Enquête sur la pratique des élèves
Le questionnaire
Afin de mieux connaître leur pratique individuelle de la photographie, leur pratique en matière de recherche de l’image, leur culture de l’image en photographie (droits, photographes), l’enseignement à l’image reçu en collège et en lycée, nous avons élaboré un questionnaire.
Le premier questionnaire a été soumis à une classe de Terminale L, en 2016 le deuxième questionnaire à une classe de Terminale S, en 2017. Cette deuxième classe a reçu une formation sur la recherche d’une image photographique dans le cadre de l’aide personnalisée.
Pour nous, il s’agissait de comparer les premiers résultats obtenus et d’essayer de voir si nous pouvions modifier les pratiques par un enseignement de l’image. Le premier questionnaire comportait 15 questions, le deuxième 20 questions. Nous interrogions ainsi l’évolution (ou non) de leurs pratiques de recherche de l’image. Le premier questionnaire a été réalisé avec l’outil Google forms. Sur les 16 élèves interrogés, seulement 12 ont complété le questionnaire intégralement. Le questionnaire a servi d’amorce au projet de l’année, consacré à la photographie. Dans le deuxième cas, le questionnaire a été complété surfeuille (les élèves n’ayant pas facilement un accès à internet), à la suite d’uneformation de 6h en Accompagnement Personnalisé, en octobre 2017.
En Terminale L, les élèves prennent tous des photographies. En Terminale S, sur 14 élèves interrogés, 11 seulement prennent des photographies. La phrase « tous les adolescents prennent des photographies » serait donc un cliché ? Elle est à nuancer. Pour ceux qui prennent des photographies, ils photographient en majorité leurs amis et leur famille, la nature et les paysages. Pour les deux classes les réponses sont les mêmes : à 42% leurs amis et leurs familles, à 42% la nature et les paysages, à 8% les monuments et à 8% eux-mêmes (selfies).
Pour ceux qui prennent des photographies, ils utilisent majoritairement leur téléphone sauf 3 élèves qui utilisent des appareils photo numériques.
Les seules limites citées, dans les 2 classes confondues, sont le droit à l’image, l’interdiction de certains musées et la luminosité. Ils avouent prendre du plaisir à prendre des photographies à l’exception de 2 élèves parmi les photographes. Pour ceux qui ne prennent pas de photographies : 2 n’aiment pas en faire et 1 répond que oui.
Le lieu de conservation de ces photographies est exclusivement numérique : l’ordinateur et la mémoire de téléphone sont les principales réponses, 2 élèves utilisent un disque dur, un élève utilise un service en ligne.
La dernière question de cette série visait à savoir si les élèves préféraient être le photographe ou le sujet de la photographie.
En Terminale S
Parmi les photographes, 8 préfèrent prendre des photographies, 3 avouent aimer être sur des photos, aucun ne mentionne les selfies en Terminale S.
Ceux qui n’en prennent pas, préfèrent y figurer selon 2 d’entre eux et le 3ème n’a pas répondu à cette question.
En Terminale L
16, 7% préfèrent être sur la photographie. Nous pouvons nous apercevoir que les réponses ne diffèrent pas quelle que soit la série à laquelle appartiennent les élèves.
Nous remarquons ainsi que la pratique selfie n’est pas une pratique surdéveloppée en Terminale comme nous aurions pu le penser à moins qu’ils ne l’avouent pas.
Nous voulions connaître leur représentation de la photographie. (Question 9)
En Terminale S, 12 élèves pensent que oui, la photographie est un document, c’est à dire 85% des élèves sondés (1 élève n’ayant pas répondu et 1 élève ayant répondu non).
En Terminale L, 83% des élèves considèrent la photographie comme undocument.
A la question 10, nous avons interrogé les élèves sur la recherche d’images.
En Terminale S, 12 répondent savoir chercher une image, 1 élève avoue ne pas savoir et un élève n’a pas répondu.
En Terminale L, 100% des élèves déclarent savoir chercher une photographie.
Par contre, la majorité des élèves ne recherchent des images que sur une seule ressource : Google images. En Terminale S, 10 élèves sur les 12 ayant répondu savoir chercher, utilisent Google image dont 2 disent maîtriser la recherche avancée. 1 élève cite la banque d’images 123RF. En Terminale L, 100% citent Google image.1 élève dit compléter ses recherches sur les forums de photographe également.
Peu d’élèves citent de noms de photographe, et quand ils répondent à la question ils ne donnent qu’un seul nom. En Terminale S, seuls 3 élèves ont répondu à la question : Robert Doisneau (2 élèves) Yann Arthus Bertrand (1 élève)
En Terminale L, 3 élèves ont répondu aussi. Les élèves ont cité :
Jacques Laguens (1 élève) C’est un photographe local, installé à Lézignan Corbières. Yann Arthus Bertrand (1 élève)
Une seule élève donne 3 noms de photographes : Henri Cartier Bresson,
Robert Doisneau et Robert Capa. Nous l’interrogerons à ce sujet. Elle est passionnée de photographie et d’histoire.
Nous pouvons en conclure que les élèves n’ont pas su dans leur parcours scolaire retenir 3 noms de photographes célèbres. La culture de l’image est encore à construire. Les résultats suivants le confirment.A la question : vous souvenez-vous de photographies étudiées en collège ou lycée ?
En Terminale S
4 élèves nous présentent les photos qui ont retenu leur attention :
La photo des brûlés de Napalm, en classe de seconde, une photo vue à Visa, au collège, en troisième et qui a été étudié en français, une photographie utilisée en TPE, en première, dans le cadre d’une recherche sur la cuisine moléculaire et enfin une photographie mettant en scène l’exécution de juifs, également étudiée en histoire.
En Terminale L, une seule photographie est citée deux fois mais les informations données ne permettent pas de l’identifier. Nous en retiendrons le thème : la frontière.
Nous les interrogeons à ce sujet. En histoire des arts, en 3ème, des films et des chansons ont été privilégiés. En cours, des photographies sont parfois montrées en illustration mais ne sont pas « vraiment étudiées ».
Ces résultats posés nous permettent de dresser le bilan des acquis des élèves en Terminale. Pour les élèves de Terminale S, nous pouvons mesurer l’impact immédiat d’une formation dans le cadre de l’AP. Il serait intéressant de savoir s’ils vont se souvenir durablement de ce qu’ils ont appris et donc des effets à long terme d’une éducation à l’image. Nous savons que la pédagogie est l’art de la répétition. L’éducation à l’image souffre d’un manque de répétition. Nous avons vu qu’elle est déjà très disséminée dans les apprentissages étant un enseignement transdisciplinaire, ce qui ne favorise pas une mémorisation pour l’élève.
Tous les élèves ont souligné l’importance d’une sortie à Visa et ont répondu que c’était une sortie indispensable. Ainsi, ils sont confrontés aux images photographiques.
Notre cours a eu pour objectif de les sensibiliser au droit de l’image, et au droit à l’image, aux droits d’auteurs et à leurs propres droits. Il s’agissait également de leur présenter des banques d’images éducatives et libres de droits pour leurs futurs travaux de recherches. Il est encore trop tôt pour être sûr qu’ils continueront à utiliser les banques d’images présentées, même s’ils répondent majoritairement oui aujourd’hui. Quant aux droits, seuls 7 élèves pensent que c’est une nécessité même après le cours. Ils écrivent « on vit très bien sans », « personne ne l’applique » « on faisait sans avant » « je ne regarde jamais les droits ». Cette question doit nous faire envisager de concevoir une véritable éducation. Mais peut-être devra-t-elle passer, d’abord, par une formation des enseignants.
L’étude des résultats laisse apparaître que les élèves font principalement leurs recherches d’images à partir du moteur de recherche Google images sans prêter attention aux droits d’utilisations. Ils ont peu de connaissances sur l’image photographique et peu d’élèves connaissent les propriétés d’une l’image. Ils ne savent pas retrouver les outils de l’image proposés par les logiciels de traitement de texte par exemple et ne savent pas non plus redimensionner une photographie. Nous avons essayé de déterminer leur savoir sur l’image photographique en fin de scolarité et nous avons mesuré l’écart avec les attentes énoncées par les universités pour construire le parcours que nous proposons dans ces travaux.
Enquête sur la pratique enseignante
Nous avons mis en regard les réponses des élèves de Terminales S et L, aux réponses de leurs enseignants de Première et Terminale. Nous avons conçu un questionnaire pour les interroger sur la place qu’occupait la photographie dans leur enseignement. Le questionnaire a été complété par chaque enseignant puis des mini-entretiens semi-directifs de 20 à 30mn ont été réalisés. Aucun professeur n’a souhaité compléter le questionnaire via le formulaire en ligne. Tous ont échangé sur leurs pratiques avec enthousiasme. Nous allons nous apercevoir que les déclarations des enseignants corroborent les propos des élèves. Les professeurs utilisent très peu de photographies dans leur cours. Ils nous ont expliqué pourquoi.
Comment définiriez-vous l’éducation à l’image aujourd’hui en lycée ?
Les résultats de l’enquête et les entretiens ont montré que les professeurs de langues : anglais et espagnol utilisent des photographies pour inciter les élèves à parler en langue étrangère. « A chaque début de séquence » nous confie la professeure d’anglais qui se dit consciente d’en utiliser « très voir trop peu par manque de temps ». Elle ne donne pas de chiffres précis contrairement au professeur de lettres classiques qui déclare en utiliser rarement, à raison de 2 ou 3 par an. En littérature, le professeur avoue n’en montrer aucune tout comme le professeur de philosophie. Alors que le professeur d’histoire en utilise beaucoup pourillustrer son cours, il ne précise pas en entretien, combien il en étudie par an. Leurs sources principales sont le manuel scolaire. Seul le professeur de lettres classiques répond utiliser des photographies personnelles faites lors de voyages scolaires. La professeure d’espagnol écrit ne pas savoir utiliser le numérique et internet pour chercher des images ailleurs que dans le manuel.
Tous les professeurs s’accordent sur un point : l’éducation à l’image est essentielle mais est un enseignement « pauvre » dans les programmes scolaires. La professeure d’anglais parle d’enseignement « majeur », les élèves étant très visuels. Pour la professeure d’espagnol, c’est « le lycée qui ne met pas assez en valeur cette éducation. ». Elle déplore le manque de moyens. En entretien et alors que seul le professeur de philosophie le souligne à l’écrit, tous déclarent « ne pas avoir les compétences requises pour analyser des photographies pour les transmettre aux élèves. ». Nous conclurons ce point sur les mots du professeur de philosophie avec qui nous avons essayé de modifier ce tableau en proposant une éducation à l’image photographique en heure d’aide personnalisée 2h par semaine pendant un an. « L’éducation à l’image est une nécessité pédagogique dans un monde de l’image. Eduquer les regards pour une perception critique afin de « vivre les yeux ouverts » (Descartes) ».
Une approche expérimentale dans un établissement scolaire
Nous avons choisi comme terrain d’expérimentation, le lycée dans lequel nous exerçons. Très vite, en posant le cadre de cette recherche, en définissant le CDI comme lieu d’observation et en répertoriant tous les sites de cette expérimentation (la médiathèque comme lieu de recherche annexe, le festival de Perpignan comme point de départ au projet) nous nous sommes aperçue que nous pouvions conceptualiser ce parcours d’éducation à l’image sous la forme d’un plan. Il nous est alors apparu clairement que nous cherchions à répondre à trois questions essentielles : Qui pourrait éduquer à l’image ? Où ? Et comment ? C’est à-dire dans quel dispositif pédagogique ? Nous avons donc choisi de présenter une grille de résolution du problème sous la forme d’un jeu de société, le Cluedo.
Un jeu pour répondre à l’enjeu
Poser le problème sous forme de jeu permettait de bien comprendre les différentes implications de tous les acteurs dans une éducation à l’image photographique, les enjeux et les leviers. En acceptant de réfléchir et de « jouer » la partie nous avons pu dresser un état de la situation de l’éducation à l’image photographique en France. Nous voulions répertorier les possibilités qui s’offraient au système éducatif français, expliquer le rôle des différents partenaires éducatifs aussi. Il nous fallait également simplifier et ordonner par typologies les actions réalisées sans tomber dans quelque chose de trop caricatural. Nous étions convaincus par les récents travaux sur la visualisation, et persuadés pour l’avoir essayé que le jeu offre une manière plus dynamique pour penser un problème. En effet, le jeu peut présenter une vision compréhensible en mettant simplement en lumière un point de départ, une action et son résultat. Nous avons fait le choix, pour toutes ces raisons, de retenir le modèle du célèbre jeu le Cluedo pour présenter le plus clairement possible nos recherches. Le jeu créé sur son modèle a été nommé Dé’CLIC. Il soulève des interrogations sur notre rapport à la photographie et trace des pistes pédagogiques.
Le terrain de recherche
Le plateau de jeu est le terrain d’expérimentation de cette thèse. Il a été conçu à l’échelle d’un établissement scolaire d’une ville moyenne. Nous y avons reporté les lieux dédiés à la photographie à l’intérieur de l’école sans oublier, une ouverture sur l’extérieur. Ce plateau pourrait être réalisé en plusieurs versions par exemple en prenant les principales villes accueillant des structures ou des festivals dédiés à la photographie. Nous pourrions également découvrir les différents réseaux existants à l’échelle d’un territoire en matière d’éducation à l’image. Ainsi, nous pourrions imaginer un plateau de jeu, version Perpignan et festival du photojournalisme, version Arles et les rencontres photographiques, version Paris et capitale de la photographie, mettant en valeur le BAL et la grandeArche … Nous avons essayé pour cette proposition de généraliser le plus possible le plateau de jeu afin de penser à une éducation à la photographie au collège et au lycée. Nous avons imaginé davantage l’intérieur de l’école, sans omettre l’ouverture sur la ville pour préparer l’élève à devenir un citoyen actif. Nous avons choisi six lieux : le CDI, comme lieu d’éducation à l’image photographique mais également comme lieu de ressources et d’accès aux ressources photographiques ; la salle de classe pour évoquer la place de la photographie dans les programmes, les cours des enseignants et les manuels scolaires. Deux salles de classes ont été voulues : l’une traditionnelle, montrant un enseignement magistral, une deuxième présentant des ordinateurs dans une disposition en ilots pour rappeler les pédagogies actives. La cour, accueillant la pratique des jeunes est un lieu important, étant le seul lieu où l’utilisation du téléphone portable est admise dans les règlements scolaires. Il peut également devenir un lieu d’exposition comme nous le verrons. Le bureau du directeur a, selon nous, une place primordiale pour encourager à la pratique et à la formation des enseignants.
Nous avons également souhaité faire apparaître un studio photo, qui pourrait se situer dans ou en dehors de l’école, pour mentionner les clubs photo. Enfin, le festival représente l’extérieur et les actions possibles hors de l’école : la fréquentation de musées, d’expositions permanentes ou non … Et enfin, bien que ce ne soit pas un lieu à part entière, a été ajouté un tableau, dans la cour, pour symboliser le tableau d’affichages ou l’intranet de l’établissement donnant à l’élève des informations sur les expositions, les festivals, les concours photos par exemple, ainsi que sur l’actualité photographique.
Le but du jeu et la problématique
Dans le jeu de société traditionnel du Cluedo, formé sur le mot « to clue » qui signifie « indice » en français, les joueurs doivent découvrir l’identité du meurtrier d’un crime commis dans un manoir anglais, le Manoir Tudor. Le jeu a été créé par Anthony et Elva Rosalie Pratt en 1943 et mis en vente en 1949 par Waddington Games. Dans notre version, nous avons imaginé de mettre à plat les différentes voies pédagogiques pour permettre une éducation à la photographie au collège ou au lycée. Ainsi, devons-nous résoudre le problème suivant, qui est la problématique majeure de ce travail de recherche :
« Qui aura le déclic d’apprendre aux élèves à lire l’image dans l’enseignementsecondaire ? Par quel outil ? Et où, cette « éducation à l’image » ou « parl’image » sera t-elle dispensée ? ».
Nous avons, comme le jeu l’impose choisi non pas les armes mais les outils decette éducation possible et les acteurs capables de la dispenser.