CHRONIQUE D’UNE CRISE ANNONCÉE
La crise actuelle succède certes à beaucoup d’autres : depuis vingt ans, on ne compte pas moins de neuf crises – une tous les deux ans – plus ou moins locales et d’origines et de conséquences diverses mais cette fois, la crise est mondiale et le système bancaire a été au cœur des difficultés. Or, celui-ci est le poumon de l’activité économique, de son financement, la courroie de transmission de la politique monétaire et, à ces titres, tout dysfonctionnement revêt un caractère sérieux car il met en danger la confiance des agents économiques, perturbe leurs comportements et peut avoir des conséquences très lourdes pour l’activité et l’emploi. C’est en raison de ce risque systémique, longtemps sous-estimé, que les pouvoirs publics, lorsqu’ils ont pris conscience qu’ils étaient le seul rempart pour endiguer une panique financière, ont partout réagi avec vigueur et force.
Cette crise est le résultat d’un ensemble de comportements délibérés de la part des acteurs. C’est une crise d’un système qui s’est révélée sur les excès d’une des activités financières : le transfert du risque du prêteur à des contreparties diversifiées. L’économie de marché est, par principe, favorable au développement, à la concurrence, à la dérégulation. Or, le système bancaire est lui soumis à des règles prudentielles strictes qui limitent la croissance de son bilan donc de ses activités en particulier celle de monteur et distributeur de crédits.
Les issues pour accroitre la capacité de crédit du système bancaire sont donc soit de faire faire du crédit à d’autres entités qui peuvent échapper à ces contraintes soit de transférer le risque. Ce transfert de créances, c’est la technique dite de titrisation. Née dans les années 1970, elle permet de transformer une créance bancaire, qui est vendue à un organisme financier (une banque d’investissement), en un titre pouvant faire l’objet de transactions. Depuis les années 1980, la titrisation concerne tous les crédits qu’ils soient hypothécaires ou non. Pour tirer tout le parti de cette technique de titrisation, l’innovation financière a naturellement créé des produits dérivés appliqués au crédit, les Collateralized Debt Obligations (CDO) et des contrats d’assurances,
Les Credit Default Swap (CDS)
C’est au travers de ces techniques et produits multiples que les banques d’investissement, principalement américaines, ont pu développer dans les années 2000 un véritable modèle parallèle de distribution de crédits destinés directement à être revendus et titrisés (modèle Originate To Distribute (OTD)). Ces banques ont été très imaginatives, jusqu’à créer des véhicules coquilles (SIV) non régulés qui achetaient aux préteurs, en s’endettant à court terme, des paquets de crédits divers dont des subprimes de différentes origines, des crédits à la consommation etc. Restructurés et revendus par tranches plus ou moins risquées.