Cohérence macroéconomique
Après avoir présenté le circuit, objet supérieur organisant les interactions entre les agents (section 5.1), nous montrons comment l’approche comptable matricielle développée par Godley et Lavoie peut être utilisée pour vérifier la cohérence macroéconomique du modèle (section 5.2).Nous reprenons alors, selon un ordre chronologique, chacune de ces interactions pour vérifier pas à pas qu’elles s’inscrivent toutes dans un ensemble comptable co-hérent (section 5.3).
Enfin, nous nous interrogeons sur les conséquences de cette cohérence macroéconomique sur la complexité du système modélisé (section 5.4).Sa structure reproduit la structure séquentielle du circuit post-keynésien classique— dont on a vu qu’il est généralement décrit comme une succession d’opérations à la façon d’un algorithme ou d’un programme informatique 1. Comme dans le circuit post-keynésien, l’initiative est donnée à tour de rôle aux agents des différents secteurs pour l’accomplissement d’une tâche donnée. La succession des opérations au sein de la période se traduit par un enchaînement de flux réels et monétaires entre les secteurs. Le problème est que, dans un modèle multi-agents, les agents d’un même secteursont supposés agir en parallèle.
A un instant t, chaque agent examine le niveau de ses variables d’état, décide de ses actions, et agit en conséquence sur son environnement. L’environnement est modifié par l’ensemble des actions simultanées des agents et rétroagit sur l’état de chaque agent à l’instant t + 1. Le problème est qu’un ordina- teur classique fonctionne de façon séquentielle et non parallèle 2.
Par conséquent, le parallélisme des actions des agents ne peut être que simulé : pour chaque action à effectuer par une classe d’agents, le modèle consulte la liste de ces agents, appelle Lorsqu’il n’y a pas d’interaction entre les processus, cela ne pose aucun problème : par exemple au moment de la production, l’entreprise va appeler ses employés les uns après les autres et de façon séquentielle les employer à l’avancement de différents processus de production, à la fin de la période de production le résultat sera le même que si tous les processus avaient réellement été avancés simultanément (pseudo- parallélisme ).Cependant, dès qu’il y a interaction entre les processus ou entre les agents sensés agir en parallèle, ce n’est plus pareil. L’ordre dans lequel on effectue les tâches est susceptible de jouer un rôle important et d’influer sur les dynamiques. C’est particulièrement le cas sur les marchés.
Ainsi, les acheteurs se présentent séquentiellement sur le marché des biens pour consulter les offres des vendeurs. Les acheteurs qui se présentent les premiers sont avantagés : ils pourront choisir les meilleures offres. Si ce sont toujours les mêmes qui se présentent les premiers, cela est susceptible d’introduire un biais important dans la dynamique du marché.La première des solutions à ce problème est la solution walrasienne, avec un commissaire-priseur chargé de confronter les offres et les demandes multiples et de les réconcilier avant toute transaction. Une fois trouvé le prix unique qui assure l’apurement du marché, peu importe alors l’ordre dans lequel seront effectuées les transactions.
Le diagramme de séquence de la figure 4.1 (page 85) permet de situer au sein de cette période les phases d’activité des différents groupes d’agents. Les rectangles situés le long des « lignes de vie » des secteurs des ménages et des entreprises re- présentent des blocs de contrainte budgétaire, la somme des flux sortant d’un bloc étant égale à la somme de flux entrant. Toutefois, parce qu’il est centré sur les flux monétaires, ce diagramme est insuffisant pour donner une description complète de la façon dont l’activité des agents des différents secteurs s’insère de façon cohérente dans le déroulement de la période du circuit.
Il est possible de considérer le circuit lui-même comme un automate, comme une « machine à état » dotée d’un comportement définissant les transitions d’un état à un autre. A tout instant l’état du circuit peut être caractérisé par le niveau des stocks de monnaie, de dettes et de marchandises détenus par les agents qui le composent. Une représentation de cet état peut être donnée en faisant la somme des stocks des agents de chacun des secteurs. Pareillement, une représentation des transitions d’un état à un autre peut être donnée en sommant, au niveau de chacun des secteurs, les flux réels et monétaires qui accompagnent les interactions entre les agents. Par là, nous rejoignons l’approche comptable « stocks-flux cohérente » développée par Godley et Lavoie (2007).