Circulation Océanique dans le Pacifique Sud-Ouest

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Circulation océanique grande échelle

A l’image des autres bassins océaniques, le cisaillement de vent induit par les Alizés (vents d’est) aux basses latitudes et par les vents d’ouest aux hautes latitudes génère, suivant la dynamique de Sverdrup, une circulation océanique anticyclonique à grande échelle (sens inverse des aiguilles d’une montre dans l’hémisphère sud) caractérisée par la gyre subtropicale (figure I-4). Elle est bordée au sud par le courant circumpolaire qui porte vers l’est et au nord par le Courant Equatorial Sud (SEC, « South Equatorial Current ») qui porte vers l’ouest. Dans la partie sud de la gyre, les eaux s’orientent vers le nord est puis le nord ouest pour alimenter le SEC et forment à l’est du b assin le courant côtier du Pérou/Chili. Les eaux du SEC sont originaires des eaux modales du Pacifique Sud-Est (SPESMW, Hanawa et Talley [2001]) qui se forment dans la région de forte évaporation du Pacifique Sud-Est. Il en résulte des eaux de fortes salinités qui se formentpar mélange diapycnal dû à l’érosion hivernale des forts gradients de sel plutôt que par subduction (Yeager et Large, 2004 ; Johnson, 2006). Ces eaux modales sont ensuite advectées vers l’ouest et alimentent les eaux de la thermocline, formant le noyau du Courant Equatorial Sud (Gouriou et Tool, 1993 ; Donguy, 1994 ; Donguy et Meyers, 1996) avec des salinités excédant les 36 psu. A l’ouest, le SEC bifurque sur la côte Australienne pour venir al imenter les courants de bord ouest que sont l’ « East Australian Current » (EAC) vers le sud et le « North Queensland Current » (NQC) vers le nord. Notre région d’étude est caractérisée par un flux entrant à l’est de notre domaine du au SEC et par les courants de bord ouest (EAC et NQC) correspondant aux flux sortant de notre domaine. Les travaux de Qu and Lindstom (2002) et Ridgway and Dunn (2003) décrivent en détail la climatologie de la région.

Le Courant Equatorial Sud

Le SEC est présent entre 30°S et 4°N. Associé à la distribution 3D de la structure thermique, le SEC présente des variations en profondeur marquées en fonction de la latitude (Reid’s, 1997). Il se situe proche de la surface dans la région équatoriale et de en plus en plus profond en allant vers les moyennes latitudes. Il s’étend jusqu’à 25°S à une profondeur de 300m et à 30°S on le trouve à 800m. Cela correspond à la pente des isothermes avec un maximum de la profondeur de l’iso 20°C (200 m) à 14 °S, de l’iso 15°C (400 m) à 22°S, de l’iso 10°C à 27°S (500m) et de l’iso 5°C (1000 m) à 32°S (figure I-5).
La remontée des isothermes au dessus du centre de la gyre a pour effet de ralentir et même d’inverser le SEC dans les couches de surface donnant naissance au « South Subtropical Counter Current » (STCC) visible entre 30°S et 15°S .
Entre 8°S et 11°S dans le Pacifique ouest (au nivea u des îles Salomon), on trouve également le « South Equatorial Counter Current » (SECC), courant vers l’est imbriqué dans le SEC qui s’écoule au dessus de la thermocline principale (200m). Si sa valeur moyenne est relativement faible, il est par contre hautement variable.
L’extension en profondeur du SEC fonction de la latitude est bien visible à partir des cartes de hauteur dynamique référencée à 1200 db dela Figure 6 de Qu and Lindstom (2002) relatives à notre région d’étude (figure I-6). En surface, la signature du SEC est quasiment inexistante. A 100m, entre 12° et 17°S on observe u n courant vers l’ouest associé au SEC. C’est à 300m que le SEC semble complètement développé avec des vitesses maximales de l’ordre de 20 cm/s entre 10°S et 20°S. Avec l’augme ntation de la profondeur, le SEC continu à se déplacer vers le sud. A 1000 m, il s’étend entre 20°S et 30°S.

Bifurcation

La bifurcation du SEC sur la côte Australienne est très peu documentée dans la littérature en comparaison de son équivalent dans l’hémisphère nord. Notre connaissance est essentiellement climatologique (Qu and Lindstrom, 2002). Selon la théorie de Sverdrup, la latitude de la bifurcation est déterminée par la position du zéro du rotationnel de vent intégré zonalement. La prise en compte des îles dans le calcul de Sverdrup (« Island rule »), comme effectué par Godfrey (1989), a pour effet de déplacer de 1° à 2° la bifurcation vers le sud. La bifurcation du SEC se situe approximativement autour de 18°S et sépare les eaux qui vont alimenter le système de courant équatorial de celles qui vont recirculer dans la gyre subtropicale (Godfrey 1989; Qu and Lindstrom 2002). Cette simple estimation ne fait pas cas de la forte variabilité spatiale sur la verticale et des contraintes topographiques. De même que la position du centre de la gyre subtropicale varie avec la latitude, la latitude de la bifurcation varie de 15°S en surface à 22°S à une profondeur de 800m (figure I-7). La présence du Queensland plateau à 17°S, 150°E ( figure I-1) complique la structure de la bifurcation.

Le Courant Est Australien (EAC)

A partir de la latitude de la bifurcation du SEC, l’EAC longe vers le sud la côte Australienne. L’EAC est sans doute le courant le plus étudié du Pacifique Sud-Ouest. Dès 1962, K. Wyrtki, en se basant sur deux campagnes océanographiques réalisées par le CSIRO et quatre réalisées par l’Institut Français d’Océanie (aujourd’hui IRD), décrit un Courant Est Australien étroit et intense, formant de nombreux méandres et tourbillons et se séparant de la côte Australienne entre 30° et 35°S sur une profond eur de près de 1000m (figure I-8). Il s’accélère dans sa course vers le sud avec des transports entre 18°S et 35°S variant de 25 à 37 Sv (Ridgway et Godfrey, 1994, 1997, Ridgway and Dunn, 2003). La recirculation de l’EAC dans la gyre subtropicale est complexe. Elle s’effectue en différentes branches alimentant notamment le STCC décrit plus haut, et le Front de Tasman. C’est une région où l’activité tourbillonnaire est intense due à de fortes instabi lités locales en relation avec la topographie et aussi à la présence d’ondes de Rossby. La variabilité de l’EAC est importante. Les premières mesures directes effectuées pendant le programme WOCE a permis à Mata et al. [2000] de mettre en évidence une variabilité de l’ordre de 30Sv, supérieure au transport moyen de 22.1 +/- 4.6Sv. La variabilité saisonnière très prononcée n’est pas vraiment comprise à ce jour [Ridgway and Godfrey, 1997]. Une partie résiduelle de l’EAC continue vers le sud en direction de la Tasmanie et est à même de rejoindre l’océan Indien participant à définir le concept de super gyre de l’hémisphère sud connectan les différents bassins océaniques (Speich et al., 2001/2 ; Ridgway and Dunn, 2007). Ce passage, au niveau de la Tasmanie, est à même de communiquer des signaux climatiques de l’océan Pacifique vers l’océan Indien.

Le Courant du North Queensland (NQC)

A partir de la latitude de la bifurcation, le NQC s’écoule vers le nord le long de la côte Australienne. La dérive vers le sud de la bifurcation avec la profondeur donne naissance à un sous courant, le GBRUC (« Great Barrier Reef Under Current »), dirigé vers le nord, prenant naissance à 21°S sous l’EAC et fusionnant avec le N QC à 13°S. Le NQC est un courant de bord ouest (WBC: Western Boundary Current), permettant la connection entre la gyre subtropicale et l’équateur. Ses propriétés peuventêtres tracées jusqu’à la langue froide du Pacifique Equatorial Est (Tsuchia et al., 1989). Le NQC contourne l’extrémité sud est de la Papouasie Nouvelle Guinée avant d’entrer en mer des Salomon via le Courant Côtier de Nouvelle Guinée (NGCUC North Guinean Costal Under Current). Trois passages existent au nord de la mer des Salomons pour relier le Pacifique équatorial ouest et atteindre le Sous Courant Equatorial (EUC : Equatorial Under Current). Il s’agit des détroits de Vitiaz, des Salomon et du canal St Georges (Voir figure I-9).
Malgré son importance vis-à-vis du climat (cf introduction), cette circulation, difficile à observer, a été peu étudiée. Les quelques rares observations existantes des campagnes WEPOCS de 1985 et 1986 suggèrent des transports de 8 à 14 Sv dans le détroit de Vitiaz et de 4 à 7 Sv dans le canal St Georges (Lindstom et a l., 1990). La seule section méridionale le long de 154°E-156°E allant de l’extrémité de la Papouasie à 43°S, qui correspond à la section P11 de l’expérience WOCE, montre que les 55 Sv du SEC sont équitablement redistribués entre l’EAC (28 Sv) et le NGCC (26 Sv) (Sokolov and Rintoul, 2000). Il est à noter que ces estimations de transport sont 30% supérieures à celles fournies par la climatologie (Kessler et Gourdeau, 2007). Quelques études numériques permettent d’apprécier les caractéristiques du NQC. Webb (2000), avec le modèle global OCCAM au 1/4° estime un transport annuel moyen du NQC de 18 Sv à 12°S. Huang et Liu (1999), à partir du model NCEP, estimant le transport du NGCC à 15 Sv à 10°S. Kessler et Gourde au (2007), à partir du modèle ORCA05, déterminent un transport de 14 Sv à 12°S et de 24 Sv à 10°S.

LIRE AUSSI :  CONCEPTION D’UNE COMPTABILITE ANALYTIQUE D’EXPLOITATION

Variabilité

Si le Pacifique Sud-Ouest est potentiellement une région importante pour expliquer des variations climatiques aux échelles décennales et lus,p il existe peu de travaux explicitant la variabilité de notre domaine d’étude. Les travaux de modélisation (Cai, 2006) ainsi que l’analyse des observations (Roemmich et al., 2007) font état de tendances à long terme associées à un renforcement de la gyre subtropicale qui se traduit par une intensification de l’EAC vers le sud. L’analyse des données montre des tendances de 2.24°C/siècle et de 0.34 psu/siècle pour la période 1944-2002 dans la régionsituée à l’est de la Tasmanie (Ridgway, 2007). Aux échelles interannuelles, les observation des températures XBT à partir des navires marchands montrent une forte variabilité associée à ENSO (Ridgway et al., 1993 ; Holbrook and Bindoff, 1997), principalement vers le nord de la mer de Corail (Delcroix and Hénin, 1989 ; Delcroix, 1998). Le cycle saisonniervient d’être étudié par Kessler et Gourdeau (2007) à l’aide d’un modèle. La signature uniforme du rotationnel du vent dans le Pacifique Sud-Ouest produit une réponse de la thermocline en phase sur toute la région qui se traduit par des anomalies zonales de courant aux extrémitésnord de la zone (10°S) qui sont redistribuées dans les courants de bord ouest. Ains quand le SEC s’intensifie lors de la seconde moitié de l’année, le NGCC fait de même alors que le NQC à l’inverse de l’EAC est ralenti. Qiu and Chen (2004) se sont intéressés à comprendre les mécanismes de variabilité des régions à haute activité tourbillonnaire présentes dans les données altimétriques. Trois zones correspondant à l’EAC, au STCC et au SECC se distinguent (figure I-10). Des instabilités baroclines pour le système STCC-SECC te barotropes pour le système SECC-SEC expliquent la variabilité observée.

Effets d’îles

En réalité dans notre région d’étude, parsemée d’obstacles topographiques ( figure I-1), le SEC n’est pas ce large courant décrit dans la littérature. Il va être fortement contraint par les particularités géographiques de notre domaine, et se diviser en jets zonaux à l’encontre des îles.
La modélisation a été la première à faire état de’interactionl du SEC avec les îles du Pacifique Sud-Ouest. Inoué et Welsh (1993) avaient mentionné à partir de leur modèle à gravité réduite la séparation du SEC en jets maisecsont surtout les résultats de Webb (2000) basés sur le modèle OCCAM ¼° (figureI-11) qui ont initié l’intérêt pour cette dynamique particulière. Il mentionne les jets du nord et Sud Fidji (JNF,JSF) qui interagissent avec le Vanuatu et la Nouvelle Calédonie pour former le JetSud Calédonien (JSC, 24°S), le Jet Nord Calédonien (JNC, 18S), et le Jet Nord Vanuatu (JNV) à 13°S. Dans la suite du travail de Webb (2000), Hughes (2002) a utilisé l’altimétrie pour mettre en évidence la signature de ces jets. La signature de ces structures est également visible dans la climatologie malgré la limitation due à la résolution spatiale de ces données (Qu and Lindstrom, 2002 ; Ridgway and Dunn, 2003 ; Kessler and Gourdeau, 2007).
Les quelques résultats à partir d’observations in situ révélant ces structures sont ceux de Stanton et al. [2001] qui décrit un Jet Sud Fidji à l’aide des données ADCP de la section WOCE P21 et ceux de Sokolol et Rintoul (2000) mentionnés plus haut. Ce n’est que très récemment, grâce aux campagnes SECALIS de l’IRD réalisées à bord du N/O ALIS que nous disposons de mesures directes du flux entrant en mer de Corail.

Table des matières

Introduction
PARTIE I :Pacifique Sud-Ouest et Jets
Chapitre I : Circulation Océanique dans le Pacifique Sud-Ouest
I.1 La région d’étude
I.2 Conditions atmosphériques
I.3 Circulation océanique grande échelle
I.3.1 Le Courant Equatorial Sud
I.3.2 Bifurcation
I.3.3 Le Courant Est Australien (EAC)
I.3.4 Le Courant du North Queensland (NQC)
I.3.5 Variabilité
I.3.6 Effets d’îles
Chapitre II : Jets
II.1 Evidence des jets
II.2 Mécanismes de génération
II.3 Jets et îles : Le cas des îles Hawaï
Partie II: Le Modèle
Chapitre III : Description du « Regional Oceanic modelling System »: ROMS
III.1 Présentation
III.2 Les Hypothèses simplificatrices
III.3 Les équations du mouvement
III.4 Coordonnées verticales sigma généralisées
III.5 Ecriture dans le nouveau système de coordonnées
III.6 Discrétisation spatiale
III.7 Séparations des modes et discrétisation temporelle
III.8 La fermeture turbulente
III.8.1 Le mélange horizontal
III.8.2 Le mélange vertical
III.8.3 Schéma numérique et discrétisation du mélange vertical
III.9 Erreurs sur le Gradient de pression
III.9.1 L’erreur de Troncature
III.9.2 L’inconsistance hydrostatique
III.9.3 Autres sources d’erreurs sur le Gradient de pression
III.9.4 Les conditions aux frontières
Chapitre IV : Mise en place de la configuration Pacifique Sud-Ouest
I.1 Forçages, grilles et caractéristiques des simulations
IV.1.1 Le domaine d’étude
IV.1.2 Forçage aux frontières ouvertes et initialisation
IV.1.3 Forçages de surface
IV.1.4 Caractéristiques des différentes simulations
I.2 Calcul de la fonction de courant barotrope
I.3 Bathymétrie et lissage topographique
IV.1.5 Bathymétrie du Pacifique Sud-Ouest
IV.1.6 Lissage topographique et erreurs numériques
Chapitre V : Schémas d’advections diffusifs en Coordonnées sigma : Description, Analyse et Correction.
V.1 Description du problème dans ROMS.
V.2 Analyse du problème de la diffusion diapycnale dans un modèle en coordonnées sigma.
V.2.1 Cas du schéma upstream ordre 1
V.2.2 Cas du schéma upstream ordre 3.
V.3 Solution
Partie III :Résultats
Chapitre VI : Circulation de Sverdrup avec « Règle de l’île ».
I.4 La règle de l’île : Description
I.4.1 Règle Simple
I.4.2 Règle Multiple
I.5 Application au Pacifique Sud-Ouest
VI.2.1 Description des données de vent disponibles
VI.2.2 Approximations et hypothèses
VI.2.3 Méthode
I.6 Circulation de Sverdrup avec règle de l’île
VI.3.1 Les jets
VI.3.2 Les courants de bord ouest
VI.3.3 Comparaison QuikSCAT/ERS2 : Estimation de l’erreur.
VI.3.4 Influence des îles sur les courants de bord ouest australien
VI.3.5 Considération sur l’Australie et le passage indonésien
VI.3.6 Comparaisons avec ROMS : Validation Croisée
I.7 Conclusion sur la règle de l’île.
Chapitre VII : Simulation ROMS au 1/12°
I.8 Détermination des caractéristiques des jets
I.9 Circulation barotrope dans le Pacifique Sud-Ouest
VII.2.1 Description
VII.2.2 Comparaison avec un modèle globale haute résolution
VII.2.3 Confrontation aux observations in situ
VII.2.4 Diagnostique de la simulation de référence : Bilan de Vorticité
VII.2.5 Spectre d’énergie et rectification anisotrope
Chapitre VIII : Expériences de Sensibilités
VIII.1 Apport de la résolution
VIII.1.1 Circulation barotrope au 1/2°
VIII.1.2 Circulation barotrope au 1/4°
VIII.1.3 Circulation barotrope au 1/6 °
VIII.1.4 Circulation barotrope au 1/12°
VIII.1.5 Effet sur les jets
VIII.1.6 Effets de la résolution sur le spectre d’énergie : rectifications
VIII.1.7 Conclusion sur l’apport de la résolution
VIII.2 Effets de l’advection
VIII.2.1 Compensation des effets topographiques.
VIII.2.2 Effets de rectification
VIII.3 Effets Topographiques
VIII.3.1 Effet du lissage
VIII.3.2 Effet de la ride des Tonga
VIII.4 Conclusion sur les tests de sensibilité.
Conclusion
Annexe 1 : Article « in Press » J. Phys.Oceanogr.
Annexe 2 : Maes et al.2007. Geophys. Res. Lett.
Références bibliographiques

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