Nouvelles méthodes d’analyse de l’agmatine par voies spectrophotomètriques d’absorption et de fluorescence
GENERALITES SUR LES AMINES BIOGENES
Origine des amines biogènes
Les amines biogènes (AB) sont des composés organiques azotés de faibles poids moléculaires. Elles sont présentes naturellement dans certains aliments non fermentés tels que les fruits, les légumes, la viande et le lait, généralement avec une teneur très faible. Une concentration plus importante constatée serait due au catabolisme des cellules vivantes (animales, végétales et microbiennes). Ainsi, ces amines biogènes sont issues soit de la dégradation enzymatique des acides aminés (Figure I.1), soit de l‟amination ou de la transamination des aldéhydes et cétones lors de la détérioration des aliments au cours de la fermentation microbienne contrôlée ou spontanée [4]. Figure I.1: Schéma de dégradation enzymatique d‟un acide aminé en amine biogène De même, ces amines biogènes peuvent provenir de la dégradation de denrées riches en protéines (viandes, poinssons fromages…) sous l‟effet d‟enzymes synthétisées par les microorganismes (notamment des bactéries) tels que les entérocoques, les lactocoques, les lactobacilles, les entérobactéries et les pseudomonas.
Classification et structures des amines biogènes
Les structures des amines biogènes sont liées à celles des acides aminés précurseurs d‟où elles dérivent. Aussi, ces amines biogènes présentent-elles des structures différentes et elles sont classées en trois catégories: les amines biogènes aliphatiques (putrescine, cadavérine, spermidine et agmatine…), les amines biogènes aromatiques (tyramine et phényléthylamine …) et les amines biogènes hétérocycliques (histamine et tryptamine,…). Ces amines biogènes peuvent également être classées suivant le nombre de groupements aminés présents dans leurs structures chimiques. Ainsi, on distingue : – les monoamines où on note une seule fonction amine sur leurs structures, c‟est le cas du 2-phényléthylamine et de la tyramine ; – les diamines, dans ce cas il y‟a deux groupements amines sur leurs structures, c‟est la cas pour la putrescine et la cadavérine ; – les polyamines, c‟est le cas où l‟amine biogène comprend plus de deux fonctions amines. C‟est le cas de l‟agmatine, la spermine et la spermidine. En guise d‟exemple, dans le tableau I.1 la structure de quelques amines biogènes et leurs acides aminés précurseurs respectifs sont regroupés. Tableau I.1: Classification de quelques amines biogènes et leurs acides aminés précurseurs. Classes Noms et Structures Acides Aminés Précurseurs Amines Aliphatiques Arginine Lysine Ornithine Amines Aromatiques Tyrosine Phénylalanine Amines Hétérocycliques Histidine Tryptophane.
Présence de quelques amines biogènes dans les denrées alimentaires
Les amines biogènes sont présentes dans la plupart des aliments : viande, produits végétaux et boissons fermentées.
Amines biogènes dans la viande, le lait et les produits halieutiques
La plupart des aliments sont riches en protéines qui se transforment en acides aminés pour donner des amines biogènes après décarboxylation dans des conditions biologiques favorables. Les amines biogènes qu‟on trouve généralement dans les aliments (viande, produits halieutiques, lait) sont : l‟histamine, la putrescine, la cadavérine, la tyramine, la tryptamine, la spermine, la spermidine, l‟agmatine et la phényléthylamine. Cependant, la présence des amines biogènes comme la putrescine, la cadavérine et l‟agmatine dans l‟aliment est en général un indicateur chimique de sa qualité hygiénique [6]. La grande présence d‟amines biogènes lors de la fermentation des aliments est due à la décarboxylation microbienne des acides aminés. Ainsi, leur présence dans les aliments fermentés à base de poisson ou de viande renseigne sur le degré d‟altération de ces aliments. En effet, la fermentation des aliments est due en grande partie à une croissance microbienne qui est proportionnelle à une augmentation de la quantité d‟histamine, amine biogène toxique [6]. Par exemple, dans le saumon salma (poisson) on note une forte présence d‟histamine liée à une présence importante de l‟histidine qui se transforme en histamine au cours de la fermentation [7]. Le tableau I.2 illustre la présence de quelques amines biogènes contenues dans divers aliments prouvés par différents auteurs. Tableau I.2: Diverses amines biogènes contenues dans quelques produits alimentaires [8] Produits Alimentaires Amines Biogènes Références Produits laitiers lait, yaourt spermine, spermidine Novella-Rodriguez et al. 2000 fromage tyramine, histamine, putrescine, cadavérine, tryptamine, β-phényléthylamine Novella-Rodriguez et al. 2004 Innocente et D‟Agostin, 2002 Halasz et al. 1994 Stratton et al.1991 Produits carnés porc frais saucisson bœuf frais ou haché Produits marins Poissons : saumon frais et fumé, truite, bar, thon, cabillaud, dorade, Merlu, sardine calamar crevettes tyramine, -phényléthylamine, cadavérine, putrescine, histamine spermine, spermidine putrescine, tyramine, tryptamine, histamine, cadavérine, -phényléthylamine, spermine, spermidine tyramine, putrescine, histamine, cadavérine, tryptamine histamine, tyramine, putrescine, cadavérine, agmatine, tryptamine, -phényléthylamine, spermidine, spermine, triméthylamine agmatine, putrescine, cadavérine, tyramine, histamine putrescine, cadavérine Suzzi et Gardini.
Amines biogènes dans les boissons
Dans les boissons alcoolisées comme le vin, la bière et le saké une forte présence d‟amines biogènes a été notée. On les trouve également dans les boissons non alcoolisées fermentées (shalgam turque). La concentration des amines biogènes dans le vin peut varier de quelques mg/L à 50mg/L. Cependant, la formation des amines dans les boissons dépend de plusieurs facteurs, tels que les processus de vinification, les conditions de stockage, la qualité des matières premières et la contamination microbienne pendant les opérations de cave. Par exemple, pour certaines amines qui sont des constituants normaux du raisin [9], on peut noter une variation sensible de leur teneur selon l‟espèce du raisin, son degré de maturation, le type et la composition des sols. C‟est pourquoi une caractérisation géographique basée sur le contenu des AB a été proposée comme critère permettant de distinguer plusieurs types de vins en provenance de différents pays ou régions [10, 11]. Là également, les amines biogènes qu‟on trouve généralement dans le vin sont : la cadavérine, l‟histamine la 2-phényléthylamine, la putrescine, la tyramine, l‟agmatine et l‟éthanolamine. Parmi toutes ces amines, la putrescine est l‟amine la plus abondante dans le vin [12]. Cependant, la teneur en amine est beaucoup plus importante dans le vin rouge que dans le vin blanc [13-15] et leur quantité varie en fonction des régions de culture [16]. Dans la bière, les polyamines sont des constituants naturels, à l‟exception de la tyramine, de la cadavérine et de l‟histamine dont leur présence indique une contamination microbienne sûre au cours du brassage. Cependant, dans plusieurs bières, l‟agmatine est l‟amine la plus abondante avec des concentrations allant de 0,5 à 42 mg/L [17, 18]. Il est à noter également que la variété d‟orge, la technologie de maltage, de fermentation et les conditions de fabrication peuvent influer qualitativement et quantitativement sur le contenu des amines biogènes dans la bière. En particulier, lors du traitement du moût, il arrive d‟observer simultanément une augmentation significative de l’AGM, et la PUT et en même temps une diminution de la SPD et SPM selon la température et le mode de fermentation [19]. De même, la différence de teneur d‟amines biogènes observée dans les boissons peut être expliquée par le mode de production de ces dernières. Par exemple on peut citer la grande teneur d‟agmatine observée dans les boissons alcoolisées comme le vin, la bière et le saké [20] et sa faible teneur dans les boissons nonalcoolisées et fermentées, telles que le Shalgam turque [21]. Tout ceci confirme le rôle des levures sur la présence de l‟agmatine dans les boissons. Dans la bière, si quelques amines telles que l‟agmatine, la spermidine et la spermine sont d‟origine endogène, la tyramine, la cadavérine, la putrescine, l‟histamine, la tryptamine et la phényléthylamine proviennent essentiellement de la voie bactérienne. La plupart d‟entre elles présentent des caractères toxiques ; leurs présences influent sur la qualité de la bière. C‟est pourquoi, pour s‟assurer de la bonne qualité de la bière, Loret et al. [22] ont défini un indice appelé indice d‟amines biogènes (IAB) selon l‟équation 1 (Eq.1). Dans cette formulation toute valeur de IAB supérieure à 10 correspond à des quantités d‟AB supérieures à 10 mg/l ; dans ce cas la boisson est dangereuse pour la santé. Eq.1 Beaucoup d‟auteurs ont noté la présence d‟amines biogènes dans le vin et la bière. Cependant, selon l‟auteur et la nature de l‟échantillon étudié la liste d‟amines trouvées est très variée (Tableau I.3). Dans tous les cas on remarque la présence de l‟histamine et de la tyramine.Agmatine (AGM), Cadavérine (CAD), Diaminopropane (DAP), Ethanolamine (EA), Histamine (HIST), Isoamylamine (IAA), Isobythylamine (IBA), Méthylamine (MA), Méthylétylamine (MEA), Phénylalamine (PHA), Phenyléthylamine (PEA), Putrescince (PUT), Tryptamine (TRYP), Tyramine (TYR), Spermidine (SPD), Spermine (SPM), Diméthylamine (DMA), Diéthylamine (DEA). I.3.3 Aliments d’origines végétales La plupart des aliments d‟origine végétale contiennent diverses amines biogènes dont la quantité dépend généralement de la conservation et du temps de maturation. La bibliographie révèle que la putrescine, la spermidine et la spermine sont omniprésentes dans tous les légumes frais jusqu‟aux taux de quelques mg/100g de poids. Si les légumes verts sont riches en spermidine, les fruits et les jus de fruits sont particulièrement riches en putrescine [33]. Ainsi, lors de la fermentation des légumes, ce taux peut être dépassé. En effet, une augmentation du taux d‟amines biogène est observée tout au long de ce processus [34]. Par exemple, Lavizzari et al. ont trouvé une forte teneur d‟histamine dans les épinards en plus des quatre amines TYR, PUT, SPD et SPM que l‟on trouve également dans les bananes, les pommes de terre et les noisettes. Cependant, aucune détection de CAD et d‟AGM n‟a été constatée dans ces fruits [35]. Le tableau I.4 explicite la présence de quelques amines biogènes dans les aliments d‟origine végétale.
INTRODUCTION GÉNÉRALE |