COFER : évaluation du recours aux coupeurs de feu en radiothérapie en tant que soin oncologique de support
Généralités Sept entretiens semi-dirigés ont été menés de septembre à octobre 2020
La saturation des données avait été obtenue. Six entretiens ont été réalisés par visio-conférence, et un en présentiel. Ils ont été enregistrés avec accord et intégralement retranscrit manuellement. Les sept onco-radiothérapeutes (nommés de A à G) présentaient des profils variés. Leur âge allait de 33 à 75 ans, l’un des onco-radiothérapeutes n’avait plus d’activité clinique (G), et un autre avait un titre universitaire (D). Ils exerçaient dans différents types de structure : centre ESPIC, hôpital public, clinique privée. L’un des enquêtés (G) avait eu une activité de sénologie exclusive, sinon, le reste des interrogés était spécialisé dans plusieurs localisations. Relation aux soins oncologiques de support (SOS). Concernant la pratique des SOS, ou la gestion des effets indésirables, plusieurs interrogés (C, D, F et G) considéraient cette pratique comme inhérente au métier d’onco-radiothérapeute, avec la notion de responsabilité de l’onco-radiothérapeute vis-à-vis de cette tâche. Cependant, des évolutions de la spécialité interfèreraient désormais avec cette gestion. Plusieurs interrogés opposaient la pratique actuelle à celle qu’ils avaient apprise autrefois. Les raisons de cette évolution semblaient être : – L’émergence de certaines spécialités techniquement axées sur la gestion des toxicités liées aux traitements. – La diminution du temps alloué à la prise en charge globale des patients – La technicisation de la spécialité de radiothérapie C « Alors, je me suis adaptée à l’évolution de la médecine. Mais ma culture au départ était de tout prendre en charge quand j’ai fait mes premières années de médecine. » C « J’ai progressivement délégué parce qu’il y avait un service de soins externes tout simplement. Et puis aussi la douleur aux soins de support effectivement. » A « quand il y a une douleur neuropathique, moi j’aime bien adresser. Une douleur neuropathique mal soulagée par le Lyrica, j’envoie directement voir le médecin de la douleur. »C « On n’a plus le temps de tout ça, et c’est aussi à ça que sert cette médecine dite des soins de supports, ou de médecine alternative, tout ce qui est dans le Care, dans l’intérêt pour le patient. » F « On n’a plus le temps trop de s’occuper de nos patients je pense que ça vient peut-être un peu de ça aussi »C « Il y a le point de vue du médecin qui lui aussi est un petit peu… qui trouve que son métier est un peu trop technique, qui est en train de se perdre un peu dans un manque d’humanisme… La relation de soins sans humanisme c’est… une chose affreuse quoi. »Certains onco-radiothérapeutes avaient trouvé des alternatives pour garder la main sur la gestion des toxicités liées aux traitements, mais de manière plus indirecte : – Par l’établissement de protocoles de prise en charge des effets secondaires – Par l’organisation des unités de prise en charge Les SOS étaient familiers pour les onco-radiothérapeutes qui sont habitués à la gestion des toxicités de leurs traitements. Il en irait de leur responsabilité. Cependant la gestion des toxicités par l’onco-radiothérapeute aurait subi des évolutions. Il se dégagerait deux attitudes en conséquence : une sorte de résignation ou au contraire, une volonté de garder la main sur cette part du métier, en réinventant la prise en charge de ces toxicités (Figure 1). D « nous avons un projet, déjà bien avancé de plateforme commune soins de support entre oncologie médicale et radiothérapie. » F « C’est le service spécifique pour gérer les toxicités que j’ai créé. C’est à dire que le patient, s’il a par exemple de la radiothérapie avec du cisplatine, après il est en ambulatoire donc c’est nous qui sommes en première ligne s’il y a un problème. » G « Dans notre établissement, on a établi pour chaque type d’irradiation, pour chaque traitement en cours, des procédures de prise en charge des effets secondaires. Des diarrhées, des effets secondaires cutanés… Tout ça, on l’a protocolisé. »
Concernant les Pratiques Non Conventionnelles à Visée Thérapeutique (PNCVT) Pratique conventionnelle
La définition des pratiques non conventionnelles débuterait d’abord par celle du terme « conventionnelle ». A travers les discours des enquêtés, cette définition était complexe. L’un des enquêtés a fait appel à la notion de « bon sens », et la confiance dans ce qui nous a été transmis. Les éléments qui ressortaient pour la caractériser étaient les fondements scientifiques : l’Evidence Based Medicine (EBM), la présence d’une technique et d’une formation pour la transmettre, existence d’un rationnel scientifique. F « Le bon sens est-ce qu’il y a de mieux réparti chez tout le monde. Le seul problème c’est que les gens ne savent pas l’utiliser. Citation de Descartes. » F « Parce que vous faites confiance à vos maitres…à vos pères qui vous ont appris, parce que c’est fondé sur des résultats très précis. Il y a l’empirisme, bien sûr, il y a aussi la preuve de son efficacité sinon on arrêterait de faire radiothérapie on ferait charmeur de feu, ce serait très bien E « Je pense que pour les patients, ce qui doit rentrer à l’hôpital, ce qui doit se faire à l’hôpital, ce sont des choses prouvées scientifiquement. » F « … et qu’on doit apprendre cette technique. » A « Pour moi il faut aller plus loin, car il faut trouver une origine organique quand même, même si ça renforcera l’intérêt de la technique pour moi. Mais pour moi il faut vraiment qu’il y ait une explication plus organique. » Certains enquêtés ont défini les pratiques conventionnelles par des exemples. Le soutien psychologique a été cité par plus de la moitié des enquêtés. Pourtant, la validation du soutien psychologique organisé n’a jamais été prouvée par l’EBM. Les autres soins conventionnels cités étaient les soins infirmiers, les médicaments, les compléments nutritionnels (après documentation d’une carence biologique), et le recours à une diététicienne. A travers ces exemples, on peut trouver comme définition de conventionnel ce qui est courant, ce qui fait partie du paysage médical habituel. La figure ci-dessous résume la définition de qui ressortait du terme « Pratiques conventionnelles » dans le discours des enquêtés (Figure 2). Figure 2. Définition de « Pratiques conventionnelles ». C « Ce sont les médicaments et les… » A « La psychothérapie. Pour moi, le soutien psychologique fait partie de nos traitements, pour moi c’est conventionnel. »
Définition des PNCVT
Le premier abord de la notion de PNCVT était relativement peu familier pour l’ensemble des enquêtés. Les discours marqués par beaucoup d’hésitations soulignaient une pensée peu claire sur la définition du terme. Un des enquêtés a d’ailleurs refusé de répondre, la terminologie étant trop floue. Un enquêté cependant avait un discours plus fluide, s’étant déjà interrogé sur la question. Plusieurs enquêtés ont pointé du doigt le fait que la terminologie propre aux PNCVT est souvent confuse, et induirait une désinformation. En effet, le terme thérapie induirait l’idée de traitement, c’est-à-dire qu’elle serait mise au même plan que les traitements médicaux « conventionnels » et validés sur le plan scientifique. Thérapie serait alors une sorte de « fourre-tout » de ce qui peut faire du bien. De même le terme « alternative » sousentendrait une possible substitution au traitement conventionnel, qui mettrait également une pratique non validée au même plan qu’une pratique validée sur le plan scientifique. Si l’on abordait la définition des PNCVT comme des « thérapies non conventionnelles », une première approche se dessinait comme une sorte de panier « fourre-tout » réunissant les soins ne faisant pas partie du paysage médical habituel. A « Tout ce qui n’est pas médicament, et tout ce qui n’est pas du soutien psychologique. », F « toutes techniques pour lesquelles il n’y a pas de formation » A « Ce qui est techniquement non prouvé par la science » D « Et par non conventionnel, je dirais non adoubé par la fac de médecine ». F « Oui, parce que sinon, tout est une thérapie. Aller jouer aux boules c’est une thérapie aussi. Ben oui, mais ça peut être très efficace d’aller jouer aux boules. Mon patient qui jouait à la belote lui, très efficace. Donc on ne peut pas appeler ça une belote-thérapie! C’est un peu… Donc voilà, donc les gens ils mettent « thérapie » ça fait classe. Ça donne une validation médicale. » D « Je n’aime pas vraiment le terme « alternative », car il laisse à penser que ces thérapies pourraient se substituer aux traitements conventionnels. Je préfère le terme complémentaire, car ces thérapies viennent s’ajouter à la prise en charge psychologique, diététiques, qui sont déjà validées. » D « C’est un sujet qui m’intéresse donc j’y ai déjà pas mal réfléchi. » C « J’ai entendu parler des techniques alternatives, oui, mais ce terme, non. ».
INTRODUCTION |