Cinétique chimique sur la précipitation des minéraux carbonatés en milieu poreux
Caractérisation des hétérogénéités
Quelques travaux réalisés sur l’étude des hétérogénéités du milieu poreux (étude bibliographique)
Ces dernières années, plusieurs synthèses ont été publiées sur la façon de décrire la variabilité spatiale du milieu géologique. Nombreuses sont les méthodes développées qui concernent les domaines divers de recherche : hydrogéologie, environnement, géologie. Dans le modèle de transport réactif, une méthodologie de caractérisation de l’hétérogénéité minérale dans le milieu poreux est élaborée par Glassley et al. (2002). La méthode permet de comparer la porosité, la perméabilité et la minéralogie du milieu, dans le cas homogène ou non (la représentation de la distribution discrète des minéraux). La mise en place des hétérogénéités est décrite comme suit par ces auteurs : – Pour la construction de la porosité: on utilise le traceur « Iode », pour cartographier sa quantité et sa distribution. Les cartes des éléments obtenus sont numérisées et utilisées pour construire des cartes d’occurrence minérale et de la porosité et ainsi d’évaluer des tailles des grains et des minéraux.
Incertitude sur l’état initial et hétérogénéité du milieu poreux (étude bibliographique)
Les cartes numérisées ont été également utilisées pour permettre la construction d’un maillage de calcul en 2D, de telle sorte que chaque cellule contienne un seul minéral (quartz, cristobalite, du feldspath potassique) et possède une surface géométrique calculée sur la base de la taille des grains et de la porosité des minéraux. Pour le cas où le milieu est homogène, dans chaque cellule, une quantité de minéral est fixée. Chaque minéral (quartz, calcite, et K-feldspath) est fixé et distribué d’une manière homogène, de même que la porosité. Des simulations de transport réactif sont ensuite menées dans les deux cas (homogène et hétérogène). L’analyse des résultats indique que la variabilité spatiale de la chimie de la solution simulée correspond à l’échelle spatiale de l’hétérogénéité. Cette observation peut être utilisée comme un guide pour déterminer si l’hétérogénéité de la composition doit être représentée dans le maillage de calcul ou non. Nous reprenons ici les travaux de Marco De Lucia et de Franck Diedro, qui analysent l’effet des hétérogénéités sur les propriétés du milieu poreux. De Lucia et al. (2011), ont travaillé sur la quantification de l’effet de la variabilité spatiale des milieux géologiques dans les simulations du transport-réactif. Des champs de perméabilité et de porosité avec une variabilité spatiale sont simulés. Des minéraux à concentrations variables ont également été étudiés. Les simulations ont été réalisées sur une géométrie élémentaire en 2D. Il s’agit de l’étude de réaction chimique simple de la dissolution de la calcite, avec rétroaction positive par l’augmentation de la porosité. Les auteurs supposent que les réactions de dissolution ou de précipitation des minéraux modifient la structure microscopique du milieu, et par suite les caractéristiques hydrodynamiques du système, notamment la perméabilité. Des simulations géostatistiques non-conditionnelles de la perméabilité et de la porosité ont été réalisées, pour mettre en place la variabilité spatiale portant sur une plage de valeurs pour les paramètres les plus pertinents. Les résultats montrent que dans le cas hétérogène, le système étant contrôlé par la vitesse de réaction (cinétique lente), les réactions qui se produisent se rapprochent du cas des réactions homogènes dans l’ensemble du domaine, la réaction devient moins nette et les hétérogénéités deviennent moins importantes : le système se comporte de manière similaire au cas homogène. Le rôle de la cinétique est double: lorsque les réactions sont limitées par le taux de transport (réactions rapides), la baisse des taux de réaction augmente l’écart au cas homogène. Les conditions les plus favorables pour développer et multiplier les hétérogénéités sont caractérisées par une grande portée (longueur de corrélation) et un petit palier (une petite dispersion), associés à une forte variance de perméabilité, une corrélation entre porosité et perméabilité proche de 1. Diedro et al. (2013) ont discuté l’étude de l’influence de la variabilité initiale des réservoirs géologiques sur le stockage souterrain du CO2 : D’une part dans une première étude, les paramètres du variogramme sont fixés et plusieurs simulations sont réalisées, ce qui fournit une distribution de valeurs pour les paramètres opérationnels et permet le calcul d’une variance, apparentée à une variance de répétabilité. Dans une deuxième étude, une analyse de sensibilité permet d’examiner l’influence des paramètres des variogrammes (palier, portée, effet de pépite) sur le stockage du CO2. À cet effet, la méthodologie des plans d’expériences est utilisée. Une étude de conception expérimentale a été réalisée qui consiste à faire varier les paramètres initiaux autour de leur valeur moyenne afin de déterminer leurs impacts sur deux paramètres opérationnels, la quantité de carbone stockée dans le réservoir et la porosité moyenne. L’approche est similaire à celle de De Lucia et al., (2011), mais avec une étude du système géochimique plus complexe, inspiré du réservoir carbonaté du Dogger du bassin de Paris. Cette formation du Dogger est mise à l’étude, car il est prévu de stocker du dioxyde de carbone dans le réservoir carbonaté similaire à la Dalle Nacrée, l’Oolithe blanche et le Comblanchien. Les variabilités pétrophysique et minéralogique (variogramme, moyenne et variance) des champs ont été obtenus à partir de mesures physiques et de l’analyse chimique de la roche. Ensuite, les méthodes géostatistiques multivariables permettent de simuler la corrélation en tenant compte des variables, telles que le couple porosité / perméabilité et aussi les minéraux. Les principaux minéraux pris en compte sont des silicates (quartz, illite, chlorite, la kaolinite) et des carbonates (calcite et dolomie). Les observations sur le terrain montrent que la dolomite n’est pas présente de manière uniforme à l’échelle du réservoir (elle est largement diagénétique) mais forme des îles ou des taches disjointes. Pour la modélisation géochimique, les silicates sont considérés comme un seul groupe noté TSM (Total Silicate Mineral) qui représente une fraction argileuse dont l’abondance est variable, mais dont les proportions minérales sont constantes (quartz 32,9%, chlorite 11%, l’illite 47,9%, kaolinite 8,2%). La répartition de la dolomite est indépendante et le champ de la calcite (majoritaire dans les réservoirs) est déduit de la relation de fermeture, i.e. calculée par soustraction des autres minéraux. 1.2 Incertitude sur l’état initial et hétérogénéité du milieu poreux (étude bibliographique) 17 Pour la construction des plans d’expériences, les trois groupes de paramètres donnent lieu à huit facteurs: – le variogramme du logarithme qui montre l’étalement de la dolomie (spot dolomie) est caractérisé par deux paramètres: le palier et la portée du variogramme; – la variabilité de silicate est caractérisée par trois paramètres: le palier, la portée et l’effet de pépite des Minéraux Total de Silicate (TSM) du domaine; – la pétrophysique est caractérisée par trois paramètres: le palier, la portée et l’effet de pépite, à la fois pour la porosité et la perméabilité qui sont liés. Les simulations ont été effectuées jusqu’à 2000 ans sur un champ de 1000m × 1000m, avec un maillage de 80 × 80 cellules de 12,5 m de largeur. Le réservoir considéré est composé de carbonates, notamment de la calcite, de la dolomite et du silicate (l’illite, le chlorite, la kaolinite et le quartz). Du CO2 a été injecté dans un réservoir carbonaté hétérogène, avec une saturation résiduelle dans le milieu poreux sous une pression de 150 bars, une partie du CO2 est dissout dans l’aquifère, qui est un aquifère mobile se déplaçant à une vitesse de 1m/an. Cette configuration simule un domaine dans lequel l’invasion de l’aquifère par le CO2 a modifié l’équilibre du système et entretient les réactions chimiques dans le réservoir. Une conséquence importante de la répartition des taches de dolomite dans la roche sur les valeurs aléatoires de carbone a été identifiée. Quelle que soit la valeur du palier du variogramme du champ de la dolomite, la quantité de carbone stocké augmente lorsque la surface occupée par la dolomite augmente. Une répartition très large de la dolomite facilite la précipitation des carbonates (le piégeage minéral) dans le réservoir. Un effet similaire est également obtenu pour la variation de la porosité moyenne. La précipitation d’un minéral réduit la porosité moyenne. En effet, les résultats montrent que la porosité moyenne diminue lorsque la surface occupée par la dolomite croît. Il est important de noter qu’à l’exception des variations de l’étendue des taches de dolomite, de petites erreurs dans la modélisation du variogramme pour les paramètres de l’effet de pépite, le palier et la portée de la pétrophysique et l’effet de pépite des silicates ne provoquent pas d’importantes variations sur le carbone solide stocké et sur le changement de la porosité moyenne. Deux études supplémentaires ont été effectuées. La première a conclu que la variabilité inférée par la dispersion statistique est plus faible que la variabilité inférée par perturbations sur les paramètres de variogramme. La deuxième étude consiste à expérimenter avec une quantité constante de dolomite et confirme le rôle important de la dolomite. Tous les résultats montrent qu’une grande Chapitre 1. : Etude bibliographique et objectifs de la thèse 18 extension de la dolomite conduit plus grande réactivité, et facilite les réactions de précipitation dans le réservoir.
Exemple d’approche par mesure locale
Dans leur recherche W. Glassley et al. (2002), pour représenter le modèle de transport qui simule les processus dans les milieux poreux ont comparé deux méthodologies : la représentation homogène de la perméabilité, de la porosité, de la distribution et des surfaces minérales avec la représentation discrète de ces mêmes propriétés (pour le cas hétérogène). Lors de la mise en place de la distribution discrète, un échantillon de roche (du tuf fracturé provenant de Ucca Mountain, Nevada) est cartographié en détail à l’aide de rayons X, les distributions de la porosité et des minéraux sont ainsi décrites sur la cartographie après numérisation. Cet échantillon possède clairement une minéralogie hétérogène due à la répartition des phénocristaux. Afin de décrire au mieux la réalité, la distribution hétérogène des minéraux est réalisée à partir de la numérisation de la carte obtenue par observation par spectrométrie de fluorescence X d’un échantillon de roche. A partir de cette méthode d’analyse chimique, il déduit la composition élémentaire (les concentrations massiques des éléments). La porosité est détectée à partir d’un traceur (l’iode I). Des simulations du transport-réactif sont ensuite effectuées en utilisant le code GIMRT, qui simule les processus dans le milieu poreux permettant de représenter la porosité, la perméabilité et la minéralogie: homogène et hétérogène. Avec une distribution discrète du minéral, on aboutit à la conclusion que les débits lents, en temps de séjour du fluide, donnent des résultats pour la composition des fluides qui sont très similaires à ceux obtenus dans le cas homogène de distribution des minéraux. A un débit plus élevé, où les temps de séjour du fluide est de l’ordre de heures par mm2, un contraste dans la composition du fluide persiste dans le domaine d’écoulement. Les solutions dans les deux cas permettent d’atteindre les mêmes caractéristiques de composition au cours du temps qui dépend de l’échelle de l’hétérogénéité le long du chemin de l’écoulement. Par exemple, une augmentation de 10 fois le flux de fluide ne peut pas réaliser la même composition chimique du fluide après un écoulement d’une distance 10 fois plus grande. Cela s’explique par le couplage non linéaire entre la chimie des fluides et des flux qui est lié à la nature cinétique de ce système.
Exemple d’approche par simulation stochastique
Pour l’introduction du concept de variables aléatoires, de Marsily et al. (2005) ont passé en revue l’ensemble des techniques disponibles pour décrire le problème de l’hétérogénéité afin de définir une perméabilité équivalente. Les techniques sont soit continues comme l’approche géostatistique, soit discontinues tels les modèles de faciès, booléens, ou bien par indicatrices ou gaussiennes. Il existe aussi les modèles génétiques qui ont la capacité de mieux incorporer dans les modèles de faciès les observations géologiques. La méthode géostatistique est largement utilisée pour décrire l’hétérogénéité, sa conception est relativement simple, les paramètres utilisés sont réduits généralement à trois : la variance, la portée et le type de variogramme utilisé. Néanmoins, l’outil géostatistique consiste à construire un (des) modèle(s) de la réalité mais ne reproduit pas exactement la réalité elle-même, les hétérogénéités naturelles sont beaucoup plus complexes que ce que n’importe quel modèle peut prendre en compte.
Introduction générale |