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Circulation atmosphérique
Le principal moteur des mouvements atmosphériques est le soleil. Il réchauffe inégalement la surface de la Terre, et l’augmentation de température est maximale dans les tropiques. Cette énergie excédentaire est stockée sous forme de chaleur latente dans les systèmes convectifs situés dans la zone de convergence intertropicale (ITCZ pour InterTropical Convergence Zone). Les vents de basse couche convergent vers cette bande de faible pression et cela génère de forts mouvements ascendants. En raison de la force de Coriolis, ces vents sont dirigés vers l’ouest : les alizés (Figure 1.1 et Figure 1.2). En altitude la circulation diverge, et les masses d’air se refroidissent et on retrouve des zones de subsidences dans les anticyclones tropicaux. La Figure 1.1 représente cette circulation méridienne que l’on appelle la circulation de Hadley. À la surface, la circulation atmosphérique s’organise autour des centres de basse pression (dépressions) et de haute pression (anticyclones) décrits par la circulation de Hadley (Figure 1.1 et Figure 1.2).
Figure 1.3 : Représentation schématique de la circulation de Walker Figure tirée de Lau and Yang (2002).
Dans les tropiques, le rayonnement solaire implique donc un gain d’énergie qui est en partie redistribué par l’atmosphère via la circulation de Hadley (Figure 1.1) et également stocké (forte capacité thermique) dans les océans puis transporté vers les pôles par les courants (Figure 1.4). Sur les continents tropicaux, ce gain d’énergie ne peut ni être emmagasiné (faible capacité thermique), ni véhiculé par le sol (faible conductivité thermique). Cette énergie est donc réémise par le sol, entraînant des mouvements verticaux. L’activité convective est par conséquent plus intense sur continent que sur l’océan. Ainsi une circulation zonale relie en moyenne sous forme de rouleaux (Figure 1.3), les pôles de convection continentaux (sauf dans le Pacifique occidental où la forte convection est située au-dessus de la warm pool) et les zones de subsidence dans la partie orientale des océans (sauf dans l’océan Indien où les subsidences sont situées sur le bord ouest). Cette circulation moyenne, appelée circulation de Walker, est un schéma théorique permettant de représenter une réalité bien plus complexe.
Cette circulation zonale (Figure 1.3) s’ajoute aux mouvements générés par la circulation de Hadley, et renforce les alizés (Figure 1.1 et Figure 1.2). Pendant l’été boréal, l’Atlantique et le Pacifique équatorial sont plus froids dans les régions orientales qu’occidentales. Ce phénomène est expliqué dans la section 1.2. La circulation de Walker est associée à une rétroaction positive, appelée rétroaction de Bjerknes (1969), dans laquelle les alizés augmentent le gradient zonal de température de surface de la mer (SST pour Sea Surface Temperature), renforçant le gradient zonal de pression, qui à son tour intensifie les alizés.
Figure 1.4 : Représentation schématique de la circulation océanique de surface. Les courants chauds sont indiqués en rouge, et les courants froids en bleu. Figure tirée de http://www.physicalgeography.net/ fundamentals/8q_1.html
Figure 1.5 : Représentation schématique des principaux courants de surface et de subsurface entre 0 et 100 m au a) printemps et b) automne boréal. En surface (trait continu) : contre courant équatorial nord (NECC), courant de Guinée (GC), courant équatorial sud (SEC) avec ses branches nord (nSEC), équatorial (eSEC), centrale (cSEC) et sud (sSEC) ; en subsurface (trait pointillé) : sous- courant équatorial (EUC), sous-courant équatorial sud (SEUC), contre courant équatorial sud (SECC), sous-courant du Gabon-Congo (GCUC), le gyre Angola (AG), le dôme d’Angola (AD) et le courant d’Angola (AC) . Les courants en rouge correspondent aux courants vers l’est et en bleu vers l’ouest. ABF désigne le front Angola-Benguela. Figure tirée de Parard (2011), réalisée d’après Stramma and Schott (1999).
Circulation océanique
La circulation océanique globale de surface (Figure 1.4) ressemble à la circulation atmosphérique (Figure 1.2) : les courants du bord oriental des océans convergent vers l’équateur en transportant avec eux les eaux froides venant des pôles, tandis que les courants du bord occidental des océans se dirigent vers les pôles, emportant avec eux la chaleur stockée à l’équateur. Plusieurs phénomènes permettent d’expliquer cette circulation sous forme de « gyre » : l’inégale répartition du rayonnement solaire, la force de Coriolis, la forme des continents et la circulation atmosphérique.
Un zoom sur la circulation océanique dans l’Atlantique équatorial (Figure 1.5) nous montre que la répartition des courants est bien plus complexe. Nous nous intéressons principalement à deux courants de l’équateur : le courant équatorial sud (SEC pour South Equatorial Current) et le sous-courant équatorial (EUC pour Equatorial UnderCurrent).
La Figure 1.5 propose une déclinaison en plusieurs branches du SEC décrites par Stramma and Schott (1999). Dans cette thèse nous utilisons le terme général « SEC » pour décrire l’ensemble des courants de surface dirigés vers l’ouest entre 5°S et 4°N. Notre terme regroupe donc le SEC central (cSEC), équatorial (eSEC) et la branche nord du SEC (nSEC). Selon Peterson and Stramma (1991), la vitesse de ce courant n’excède que rarement 0,5m/s, et son transport est en moyenne de 12Sv. Cependant, les mesures récentes indiquent un transport plus faible, avec un cycle saisonnier assez fort : pendant l’hiver et le printemps boréal le transport est de 4,5Sv, puis il augmente jusqu’à atteindre 12,5Sv pendant l’été boréal (Bourlès et al. 1999). D’après Bourlès et al. (1999), la vitesse de ce courant est également plus intense au sud de l’équateur (0,6m/s) qu’au nord (0,3m/s).
L’EUC est un puissant courant de subsurface. Il se situe entre 2°S et 2°N, et traverse l’Atlantique d’ouest en est. À 23°W, le noyau de l’EUC se trouve en moyenne à 90m de profondeur et à 0,15°S, sa vitesse est de 0,75m/s et son transport est de 13,8Sv (Brandt et al. 2006, 2014). À 10°W, le noyau de l’EUC se situe à 55m de profondeur et à 0,2°S, sa vitesse est de 0,64m/s et son transport est de 12,1Sv (Kolodziejczyk et al. 2009). Donc d’après ces auteurs, l’EUC remonte vers la surface en se propageant vers l’est, sa vitesse et son transport diminuent légèrement.
La langue d’eau froide
Qu’est-ce que la langue d’eau froide ?
L’observation de la SST moyenne sur l’ensemble de la bande tropicale permet d’identifier qu’en avril (Figure 1.6a), la SST est particulièrement chaude (supérieure à 26°C) entre 20°S et 20°N. Les seules régions où la SST est plus faible se situent dans le Pacifique au large du Chili, ainsi que dans l’Atlantique au large de la Namibie et de la Mauritanie. D’avril à août, les océans de l’hémisphère sud se refroidissent pendant l’hiver austral, tandis que les océans de l’hémisphère nord se réchauffent pendant l’été boréal. Dans l’hémisphère sud, les régions de SST froides au large du Chili et de la Namibie gagnent vers le nord, mais on voit surtout une extension de ces refroidissements le long de l’équateur. L’extension est plus grande dans le Pacifique que dans l’Atlantique. Ce sont ces refroidissements le long de l’équateur que l’on appelle des langues d’eau froide (Figure 1.6b).
Afin de mieux caractériser les langues d’eau froide, on les étudie en réalisant une moyenne sur une région. L’indice de température dans la zone EEP (pour Eastern Equatorial Pacific ; Figure 1.6b) est utilisé par Song et al. (2014) pour étudier la langue d’eau froide Pacifique, et nous utilisons la « boîte centrale » pour l’Atlantique (Figure 1.6b). Les cycles annuels moyens calculés dans ces régions (Figure 1.7) montrent que :
– la température moyenne est plus chaude dans l’Atlantique (25,9°C) que dans le Pacifique (24,7°C),
– l’intensité du refroidissement est en moyenne plus forte dans l’Atlantique (4,5°C) que dans le Pacifique (4°C),
– la durée de la période froide est plus courte dans l’Atlantique que dans le Pacifique.
Notons que ces différences peuvent être causées par la position et la taille des boîtes : la boîte Pacifique est située dans la partie orientale de l’océan alors que la boîte Atlantique est presque au centre de l’océan, et la boîte Pacifique 3 fois plus grande que la boîte Atlantique.
Figure 1.6 : SST moyenne (1982-2007) du mois de a) avril, et b) août (en °C, isolignes tous les 2°C), dans la bande tropicale, calculée à partir des données Reynolds et al. (2007). Délimitations spatiales de la boîte Pacifique (EEP) [110°W-85°W ; 3°S-3°N] et de la boîte Atlantique (BC) [15°W-6°W ; 4°S-1°N].
Figure 1.7 : Cycles annuels moyens (moyenne 1982-2007) de la SST (en °C) dans la boîte EEP (Pacifique) [110°W-85°W ; 3°S- 3°N] en bleu et la « boîte centrale » (Atlantique) [15°W-6°W ; 4°S-1°N] en noir, calculés à partir des données Reynolds et al. (2007).
La langue d’eau froide Atlantique (ACT pour Atlantic Cold Tongue ; Figure 1.7 et Figure 1.8) est la région de l’Atlantique où le cycle saisonnier est le plus fort (Wauthy 1983). Ce fort refroidissement, qui a lieu chaque année (Caniaux et al. 2011), atteint un minimum de température situé en moyenne à 10°W, juste au sud de l’équateur (Figure 1.8b).
L’apparition de la langue d’eau froide coïncide avec l’intensification des alizés de sud-est (Hastenrath and Lamb 1978). Parallèlement l’ITCZ, située entre l’équateur et 5°N (entre 5°W et 5°E) pendant l’hiver et le début du printemps boréal, migre jusqu’à 20°N (entre 5°W et 5°E) pendant l’été boréal, au-dessus du continent africain (Picaut 1983 ; Colin 1989 ; Waliser and Gautier 1993).
Lorsque ce refroidissement se met en place, l’observation précise de l’Atlantique équatorial montre un fort gradient méridien de SST, situé juste au nord de l’ACT (zone indiquée par le contour magenta sur la Figure 1.9) : le front équatorial. Cette zone de front existe car elle est en permanence alimentée par la convergence du nSEC transportant les eaux froides de l’ACT vers le nord, et du courant de Guinée (GC) qui transporte vers le sud les eaux chaudes du Golfe de Guinée (Giordani and Caniaux 2014). Ce gradient méridien de température a des répercussions sur la circulation atmosphérique, en renforçant le vent dirigé vers le nord (e.g. Gu and Adler 2004 ; Okumura and Xie 2004 ; Caniaux et al. 2011).
Comment se forme-t-elle ?
De nombreuses études de l’ACT ont successivement proposé différentes causes du refroidissement équatorial. Cette partie propose un rapide historique des principales théories qui ont été développées depuis le milieu du 20e siècle, avant de les comparer à notre compréhension actuelle des refroidissements Atlantique et Pacifique.
Une première théorie pour expliquer les formations des langues d’eau froides est la divergence d’Ekman (Cromwell 1959 ; Stommel 1960). Les alizés soufflent vers l’ouest le long de l’équateur. Selon la théorie d’Ekman, la friction de ces vents à la surface de l’océan entraîne les couches d’eaux superficielles, et sous l’effet de la force de Coriolis, ce mouvement est dévié vers le nord dans l’hémisphère nord, et vers le sud dans l’hémisphère sud. Pour compenser cette divergence des couches d’eaux superficielles de l’océan, l’eau froide venant de la subsurface remonte (upwelling) entraînant le refroidissement saisonnier de l’Atlantique équatorial. Cependant, les alizés sont les plus intenses dans la partie occidentale de l’Atlantique équatorial (Figure 1.10 et Figure 1.11), ce qui devrait générer un fort refroidissement selon cette théorie, or l’ACT n’est présente que dans la partie orientale du bassin. La divergence d’Ekman seule ne peut donc pas expliquer la formation de l’ACT.
Figure 1.10 : SST (couleurs, en °C) et vent de surface (vecteurs, en m/s), au mois de a) avril, et b) août, dans l’Atlantique équatorial. SST (moyenne 1982 -2007) calculée avec les données Reynolds et al. (2007), et vent de surface (moyenne 2000-2009) calculé à partir des données QuickSCAT (Quik SCATterometer).
Figure 1.11 : Diagramme de Hovmöller temps versus longitude (moyenne en latitude 4°S -1°N) entre 50°W et 10°E du cycle annuel moyen (moyenne 2000-2009) de a) la composante zonale du vent de surface, et b) la composante méridienne du vent de surface (en m/s, isolignes tous les 2m/s), calculées à partir des données QuickSCAT.
D’autres études ont suggéré le rôle important du cisaillement de courant et du mélange vertical pour expliquer le refroidissement à l’équateur (Hisard 1973 ;
Voituriez and Herbland 1977). Ces auteurs montrent que la remontée d’eau froide (upwelling) pendant l’été boréal est le résultat de l’intensification des mélanges verticaux, provoquée par l’augmentation du gradient vertical du courant zonal. L’augmentation de ce gradient est causée par la remontée de l’EUC et l’accélération du SEC. Qiao and Weisberg (1997), en utilisant des observations de l’EUC dans le Pacifique, mettent l’accent sur le rôle de ce courant car ils montrent que les zones d’upwelling se situent uniquement au-dessus du noyau de l’EUC. Ce résultat a également été montré dans l’est de l’Atlantique à l’aide d’un modèle (Giordani et al. 2013). Quelques années plus tard, des études ont expliqué le refroidissement équatorial à l’aide des ondes de Kelvin (Moore et al. 1978 ; Adamec et O’Brien 1978 ; Houghton 1989). Les auteurs montrent que l’intensification des alizés dans l’ouest de l’Atlantique équatorial génère des ondes de Kelvin qui se propagent en direction de l’Afrique le long de l’équateur. Ces ondes sont réfléchies en ondes de Rossby à proximité du continent africain et génèrent de l’upwelling le long de l’équateur. Cette théorie propose donc une explication à la diminution de la profondeur de la thermocline au moment de la formation de la langue d’eau froide, qui est, elle, corrélée avec le rapide refroidissement de l’ACT. Cependant cette théorie ne montre pas comment le refroidissement atteint la surface : elle suppose que les mouvements de la thermocline ont un impact jusqu’à la SST. La propagation des ondes n’explique pas pourquoi l’ACT se situe au sud de l’équateur, mais ces études proposent que cette localisation puisse être attribuée à la circulation océanique de surface.
Figure 1.12 : Idem Figure 1.10 pour les vecteurs représentent ici le courant de surface moyen (moyenne 2000-2009, en m/s), calculé à partir des données GEKCO (Geostrophic and EKman Current Observatory ; Sudre et al. 2013).
Figure 1.13 : Idem Figure 1.11 pour le courant de surface a) zonal et b) méridien (en m/s, isolignes tous les 0,2m/s), calculé à partir des données GEKCO (Sudre et al. 2013).
Philander and Pacanowski (1981) ont suggéré que le refroidissement équatorial est causé par l’advection d’eau froide provenant des côtes africaines. En effet, au large de l’Angola, il existe une zone d’upwelling (upwelling du Benguela) qui est l’un des plus importants systèmes d’upwelling du monde (Chavez and Messié 2009). Dans cette région, les courants océaniques sont déviés vers le large sous l’effet du vent (courant d’Ekman) et le rotationnel du vent génère une remontée d’eau froide (pompage d’Ekman) refroidissant fortement les côtes (Nelson and Hutchings 1983 ; Fennel 1988, 1999). L’intensification de la vitesse du vent pendant le printemps et l’été boréal provoque un fort upwelling le long des côtes africaines, entre 35°S et 6°S (Figure 1.6 et Figure 1.10 ; Giordani and Caniaux 2011). D’après Stramma and Schott (1999), la branche sud du SEC (sSEC) est alimentée par le courant froid du Benguela. Le sSEC est de faible intensité (environ 0,1m/s), et s’étend entre l’Angola et l’équateur (Figure 1.5 et Figure 1.12). Les diagrammes de Hovmöller des composantes zonale et méridienne du courant de surface (Figure 1.14) montrent qu’en moyenne entre 15°S et 1°N, le courant est dirigé vers le nord-ouest de mars à août. Le sSEC peut donc advecter l’eau froide de l’upwelling du Benguela vers l’ACT. En subsurface, le gyre d’Angola s’étend également de l’Angola à l’équateur (Figure 1.5), et peut aussi participer à l’advection d’eau froide vers l’ACT. Cependant, la faible vitesse du sSEC proposée par Stramma and Schott (1999), et par les données GEKCO (Geostrophic and EKman Current Observatory ; Sudre et al. 2013), ainsi que la grande distance séparant le front de Benguela du minimum de température de l’ACT (environ 2700km), nous indiquent qu’il faudrait presque 10 mois pour que l’eau froide de l’upwelling du Benguela soit transportée jusqu’à l’ACT. Ce temps est beaucoup trop long par rapport à la durée du refroidissement de l’ACT (4 mois).
Toutes les études récentes s’accordent sur le fait que le refroidissement de l’ACT a lieu localement et est causé par des processus verticaux de subsurface. L’océan près de la surface est fortement mélangé, ce qui crée une zone de température constante sur la verticale, que l’on appelle la couche de mélange (MLD pour Mixed-Layer Depth ; de Boyer Montégut et al. 2004 ; Figure 1.15 et Figure 1.16). Giordani et al. (2013) ont montré en utilisant un modèle océanique que le refroidissement de l’ACT autour de 10°W provient de la base de cette couche de mélange. Cette perte de chaleur a été mesurée, et peut atteindre -100W/m2
Figure 1.16 : Diagramme de Hovmöller temps versus longitude (moyenne en latitude 4°S-1°N) entre 50°W et 10°E du cycle annuel moyen de la profondeur de la couche de mélange (MLD) (en m, isolignes tous les 10m), calculé à partir de la climatologie de MLD de de Boyer Montégut (2004).
(Hummels et al. 2013, 2014). Il a été montré que ce refroidissement est produit par l’introduction d’eau froide venant de la thermocline dans la couche de mélange, par mélange vertical.
Ce mélange peut provenir de l’augmentation de la turbulence dans les couches superficielles de l’océan (e.g. Giordani et al. 2013) avec l’intensification du vent d’avril à août (Figure 1.11) ou de l’augmentation du cisaillement vertical de courant entre l’EUC et le SEC (Brandt et al. 2014), ce qui montre que la théorie de Hisard (1973) et Voituriez and Herbland (1977) est toujours d’actualité. La compréhension actuelle du refroidissement additionne les processus tel que la divergence des courants de surface ou la propagation d’ondes pour expliquer un upwelling sous la couche de mélange.
Concernant l’advection horizontale, des études utilisant des modèles (Peter et al. 2006 ; Jouanno et al. 2011a, 2011b ; Giordani et al. 2013) montrent que le long de l’équateur l’ACT, sauf son extrémité ouest, est réchauffée par advection. Certaines études locales, basées sur des observations ont montré que vers 10°W-0°N, l’advection horizontale est presque nulle (Foltz et al. 2003 ; Hummels et al. 2013, 2014) pendant la période de formation de l’ACT (d’avril à août), tandis que d’autres (utilisant des observations mais moyennées sur une boîte) indiquent un faible refroidissement par advection (Wade et al. 2011b ; Schlundt et al. 2014). Il n’y a donc pas de consensus quant au rôle de ce processus sur la tendance de température de l’ACT. Comme ces études n’analysent ni la même année (ou la même période), ni la même position (ou la même boîte), les différents résultats suggèrent que la contribution de l’advection dépend de la région et de la période étudiée.
D’après les études récentes, l’upwelling du Benguela ne semble pas être une cause majeure de formation de l’ACT. Par conséquent, il a été longtemps question de savoir si l’upwelling du Benguela et le refroidissement de l’ACT sont des phénomènes séparés ou s’ils sont connectés. Lübbecke et al. (2010) ont montré que les événements froids (chauds) dans la région du Benguela pendant le printemps boréal sont étroitement liés aux événements froids (chauds) de l’ACT pendant l’été boréal. Les deux phénomènes sont fortement corrélés, et la corrélation est maximale quand le refroidissement du Benguela précède d’un mois celui de l’ACT (0,7). Ce décalage entre les deux phénomènes est cohérent avec d’autres études (Reason et al. 2006 ; Hu and Huang 2007 ; Polo et al. 2008 ; Rouault et al. 2009). Lübbecke et al. (2010) ont montré que ces refroidissements sont tous les deux contrôlés par les variations des vents dominants, qui semblent liées à l’intensité de l’anticyclone de Sainte-Hélène. Cela suggère que ces refroidissements des SST sont deux manifestations d’un même phénomène.
Le refroidissement observé dans le Pacifique équatorial (Figure 1.6 et Figure 1.7) a été expliqué de manière similaire (Yu and McPhaden 1999 ; Wang and McPhaden 1999 ; Wang and Fu 2001 ; McPhaden et al. 2008 ; Moum et al. 2009, 2013). Comme dans l’Atlantique, deux phénomènes principaux ont été mis en évidence : l’upwelling et le mélange vertical. Ces deux processus sont fortement corrélés avec les variations saisonnières du vent, qui est relativement faible en hiver boréal, et s’intensifie du printemps à l’été boréal. Ce renforcement du vent semble donc la cause du cycle saisonnier des SST au niveau de l’équateur.
Comme dans l’Atlantique, la circulation océanique de surface a une importance secondaire. Les courants de surface ont un fort cycle saisonnier et ainsi le rôle de l’advection dépend fortement de la saison et de la position étudiée (Wang and McPhaden 1999). Mais en moyenne sur la période de la langue d’eau froide, l’advection horizontale réchauffe la langue d’eau froide, sauf son extrémité ouest (Wang and McPhaden 1999).
Depuis 10 ans maintenant, des capteurs de turbulence (χpod, Moum and Nash 2009) sont installés sur une bouée du réseau TAO (Tropical Atmosphere Ocean ; McPhaden et al. 1998) à 140°W-0°N, permettant de confirmer sur une série temporelle longue que le refroidissement de la SST dans le Pacifique équatorial est causé par le mélange vertical à la base de la couche de mélange. En 2014 deux capteurs de turbulence on été installés sur les bouées du réseau PIRATA (PredIction and Research moored Array in The Atlantic ; Bourlès et al. 2008) à 23°W-0°N et à 10°W-0°N dans l’Atlantique tropical. Il serait très intéressant que de tels capteurs soient installés de manière permanente sur l’ensemble des bouées du réseau PIRATA pour permettre une meilleure compréhension spatiale et temporelle du rôle de la turbulence lors de la formation de l’ACT.
Le fait qu’il n’y ait pas de langue d’eau froide dans l’océan Indien (Figure 1.6) peut avoir plusieurs origines. Premièrement, cela peut venir du fait qu’il n’y a pas de frontière fermée (continent) séparant l’océan Indien de l’océan Pacifique. L’eau chaude présente toute l’année sur le bord occidental du Pacifique (région que l’on appelle la « warm pool ») peut donc se déverser dans l’océan Indien. Une seconde raison vient du régime des vents dans la région. En effet, dans l’océan Indien, il n’y a pas de convergence des vents au niveau de l’équateur. Les vents dominants provenant de l’hémisphère sud soufflent en moyenne vers la péninsule Arabique, mais ils présentent de grandes variations saisonnières d’intensités et de directions. Ces fluctuations du vent ont des périodes plus courtes que le temps caractéristique d’ajustement de l’océan, ce qui peut empêcher l’apparition d’une langue d’eau froide.
Table des matières
Introduction
1 Variabilité climatique de l’Atlantique tropical
2 Classification des événements froids et chauds de la langue d’eau froide Atlantique
3 Modèle
4 Processus principaux de la variabilité interannuelle de la langue d’eau froide Atlantique
5 Compléments sur les processus de la variabilité interannuelle de la langue d’eau froide Atlantique
Conclusion
Bibliographie
Acronymes