Comment faciliter le retour au travail après la survenue d’un cancer
INTRODUCTION
Chaque année en France, environ 100 000 personnes affectées par un cancer sont en situation d’emploi au moment du diagnostic.1 Il existe une amélioration de la survie des patients atteints de cancers. A la fin des années 2000, 94% des patients traités pour un cancer de la prostate pouvaient espérer vivre au moins 5 ans après le diagnostic contre 72% au début des années 1990. Ces chiffres étaient de 87% contre 80% pour le cancer du sein, de 17% contre 13% pour le cancer du poumon et de 63% contre 54% pour le cancer colorectal.2 Pourtant selon l’Institut National du Cancer (INCa), la situation professionnelle des personnes affectées par cette maladie s’est dégradée considérablement au cours de ces dernières années. Deux ans après le diagnostic, le taux d’activité de ces sujets en âge de travailler est passé de 88,2% en 2010 à 79,9% en 2012. De plus, comparé à la population générale, leur taux d’emploi est plus faible (61,3% versus 75,3%) et leur taux de chômage plus élevé (11,1% versus 10%). Parmi les personnes qui ont perdu leur emploi, près de 92% l’ont perdu dans les 15 mois qui ont suivi le diagnostic et parmi les personnes qui étaient au chômage au moment du diagnostic, seules 30% ont trouvé un emploi deux ans après le diagnostic.3 Le Plan cancer III 2014-2019 fait du retour à l’emploi une priorité et fixe pour objectif, d’ici 2020, d’augmenter de 50% les chances de retour à l’emploi deux ans après le diagnostic des personnes atteintes d’un cancer par rapport à celles n’ayant pas de cancer.4 De multiples études se sont intéressées au taux et au délai de reprise du travail de salariés après la survenue d’un cancer.5-13 L’employeur, les collègues et le médecin du travail sont a priori des acteurs clés pour favoriser le retour au travail dans de bonnes conditions d’un salarié longtemps absent pour un cancer.8,14-16 Toutefois ce dernier peut avoir un rôle à jouer dans son maintien dans l’emploi entant qu’acteur de sa santé au travail dans l’entreprise. A notre connaissance peu d’études se sont intéressées aux modalités d’implication du patient susceptibles de faciliter ce retour au travail.17 La présente investigation a pour but d’évaluer si la propre implication du salarié survivant d’un cancer dans la préparation de son retour au travail a un impact sur les conditions de sa reprise.
METHODE
Type d’étude et population
Une étude transversale a été conduite en 2013 dans le Sud-est de la France (région de Provence-Alpes-Côte d’Azur) auprès de travailleurs survivants d’un cancer âgés d’au moins 18 ans ayant repris une activité professionnelle dans les secteurs de l’industrie et du tertiaire. La participation à l’enquête a été proposée à la totalité des 55 médecins du travail d’un service de santé au travail interentreprises. Chacun des médecins devait inclure les sujets survivants, 7 au maximum, les ayant consultés et ayant repris le travail dans les 3 années antérieures. La participation à l’enquête des médecins était libre et anonyme. Le retour au travail a été défini comme une reprise à temps plein ou à temps partiel, avec les mêmes responsabilités qu’antérieurement ou moindre, sur un poste identique ou différent de celui précédemment occupé.18 Conception du questionnaire auto-administré L’auto-questionnaire a exploré les modalités du retour à l’emploi (5 items), les caractéristiques sociodémographiques et professionnelles (9 items), les caractéristiques médicales (9 items), les modalités d’annonce de la maladie au travail (20 items), l’interlocuteur auprès de qui des demandes de conseil ont été effectuées (7 items), les dispositions prises pour maintenir le contact avec le travail (26 items) et les modalités de reprise du travail (19 items). Ces questions ont été créées suite à la réalisation d’entretiens semi-directifs auprès d’un échantillon tiré au sort de travailleurs survivants d’un cancer. Ces entretiens ont été menés par une psychologue auprès de 6 travailleurs selon deux facteurs de confusion : le genre et la catégorie professionnelle (cadre, employé, profession intermédiaire). Les entretiens se sont focalisés sur l’impact de la maladie sur la vie professionnelle, le vécu de la maladie dans le contexte professionnel et les éléments qui facilitent le retour au travail. Le contenu des entretiens a été analysé en utilisant une grille de thématiques pré-identifiées puis revues par les membres du groupe de pilotage de l’étude pour s’assurer de la clarté et de la cohérence des questions. 5 Collecte des données L’auto-questionnaire et une lettre d’information ont été remis par le médecin du travail à chaque sujet inclus lors de leur visite de suivi médical. La participation des sujets était volontaire et anonyme, en accord avec la loi du 6 Aout 2004. La collecte de données a été déclarée à la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL; N° de déclaration: 1353422). Le questionnaire était à retourner de manière anonyme par voie postale à la psychologue coinvestigatrice de l’étude. Aucun rappel n’a pu être effectué compte tenu de l’anonymat. Procédure d’analyse des données L’analyse statistique descriptive a été réalisée avec le logiciel « Statistical Package for the Social Sciences » (SPSS) version 20. Les variables quantitatives ont été décrites en utilisant les moyennes et les écart-types, et les variables qualitatives ont été décrites par les effectifs et les pourcentages. Dans un premier temps, des analyses statistiques univariées ont été réalisées. Les variables qualitatives ont été comparées entre elles par le test du Chi2 de Pearson, les variables qualitatives et quantitatives ont été comparées par le test de Student. Dans un second temps, des analyses multivariées ont été conduites afin de contrôler les facteurs de confusion identifiés par des analyses univariées (p<0,2) et les variables fixes d’ajustement (genre, âge, vie en couple, groupe socio- professionnel, chimiothérapie). Une régression logistique a été utilisée pour les variables qualitatives à expliquer. La qualité d’ajustement du modèle a été estimée à l’aide du test de Hosmer-Lemeshow. L’odds ratio ajusté (ORa) et son intervalle de confiance à 95% (IC95%) ont été utilisés pour interpréter les résultats. Si l’IC95% contient 1, il n’y a pas de différence significative. Si l’ORa était >1 ou <1, la variable explicative est statistiquement plus ou moins fréquente dans le premier groupe. Plus l’ORa est éloigné de 1, plus l’effet du facteur est significatif. Les tests statistiques étant réalisés en situation bilatérale, les valeurs de p inférieures à 0,05 sont considérées comme significatives. Seuls les résultats afférents aux variables d’ajustement, aux facteurs de confusions et aux variables d’implication du patient statistiquement associés aux modalités de retour à l’emploi ont été reportés dans des tableaux
LISTE DES TABLEAUX |