CLÉS POUR COMPRENDRE LES MATHS

Zéro

Tout petits, c’est d’un pas mal assuré que nous faisons notre entrée au pays des nombres. On nous y apprend que le 1 occupe la première position dans « l’alphabet des nombres », et qu’il est suivi de 2, 3, 4, 5… Les nombres ne servent à rien d’autre qu’à compter des choses réelles telles que des pommes, des oranges, des bananes, des poires. Ce n’est que bien plus tard que l’on apprend à compter le nombre de pommes dans une boîte lorsque celle-ci est vide.
Les Grecs de l’Antiquité eux-mêmes, qui ont pourtant permis l’avancée prodigieuse des sciences et des mathématiques, et qui se sont illustrés par leurs prouesses dans le domaine de la technologie, ne disposaient d’aucune méthode efficace pour compter le nombre de pommes dans une boîte vide. Ils n’ont pas réussi à donner un nom au « rien ». Les Romains avaient quant à eux une façon très particulière de combiner I, V, X, L, C, D et M. Mais qu’en était-il du 0 ? Ils ne comptaient pas le « rien ».
Comment le zéro est-il parvenu à se faire accepter ? L’utilisation d’un symbole pour désigner « le néant » remonterait à des milliers d’années. La civili-sation Maya qui occupait le Mexique actuel employait le zéro sous différentes formes. Un peu plus tard, l’astronome Claudius Ptolémée, influencé par les Babyloniens, uti-lisait un symbole proche de notre 0 pour marquer une position dans son système de numération. En tant que marqueur de position, le zéro pouvait servir à diffé-rencier des nombres tels que 75 et 705 par exemple, sans avoir besoin de se référer au contexte comme le faisaient les Babyloniens. C’est un peu comme la « virgule » dans le langage écrit : tous deux nous permettent de « lire » la bonne signification. Toutefois, de même que l’utilisation de la virgule est accompagnée d’un ensemble de lois, des règles sont nécessaires pour bien utiliser le zéro.
Le mathématicien indien Brahmagupta au viie siècle de notre ère, pour qui le zéro était un « nombre » comme les autres, avait fixé des règles pour l’utiliser. Selon l’une d’elles, « la somme d’un nombre positif et de zéro est positive » et « la somme de zéro plus zéro est égale à zéro ». En considérant zéro comme un nombre et non pas seulement comme un marqueur de position, il était en avance sur son temps. Le sys-tème de numération indo-arabe dans lequel le zéro était utilisé comme un nombre fut diffusé en occident par Léonard de Pise, plus connu sous le nom de Fibonacci, chronologie 700 av. J.-C. 628 av. J.-C.
Les Babyloniens utilisent le zéro en tant que marqueur de position dans leur système de numération.
Brahmagupta utilise le zéro et fixe des règles pour l’utiliser avec les autres chiffres dans son ouvrage intitulé Liber Abaci (Le Livre des abaques) qu’il publia en 1202. Élevé en Afrique du Nord et formé à l’école arithmétique indo-arabe, il reconnaissait tout l’intérêt qu’il y avait à utiliser le signe supplémentaire 0 en combinaison avec les symboles indiens 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9.
L’introduction du zéro dans le système de numération posa un problème que Brahmagupta n’examina que rapidement : comment fallait-il traiter cet « intrus » ? Il esquissa une solution, mais les expédients qu’il proposait étaient vagues. Comment faire pour réellement intégrer le zéro dans le système arithmétique exis-tant ? Certains ajustements étaient simples. Tant qu’il s’agissait d’additionner et de multiplier, 0 s’intégrait parfaitement, mais les opérations de soustraction et de divi-sion s’entendaient mal avec « l’étranger ». Des simplifications étaient nécessaires pour permettre au 0 de s’accorder avec l’arithmétique pratiquée à l’époque.
Comment fonctionne le zéro ? Les additions et les multiplications avec zéro sont simples et ne donnent pas lieu à contestation. Si 0 vient s’ajouter à 10, on obtient 100, mais « ajouter » doit être pris ici dans un sens purement numérique. additionner 0 à un nombre le laisse inchangé alors que multiplier 0 par n’importe quel nombre donne toujours 0. Par exemple, on a 7 + 0 = 7 et 7 × 0 = 0. La sous-traction est une opération simple qui peut cependant donner des nombres négatifs, 7 – 0 = 7, et 0 – 7 = – 7, alors que la division avec 0 est source de difficultés.
Imaginons qu’il nous faille mesurer une longueur donnée avec une règle. Supposons que cette règle est de sept unités de long. Nous voulons savoir combien de règles nous pouvons mettre bout à bout pour effectuer notre mesure. Si notre longueur est de 28 unités effectives, la réponse est 28 divisé par 7 ou, avec les symboles mathé-matiques, 28 ÷ 7 = 4. On préfère noter cette division sous la forme 287 =4
On peut alors effectuer un « produit en croix » et l’on obtient la multiplication 28 = 7 × 4. Que faire maintenant de 0 divisé par 7 ? Pour faciliter notre travail, appelons cette réponse a de sorte que 07 = a
Avec un produit en croix, cela équivaut à 0 = 7 × a. Si c’est le cas, la seule valeur possible pour a est 0, car si la multiplication de deux nombres donne 0, alors l’un des deux doit être égal à 0.
Et ce n’est pas le plus difficile. Le point critique est la division par 0. Si l’on essaie de traiter 7/0 de la même manière que 0/7, on obtient l’équation 70 = b
Avec le produit en croix, 0 × b = 7 et on aboutit à cette ineptie que 0 = 7. Si l’on admet la possibilité pour 7/0 d’être un nombre, on risque alors une pagaille numé-rique à grande échelle. La solution est de dire que 7/0 est indéterminé. La divi-sion de 7 (ou de tout autre nombre que 0) par 0 ne débouche sur aucune réponse acceptable et c’est pourquoi cette opération n’est tout simplement pas autorisée. De manière similaire, il n’est pas permis de placer une virgule au « mi,lieu » d’un mot sans glisser dans l’absurde.
Le mathématicien indien Bhaskara au xiie siècle, à la suite de Brahmagupta, n’écar-tait pas la division par 0 et suggérait qu’un nombre divisé par 0 était infini. Ce rai-sonnement se tient parce que si l’on divise un nombre par un très petit nombre, le résultat obtenu est très grand. Par exemple, 7 divisé par 1/10 est égal à 70 et 7 divisé par 1/100 donne 700. Plus on réduit le nombre du dénominateur, plus le nombre que l’on obtient est grand. Si l’on allait dans la petitesse ultime en prenant 0 lui-même, la réponse serait l’infini. En adoptant cette forme de raisonnement, nous nous trouvons obligés d’expliquer un concept plus bizarre encore, à savoir celui de l’infini. Se débattre avec l’infini n’aide pas ; l’infini (symbolisé aujourd’hui par ∞) ne suit pas les règles habituelles de l’arithmétique et n’est pas un nombre au sens habituel du terme.
Si 7/0 pose problème, que faire alors de l’encore plus bizarre 0/0 ? Si 0/0 = c, avec le produit en croix on obtient l’équation 0 = 0 × c et donc 0 = 0. Cela n’apporte pas grand-chose, mais ce n’est pas absurde non plus. En fait, c peut être un nombre quelconque et ainsi, nous ne débouchons pas sur une impossibilité. Nous arrivons à la conclusion que 0/0 peut prendre n’importe quelle valeur, finie ou infinie ; les spécialistes parlent de « forme indéterminée ».
Pour résumer, l’étude de la division par zéro amène à la conclusion qu’il est préférable d’exclure cette opération de tous les calculs. L’arithmétique se porte tout aussi bien sans elle.
Pourquoi utiliser le zéro ? Il était tout simplement impossible de s’en passer. Les progrès de la science en dépendaient. On parle du degré zéro de lon-gitude, du degré zéro sur l’échelle des températures et, de la même manière, de l’énergie du point zéro et du zéro absolu. Cette notion est entrée dans le langage courant avec des idées telles que le risque zéro et la tolérance zéro.
Une plus grande utilisation pourrait cependant en être faite. Si vous quittez la 5e avenue à New York et pénétrez dans l’Empire State Building, vous vous retrouvez dans le magnifique hall d’entrée au niveau 1. On utilise la capacité des nombres à s’ordonner, le 1 étant utilisé pour désigner le « premier » étage, le 2 pour désigner le « second » et ainsi de suite jusqu’à 102 pour le « cent deuxième » étage. En Europe, le rez-de-chaussée n’est en fait rien d’autre qu’un étage 0 que l’on a cependant quelques répugnances à appeler ainsi.
Les mathématiques ne pourraient pas fonctionner sans le zéro. C’est même un élé-ment fondamental dans les concepts mathématiques qui régissent notre système de nombres, l’algèbre et la géométrie. Sur la ligne des nombres, 0 est celui qui sépare les nombres positifs des nombres négatifs, et c’est pourquoi il occupe une posi-tion privilégiée. Dans le système décimal, le zéro sert de marqueur de position qui nous permet d’utiliser à la fois des nombres gigantesques et d’autres micros-copiques.
Le zéro a mis des centaines d’années avant de se faire accepter et de devenir l’une des inventions les plus importantes de l’homme. Le mathématicien américain G. B. Halsted au xixe siècle a détourné une réplique tirée du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare pour dire que le zéro est le moteur du progrès qui « accorde à un rien dans l’air non seulement une demeure précise et un nom, une image, un symbole, mais également un pouvoir efficace ; il est la propriété du peuple indien qui lui a donné naissance. »
Au début, on a dû trouver le 0 tout à fait curieux, mais les mathématiciens ont la manie de s’enticher de concepts étranges qui s’avèrent utiles bien des années plus tard. C’est le cas aujourd’hui avec la théorie des ensembles où le concept d’un ensemble est défini comme une collection d’éléments. Dans cette théorie, Ø désigne l’ensemble qui ne contient aucun élément, ce que l’on désigne par « l’ensemble vide ». C’est un ensemble curieux, certes, mais comme 0, il est indis-pensable.
La somme de zéro et d’un entier strictement positif est strictement positive.
La somme de zéro et d’un entier strictement négatif est strictement négative.
La somme d’un entier strictement positif et d’un entier strictement négatif est égale à leur différence, ou, s’ils sont égaux, à zéro.
Zéro divisé par un entier strictement négatif ou positif est égal à zéro ou s’écrit sous la forme d’une fraction dont le numérateur est égal à zéro et le dénominateur est une quantité finie.

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