La peine est un « mal physique ou moral sanctionnant la violation de l’ordre d’une société déterminée et appliqué à l’auteur de la violation ou à d’autres personnes par une ou plusieurs personnes ayant qualité pour ce faire » (Société Jean BODIN, 1989).
Elle est définie par trois principes : la souffrance du délinquant, le mal imposé par l’autorité et l’objectif de la sanction. Ce dernier point inclut un double but : « la prévention spéciale » dont la finalité est d’éviter la récidive en sortant de détention ; et « la prévention générale » (Geogres KELLENS, 1991, p.21) pour dissuader la population non-délinquante d’agir à l’encontre des règles de vie en société.
Elle a un rôle de défense sociale contre le crime qui est contraire au concept du vivre ensemble. « La loi de défense sociale de 1930, modifiée par la loi du 1er juillet 1964, institue deux mesures spécifiques à l’égard de l’auteur de faits qualifiés crimes ou délits atteint de démence ou qui se trouve dans un état grave de déséquilibre ou de débilité mentale le rendant incapable du contrôle de ses actions » (Déviance et Société, 2010, p.615). D’un point de vue moral, la peine permet de guérir le « mal ». Aussi, elle doit être un ré-apprentissage de la vie en société, et ce depuis, les premiers instants de vie en groupe.
La peine au cours de l’histoire
La peine la plus ancienne est la peine de mort appliquée de manière différente selon les civilisations, notamment par lapidation chez les Hébreux, par empoisonnement chez les Grecs avec la ciguë, par pendaison ou décapitation chez les Romains… Certaines personnes ne craignant pas la mort, on a eu recours, par la suite, aux châtiments corporels avec, par exemple, le carcan ou le pilori au Moyen-Age. Les supplices étaient affligés en public dans l’intention d’intimider l’ensemble de la population pour faire régner l’ordre dans la société. Dans tous les cas le condamné mourait .
La peine privative de liberté devient une alternative à la peine de mort. Les personnes qui commettaient un crime, devenaient des esclaves notamment sur les galères. Précurseurs de l’emprisonnement-peine, les bagnes, situés généralement dans des contrées éloignées, permettaient la mise à l’écart des délinquants.
« La privation de liberté n’a pu devenir un instrument courant (…) que lorsque la liberté a été cotée très haut à la bourse des valeurs » (Robert ROTH, 1981, p.11). Dans un premier temps, à la fin du XVIIIe siècle, les prisons étaient réservées aux femmes et aux mineures ne pouvant accéder aux galères. Les hôpitaux servaient de lieux d’enfermement. Les philosophes des Lumières et notamment Cesare BECCARIA, ont pris conscience que la liberté était un bien essentiel et vital. De là, on pouvait se permettre de réguler la durée de la peine en fonction de la gravité du crime commis par le condamné.
Évolution de la prison en Belgique
En 1775, la prison-manufacture de Gand, mi école technique, mi prison pour les criminels, mendiants et vagabonds, fut le premier régime d’encellulement de nuit, combiné avec le travail de jour. A l’indépendance de la Belgique, Edouard DUCPETIAUX est chargé de la direction des prisons. À partir de 1844, il met en place une architecture avec le système cellulaire (M.S. DUPONT-BOUCHAT, 1988, p.1-27), qui servira sa volonté de considérer l’enfermement comme la réforme morale et l’amendement du prisonnier. Ce dernier aura le temps de se retrouver avec lui-même et expier ses fautes.
En 1920, la peine du détenu est individualisée, de manière à favoriser le bon déroulement de celle-ci. Par ailleurs, après avoir utilisé la main d’oeuvre pénale au service de la colonisation (transportation et relégation) pendant des années, le travail pénitentiaire n’a plus pour but de servir les colonies car il compromettait la méditation du délinquant le temps de son incarcération.
Dans les années 60, le problème émergeant est ce que Donald CLEMMER a nommé « la prisonisation » (Donald CLEMMER, 1958), c’est à dire l’acclimatation des prisonniers à l’univers carcéral. Plus généralement, l’objectif, à cette époque et encore actuellement, est d’humaniser la vie du détenu pour limiter la souffrance liée à la privation de liberté, qui à elle seule est déjà une peine.
Selon David GARLAND, « l’objectif premier de la peine est de réduire ou de contenir les conduites criminelles » (David GARLAND, 1990), mais il n’est pas, en tout cas plus d’actualité, d’écarter le délinquant de la société mais à l’inverse de le remettre dans le droit chemin. Cette évolution positive de la vie carcérale va pourtant avoir un effet néfaste sur la réinsertion des détenus dans la société à leur sortie.
Si la prison permet de punir un individu pour mauvaise conduite, elle doit également lui permettre d’en ressortir « propre ». Une fois sa peine purgée il a payé sa dette à la société. Il peut donc prétendre retrouver sa liberté et regagner une place dans celle-ci. C’est l’objectif ultime de tout à chacun.
Malheureusement, même si l’emprisonnement physique est temporaire, un sentiment d’exclusion persiste longtemps après la libération. Il y a un tel décalage entre la vie carcérale et la vie extérieure que la réintégration est d’autant plus difficile. Il y a une perte de repères, tant dans la vie professionnelle, que dans la vie sociale et aussi dans la vie familiale. En effet, le développement des prisons est souvent réfléchi de sorte que les délinquants soient mis à l’écart et ne puissent plus nuire. Mais on ne pense pas la prison comme un lieu de réapprentissage à la vie en société. C’est probablement une des causes des nombreuses récidives, quelques mois ou années plus tard.
À travers mon Travail de Fin d’Études (TFE), en lien avec ma formation d’architecte, je veux mettre en évidence, d’un point de vue urbanistique et architectural, les caractéristiques qui vont dans le sens et celles qui vont à l’encontre de la réinsertion des détenus dans la société.
Pour ce faire je tente d’apporter quelques éléments de réponses à la problématique suivante : Quelles relations lient le territoire et la prison et quelles en sont les enjeux humains ? Dans un premier temps, j’expose la méthodologie suivie pour le développement de mon TFE. Ensuite, je traite quatre thèmes, de l’échelle de la ville à l’échelle architecturale de la prison. Le premier thème présente la prison et la ville dans laquelle elle s’implante. Dans le second, j’évoque les échanges avec le monde extérieur. J’aborde deux parties que sont l’accessibilité et la mobilité, puis aussi la proximité des partenaires privilégiés (tribunaux, hôpitaux, police). Le troisième thème traite des abords de la prison. Et enfin dans le quatrième, je rentre dans l’enceinte de la prison pour en approcher le parcellaire et son architecture.
Ainsi pour la rédaction du TFE je me base sur ces quatre grandes thématiques. Ma réflexion est nourrit par les observations et les données que j’ai pu consigner dans les fiches comparatives. À la fin de chaque thème, dans un paragraphe « Essentiel à retenir », je rappelle les idées principales.
L’intention de mon TFE en répondant à la problématique énoncée est de dégager le rôle de l’architecte dans l’atteinte de l’objectif social de la peine.
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