Comment faire de l’histoire de la pensée économique ?
Point clé
Au-delà des définitions particulières que les différentes écoles de pensée ont pu donner de la discipline, la science économique partage avec l’ensemble des sciences sociales une interrogation générale sur la possibilité de constituer un ordre social sur un mode décentralisé.
Considérant que cet ordre social est d’abord un ordre économique, la science économique décline cette interrogation générale en un questionnement particulier sur le processus de formation des grandeurs économiques. L’histoire des réponses apportées à ce questionne-
ment peut alors se faire, soit à la lumière de l’état présent de la théorie économique (pour souligner le processus qui a conduit à sa constitution), soit du point de vue de son origine
(pour souligner la permanence des conceptions classiques et leur enrichissement progressif), soit de manière à éclairer les débats théoriques contemporains : l’histoire de la pensée économique est alors conçue comme un élément central du progrès des connaissances en économie.
1. L’OBJET DE LA SCIENCE ÉCONOMIQUE
La question même de la définition de l’objet de la science économique, du questionnement qui l’identifie comme discipline autonome, a reçu, dans l’histoire de la pensée, de réponses
diverses. Identifiée à une science des richesses à la période classique, elle se définira ensuite comme la science des choix individuels en univers de rareté. Au-delà de ces définitions particulières, la question commune qui rassemble les économistes est celle du processus de formation des grandeurs économiques. À son tour, cette question renvoie à l’interrogation fondamentale, et partagée, sur les conséquences sociales de l’individualisme.
a) À la période classique : l’économie politique, science des richesses
La période classique couvre le xix siècle (cf. fiche 9). Elle commence avec Adam Smith (Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776 : cf. fiche 13), se poursuit avec notamment David Ricardo (Des principes de l’économie politique et de l’impôt,
1817 : cf. fiche 14) et s’achève, à la fin du siècle, avec Karl Marx (cf. fiches 17 et 19) qui est, d’une certaine manière, le « dernier des classiques ». Les classiques sont donc des contemporains de la première révolution industrielle, du développement du capitalisme industriel, puis de ses crises dans la seconde moitié du xix siècle.
Leur interrogation principale concerne donc ce qu’on appellerait aujourd’hui le processus de croissance économique, c’est-à-dire processus d’accumulation des richesses
:il s’agit de s’interroger sur 1) les causes de la richesse (ce qui conduit à s’interroger sur le processus de production, le mécanisme de la division du travail et les mécanismes de l’échange) ; 2) sur sa nature (ce qui conduit à s’interroger sur la nature de la monnaie et les concepts de valeur et de prix);3) sur sa répartition (détermination de se revenus et mécanismes de la redistribution). En corollaire, ils s’interrogent sur les limites éventuelles que pourrait rencontrer ce processus d’accumulation des richesses, et ce notamment à l’occasion de l’analyse des crise et des cycles.