte des émotions, des angoisses qui précédaient les plaidoiries des maîtres du Palais,émotions se révélant chez quelques-uns par de véritables souffrances physiques. Paillet» par exemple, le jour d’une affaire importante, s’en allant à pied au Palais, rasant les murs en construction, dans le vague espoir qu’une poutre mal dirigée lui casserait la jambe, en disant: «c’est ça qui serait un bon prétexte pour ne pas plaider !»
«Et Chaix-d’Est-Ange, dont la main tremblait si for t qu’il pouvait à peine se raser sans se mettre la figure en sang. Et Bethmont, que j’ai vu au moment d’aborder la barre pris de vomissements presque incoercibles…» Au Palais, on dit que Waldeck-Rousseau, avant de prendre la parole dans une affaire importante, éprouvait les affres du trac.
Notons encore la fréquence des débâcles intestinales de Sarcey, qui devait choisir, pour se rendre à sa conférence, un itinéraire qui uil permettrait de passer devant des maisons amies… Il est d’usage, paraît-il, d’indiquer aux prédicateurs qui vont faire un sermon dans une paroisse étrangère, la retraite où ils pourront donner libre cours aux conséquences de leur émotion.
Les conférenciers aussi peuvent avoir le trac, mais c’est en général un trac moins violent que celui des artistes. Cela se conçoit aisément: le conférencier ne fait que parler sans jouer, et en cas de défaillance, il peut toujours compter sur ses notes.
Le professeur Mosso nous fait, dans son livre La Peur, un récit pittoresque de son trac lors de sa première conférence : « Je me souviens toujours de ce soir, et je m’en souviendrai longtemps… Je regardais derrière le rideau d’une porte vitrée qui donnait dans le grand amphithéâtre bondé d’auditeurs… J’étais nouveau venu dans ma chaire, je me sentais humble et presque repentant de m’être expos é à l’épreuve d’une conférence dans ce même amphithéâtre où avaient parlé maintes fois mes plus célèbres maîtres.
«A mesure que l’heure approchait, ma crainte augmen tait ; j’avais peur de me troubler et de rester bouche béante et muet. Mon cœur battai t avec force; j’éprouvais l’angoisse de celui qui regarde au fond du précipice. Je voulus alors jeter un coup d’œil sur mon discours, et me recueillir. Mon effroi fut grand en m’apercevant que j’avais perdu le fil de mes idées, et que je ne parvenais pas à relier les fragments de mon discours. Les expériences que j’avais répétées cent fois, de longues périodes que je savais par cœur, tout s’était évanoui comme si je n’y eusse jamais songé.
«Cette absence de mémoire fut pour moi le comble de l’inquiétude. Je vois encore l’appariteur prendre le bouton de la porte et ouvrir, puis, la porte à peine ouverte, je sens un frisson dans le dos, et un bourdonnement d’oreilles, je me trouve enfin près de la table, au milieu d’un silence terrifiant. Il me semblait que j’avais fait un plongeon dans une mer orageuse et que, sortant la tête de l’eau, je me fu sse jeté sur un récif au milieu de ce vaste amphithéâtre».
«Mes premières paroles produisirent sur moi une singulière impression. Il me semblait que ma voix se perdait dans une immense solitude Où elle s’éteignait aussitôt émise. Après quelques paroles prononcées presque machinalement, je m’aperçus que j’avais déjà terminé mon exorde et je restai effrayé de ceque la mémoire avait pu me trahir à ce point, sur le passage où je me croyais le plus sûr; mais il n’était plus temps de retourner en arrière, et je poursuivis tout confus… L’amphithéâtre m’apparaissait comme un grand nuage».
«Peu à peu l’horizon s’éclaircit, et dans la foule je distinguai quelques visages bienveillants et amis sur lesquels mes yeux se fixèrent comme le noyé à une planche qui flotte… Puis, à côté, des personnes attentives qui approuvaient de la tête et rapprochaient leurs mains de l’oreille pour mieux cueillir mes paroles».
«Enfin, je me vois dans l’hémicycle, isolé, infime, chétif, humble, comme si je me confessais de mes fautes. La première et la plus vive émotion était passée, mais quelle sécheresse à la gorge et quelle flamme au visage !…
Comme ma respiration était entrecoupée et ma voix éteinte et tremblante! L’harmonie des périodes étaient souvent suspendue par une rapide inspiration, et j’arrivais péniblement à trouver assez d’haleine pour prononcer les dernières paroles qui achevaient ma pensée».
«Vers la fin, je sentis de nouveau le sang circuler , puis quelques minutes d’inquiétude s’écoulèrent encore; ma voix qui tremblait beaucoup, avait pris le ton persuasif de la conclusion, j’étais essoufflé et tout en nage. Les forces étaient sur le point de m’abandonner; en regardant les gradins de l’amphithéâtre, il me sembla que la gueule d’un monstre s’ouvrait peu à peu pour m’engloutir dès que j’aurais prononcé mes dernières paroles.»
M. Claretie connaissait également l’émotion. Elle se manifestait chez lui un peu avant de paraître en public, et atteignait son plus hautdegré pendant le court instant durant lequel le conférencier s’avançait pour gagner la table. A ce moment, les idées les plus absurdes, les plus illogiques, lui passaient par la tête. Il se demandait ce qu’il venait faire là, quelle était l’utilité de cette épreuve, s’il ne serait pas infiniment mieux chez lui, tranquillement installé dans son cabinet.
Chez certains conférenciers, l’émotion a pour effet de précipiter le débit à tel point qu’une conférence qui devait normalement durer une heure est terminée au bout d’une demi-heure, l’orateur faisant des coupes sombres dans certains passages, sans se préoccuper de la logique du développement.
D’autres vont jusqu’à supprimer complètement la conférence.
Assolant, revenant d’un voyage en Amérique, était un jour invité à faire une causerie, et il avait pris pour thème le titre de son livre «La Vie aux Etats-Unis». La documentation ne lui manquait donc pas. Il s’installe derrière sa table et commence: «Messieurs, dit-il d’un air assuré, quand on veut partir pour l’Amérique.., quand on veut y aller.., on prend l’avion…» «On écoutait, quelque peu interloqué, r apporte Sarcey. Tout à coup nous le vîmes ramasser ses papiers, son livre, se lever enpied, descendre de la chaire…» «Et moi je prends la porte, nous dit-il..»

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Le trac sexuel

Le trac sexuel est au point de vue médical n des plus importants, car il est souvent cause d’impuissance. Je vois fréquemment des malades qui se plaignent d’impuissance. Il n’y en a pas deux sur dix chez lesquels on puisse déceler une cause organique: presque toujours il s’agit d’un émotif qui, par l’effet d’une mauvaise disposition physique ou morale, n’a pu se montrer à la hauteur des circonstances. Cet échec l’a vivement frappé, et tout aussitôt l’idée d’impuissance l’obsède, le hante; par la suite, chaque fois que les mêmes circonstances se reproduisent, il se pose le point d’interrogation: «Comment vais-je me comporter aujourd’hui ?» ou «Pourvu que…».
Il est inquiet, angoissé, il ne peut s’empêcher de penser à l’échec possible. Plus il veut chasser l’idée, plus elle revient. La suggestion s’est implantée en lui et le torture.

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