L’isolation sismique par la base est une méthode efficace pour protéger les structures (par exemple, bâtiments et équipements) contre les effets adverses des séismes. Son principe consiste à découpler partiellement le mouvement de la structure de celui du sol par l’intermédiaire de divers systèmes de contrôle. Les solutions de contrôle passif (par exemple, des appuis souples en élastomère, pendule de frottement, etc.) actuellement utilisées dans l’industrie, et les solutions de contrôle semi-actif (par exemple, les amortisseurs visqueux à coefficient variable, réglé par l’ouverture/fermeture d’une vanne) font de nos jours l’objet d’études et de recherches. En particulier, ces derniers ont l’avantage de permettre à l’utilisateur de régler en temps-réel certaines caractéristiques de ces dispositifs et ainsi d’améliorer les performances dynamiques de la structure isolée. Employées conjointement, ces solutions de contrôle constituent les systèmes d’isolation mixte, qui sont au cœur de ces travaux de recherche.
Ce mémoire de thèse s’articule autour de trois parties. Dans la première, nous formaliserons un problème de contrôle semi-actif ayant pour cible l’amélioration du spectre de plancher, qui constitue notre unique critère d’évaluation de performance. En effet, le spectre de plancher est une donnée clé permettant de caractériser l’entrée sismique ainsi que son effet dommageant sur les structures.
Ce problème de contrôle semi-actif est issu de la pratique courante et d’un besoin spécifique de l’ingénieur en génie parasismique. Par ce choix particulier, on se place dans la continuité des travaux de recherche de Politopoulos et Pham, 2011. La principale difficulté sera de concilier deux objectifs : (i) réduire les déplacements relatifs au niveau de la base de la structure isolée, mais aussi (ii) réduire les accélérations absolues au niveau des étages supérieurs, ce qui induit une réduction des efforts au niveau des équipements placés à l’intérieur de la structure isolée. Ces demandes peuvent être exprimées qualitativement à l’aide du spectre de plancher, et se trouvent en conflit l’une par rapport à l’autre si l’on utilise des moyens de contrôle passif (largement répandues en industrie). D’où l’intérêt scientifique dans nos travaux d’utiliser des dispositifs plus sophistiqués comme les dispositifs semi-actifs, et de vérifier que ceux-ci contribuent à améliorer les performances dynamiques pour l’isolation des structures. Après avoir décrit le problème nous dressons un état de l’art qui couvrira notamment les travaux de recherche des communautés scientifiques du contrôle de structures et du génie parasismique en lien avec notre problème. Notamment, une rétrospective des diverses méthodes de synthèse de lois de commande est effectuée et les résultats sont classés chronologiquement dans des tableaux. Ces derniers permettront dans un deuxième temps de justifier notre propre approche du problème de contrôle comparée à celle de la littérature .
La deuxième partie est dédiée à la modélisation. Nous présenterons successivement:
(i) des modèles réduits de structures à n degrés de liberté. Nous exposerons en détail plusieurs façons de représenter leur dynamique, à partir des coordonnées physiques et des coordonnées généralisées ou modales, par rapport aux repères relatif (i.e., non inertiel) et absolu (i.e., inertiel). Au vu du problème de contrôle, il y a un intérêt certain quant à utiliser les coordonnées généralisées ou modales pour pouvoir influencer localement, autour de chaque fréquence propre de vibration de la structure isolée, l’allure des spectres de plancher. En particulier, pour les structures à n = 2 degrés de liberté, nous détaillerons deux types de système d’isolation mixte dont : (A) la partie semiactive sera constituée d’un amortisseur à coefficient variable (qui définira la loi de commande dans le chapitre suivant) , tandis qu’ils différent au niveau de (B) la partie passive, composée soit d’appui en élastomère, soit de pendule de frottement. Plus précisément, la partie passive diffère par le dispositif de dissipation d’énergie qui sera soit un amortisseur fixe, soit un patin à frottement sec. Ce dernier introduira des non-linéarités dans la dynamique du système.
(ii) des modèles de signaux sismiques artificiels. Une méthode stochastique connue, Gibert, 1988, §20.5.6, est utilisée pour générer des signaux à partir d’un spectre de sol donné. Ensuite, deux méthodes déterministes de génération des fonctions de base seront exposées : la première famille de fonctions de base est constituée de signaux monochromatiques mis dans une enveloppe gaussienne, tandis que la seconde famille sera constituée d’une famille de signaux, solutions de l’équation différentielle partielle de l’onde. En sommant un nombre fini de ces fonctions de base paramétrées, il est possible d’approcher des signaux issus d’événements sismiques naturels historiques. Les deux types de modèle déterministe ont une propriété intéressante pour l’automatique : leur dynamique peut être décrite par des systèmes d’équations différentielles ordinaires facilitant leur intégration dans la construction de lois de commande par l’augmentation du vecteur d’état et du système contrôlé. Afin de se familiariser avec les outils d’analyse temps-fréquence, et notamment la distribution de Wigner-Ville (DWV) très connue dans le domaine du traitement du signal, mais très rarement utilisée en automatique et en génie parasismique, nous avons effectué l’analyse de plusieurs signaux sismiques naturels et artificiels. L’interprétation directe des résultats illustrés dans le plan temps-fréquence est difficile, notamment à cause des termes d’interférence. Nous verrons que ces derniers peuvent être réduits par le calcul de la DWV à partir du signal analytique et par la convolution dans le plan temps-fréquence avec des gaussiennes.
Après la modélisation, la troisième partie est consacrée à l’étude de schémas de contrôle. Partant des travaux de Kelly et al., 1987 qui proposent une méthode de contrôle actif sur des systèmes d’isolation mixte au niveau de la base (il s’agit d’un des premiers articles sur ces problématiques), notre contribution a été de reprendre le cadre mathématique et de l’adapter pour résoudre des problèmes de contrôle semi-actif. Dans un premier temps, nous avons effectué un travail théorique concrétisé et formalisé par un théorème de contrôle robuste non linéaire. En utilisant une version modifiée de la loi de commande de Leitmann et de ses collaborateurs, Leitmann, 1979, Corless et Leitmann, 1981, nous avons vérifié deux propriétés souvent étudiées en automatique pour ce type de problème, à savoir uniform boundedness et uniform ultimate boundedness. Puis, nous avons montré qu’il est possible d’exprimer une borne sur le spectre de plancher, par deux corollaires. Ce ne sont pas des outils directement applicables par l’ingénieur : les résultats concernant les bornes sur les variables d’état (i.e. boules dans le plan de phase) et celles des spectres de plancher sont calculés et garantis dans les cas les plus pessimistes en termes d’incertitudes à la fois sur le modèle mais aussi par rapport aux perturbations (à savoir le signal sismique) ; ainsi ce résultat est très conservatif, calculé avec des hypothèses très pénalisantes. Après avoir détaillé ce travail théorique, nous en présenterons une application. Les outils de la théorie des vibrations, dont notamment la décomposition modale, sont utilisés afin de :
(i) définir les variables d’état du système, et (ii) calibrer astucieusement les paramètres de la loi de commande reprise du théorème proposé, ceci afin de pénaliser la contribution de chaque mode de vibration au mouvement total de la structure. Les résultats de simulations sur des modèles réduits à 2 degrés de liberté et utilisant les signaux artificiels montrent des améliorations sur les spectres de plancher par rapport aux dispositifs passifs.
Cette dernière partie s’achève par une tentative d’étendre la méthode de synthèse de lois de commande linéaire optimale (LQR, en anglais), très connue en automatique, par l’utilisation de fonctions coût définies en temps-fréquence. Les propriétés d’intégrales marginales de la DWV permettent de généraliser les critères quadratiques habituels utilisés comme des fonctions coût. Initialement, cette étude a été motivée par une meilleure prise en compte des caractéristiques transitoires des signaux entrée-sortie de systèmes dynamiques. Par un calcul théorique et numérique, il est possible d’illustrer le fait que ces fonctions critère sont non convexes et qu’elles possèdent plusieurs minima locaux, qui imposent un travail de régularisation supplémentaire non présenté dans ce manuscrit.
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