Choix du régime d’ancrage à un panier de devises
Effets de l’arrimage à une seule monnaie sur le commerce extérieur de pays membres de l’UEMOA : Côte d’Ivoire et Sénégal . Au cours des trois dernières décennies, le commerce des pays d’Afrique apparaît faible et marginal par rapport aux autres régions du monde, notamment celles en développement ou émergentes. Sa part dans les échanges mondiaux est en régulière baisse. A cet égard, la part des exportations de marchandises est passée de 4,5% en 1983 à 2,2% en 2016 (WTO, 2017). De plus, même si la part de son commerce intra régional dans son commerce total est en léger progrès depuis le milieu des années 1990, elle demeure en-deçà de 10% en 2006. Un niveau bien inférieur à ceux des pays en développement d’Asie (environ 45%) et d’Amérique latine (près de 20%) (CNUCED, 2009). Les flux commerciaux des pays de l’UEMOA se sont accrus en moyenne de près de 10% par an entre 1990 et 2011 (BCEAO, 2013). Leurs activités économiques sont de plus en plus intégrées au commerce mondial, avec un taux d’ouverture de l’ordre de 32% en 2011, contre 17% en 1993. Cette évolution est à la fois imputable aux importations de biens et services qu’à leurs exportations, du fait notamment des politiques de libéralisation mises en place au cours de la période. Les échanges extérieurs de biens et services constituent ainsi l’une des principales composantes de leur balance des paiements et sont, à cet égard, déterminants dans l’évolution de leur position extérieure. En effet, ils représentent environ 85% des flux de transactions courantes, dont 65% pour les marchandises et 20% pour les services (BCEAO, 2014). A cet égard, les exportations de biens des pays de l’UEMOA ont connu une hausse passant de 24,3% du PIB entre 2000 et 2006 à 25,6% du PIB au cours de la période 2007-2013, soit une amélioration de 1,3 point du PIB. Quant aux importations, elles sont passées de 24,1% du PIB entre 2000 et 2006 à 30,3% du PIB sur la période 2007-2013, soit un accroissement de 6,2 points (BCEAO, 2014). Le commerce extérieur de l’Union reste dominé par l’exportation de produits de base (produits agricoles et miniers) et est soumis à la persistance de contraintes structurelles internes, ainsi qu’à des fluctuations importantes, en liaison avec l’orientation de la conjoncture internationale. En 2008, la situation des marchés internationaux des matières premières a été caractérisée par la hausse des cours de la quasi-totalité des produits exportés par les pays 10 membres de l’UEMOA. Par conséquent, l’absence de manipulation du taux de change ne leur a pas épargnés des fluctuations du taux de change de ces dernières années. Selon Girardin (1994), le taux de change remplit un double rôle dans une petite économie ouverte. Ses variations peuvent réaliser et sauvegarder la compétitivité internationale et ainsi garantir une balance des paiements viable. Dans ce contexte, on s’interroge de la pertinence de la parité actuelle du franc CFA. Il devient donc nécessaire d’examiner les effets de l’arrimage à une seule monnaie sur le commerce extérieur de pays membres de l’UEMOA. Ce qui nécessite donc d’analyser spécifiquement le profil des partenaires commerciaux. Ce travail nécessite également d’identifier la relation existante entre le taux de change des principaux partenaires et le commerce extérieur. Compte tenu des contraintes de données, ce travail de recherche porte sur la Côte d’Ivoire et le Sénégal. Nous faisons la recherche en partant de l’hypothèse selon laquelle il existe une relation négative entre le taux de change et le commerce extérieur.
Revue de la littérature sur la relation entre taux de change et commerce extérieur
Les nombreuses études basées sur l’effet des taux de change sur le commerce international menées jusque-là montrent une absence de consensus entre économistes. Selon le FMI, dans sa première étude sur le sujet en 1984 rapportée par l’OMC en 2011, les taux de change peuvent en principe influencer le commerce de diverses manières. Parmi tous ces canaux de transmissions, les premières analyses théoriques et les premiers modèles (1970 et 1980) de la relation entre les taux de change et le commerce international étaient essentiellement axés sur le risque commercial lié aux transactions internationales et sur l’incertitude générée par la volatilité à court ou long terme.
Aspect théorique de l’effet du taux de change sur les échanges commerciaux
Dans la littérature théorique, la plupart des auteurs s’accordent sur le fait que la variabilité des taux de change conduit à une réduction du volume du commerce international. Le point de vue selon lequel la volatilité accrue des taux de change a des effets défavorables sur le volume du commerce international est relativement répandu dans les études réalisées tout au long des années 1970 et 1980 (outre Clark, Hooper et Kohlhagen, voir entre autres Baron 11 (1976), Cushman (1983), Gros (1987), De Grauwe et Verfaille (1988), Giovannini (1988) et Bini-Smaghi, (1991)), à une période de volatilité accrue (FMI, 1984). Hooper et Kohlhagen (1978) affirment que la volatilité des taux de change implique un coût pour les exportateurs averses au risque et que cela entraîne une baisse du commerce extérieur, car bien que le prix du produit soit établi lors de la conclusion du contrat, le paiement est effectué uniquement à la date de livraison. Si le taux de change est volatil et très imprévisible, il y aura une incertitude sur les bénéfices. Ainsi, les avantages du commerce extérieur seront réduits. En outre, Sercu (1992) déclare que s’il n’y a aucun moyen de couverture ou si la couverture est trop coûteuse, l’augmentation de la volatilité du taux de change entraînera inévitablement une diminution du commerce, à condition que les opérateurs soient opposés au risque. Cependant, la notion selon laquelle la volatilité des taux de change affecte le commerce semble plus importante dans certains cas spécifiques et moins pertinent dans d’autres. Ce qui conduit à des résultats plus nuancés. Dans le premier ensemble de modèles, l’effet de la volatilité accrue des taux de change sur le commerce dépend beaucoup du niveau d’aversion au risque des commerçants. Comme l’indiquait De Grauwe (1988), bien que « les exportateurs soient universellement contrariés par la volatilité des taux de change, certains peuvent décider qu’ils y gagneront en exportant plus ». Dans ce cas particulier, l’auteur souligne que la domination des effets revenu sur les effets de substitution entraîne une relation positive entre les fluctuations des taux de change et le volume des échanges5 . Broll et Eckwert (1999) confirment cette relation positive, mais seulement pour les entreprises qui peuvent réagir de façon souple aux variations de taux de change et réaffecter en conséquence leurs produits entre les marchés. Cette action a des chances d’optimiser les gains retirés du commerce dans un environnement de volatilité accrue, mais elle ne fonctionnera que si les entreprises en questions disposent d’un vaste marché intérieur sur lequel elles pourront de toute façon s’appuyer. Comme l’indiquent les auteurs, « la stratégie d’exportation est comme une option, car le marché intérieur est certain quel que soit le taux de change réalisé en fin de compte. Le prix intérieur est le prix « d’exercice » de l’option d’exportation réelle. Toutefois, un taux de change plus volatile implique aussi un risque d’exposition plus élevé pour 5 Dans le modèle de De Grauwe, la variabilité des taux de change a deux effets sur les entreprises qui hésitent à prendre des risques : un effet revenu, selon lequel la baisse d’utilité attendue de l’incertitude accrue des profits conduit l’entreprise à accroître ses ventes à l’étranger, et un effet de substitution, selon lequel l’incertitude accrue découlant de la volatilité des taux de change pourrait la conduire à réduire ses échanges. Au plus haut niveau d’aversion au risque, l’effet revenu dépasse l’effet de substitution. les entreprises internationales, cet effet fonctionnant en sens inverse. Les auteurs concluent que l’effet net de l’incertitude des taux de change sur la production et les exportations dans leur modèle tend à dépendre du degré d’aversion relative de l’entreprise au risque. Une deuxième série d’études explique la possibilité pour les entreprises de se prémunir contre les risques de change. La disponibilité d’une couverture financière grâce aux marchés des changes à terme aide à réduire l’incertitude générée par les fluctuations des taux de change nominaux, bien que les entreprises n’aient pas toutes le même accès aux facilités de couverture et puissent se comporter différemment selon le côté de la disposition de couverture où elles se trouvent. Alors que, selon Baron (1976), dans un monde où la seule source d’incertitude serait liée aux fluctuations des taux de change, des marchés à terme parfaits neutraliseraient les effets de la volatilité des taux de change sur le volume des échanges, Viaene et De Vries (1992) nuancent cette conclusion en estimant que les marchés à terme créent des « perdants » et des « gagnants » parmi les exportateurs et les importateurs qui sont sur les côtés opposés des opérations à terme. En outre comme indiqué dans le document du FMI (1984), les contrats de couverture du risque de change ne sont pas nécessairement disponibles dans tous les pays et pour toutes les catégories d’entreprises. Généralement, ils portent sur des montants assez importants, sont à échéance courte et ont des commissions élevées. En outre, ils ne visent qu’une part limitée des fluctuations possibles durant l’échéance proposée, car il est difficile par définition d’anticiper l’ampleur de ces fluctuations. Il est donc généralement admis que les grandes entreprises exportatrices sont mieux placées que les petites pour bénéficier d’une couverture de change. Caporale et Doroodian (1994) confirment que la couverture est disponible, mais qu’elle entraîne des coûts et des difficultés liées à l’imprévoyance des entreprises quant au moment et au volume des opérations de change. Obstfeld et Rogoff (1998) étudient le comportement des entreprises en matière de couverture en relation avec leur aversion au risque. Ils constatent que les entreprises peu enclines au risque se couvriront contre les fluctuations des taux de change, mais que les coûts de couverture et l’incertitude se traduiront par une hausse des prix d’exportation, qui aura un impact négatif sur la production et le commerce international.
Aspect empirique de l’effet du taux de change sur les échanges commerciaux
Tout comme dans la partie théorique, les vastes études empiriques de l’effet de la volatilité des taux de change sur le commerce menées restent quelque peu ambiguës. Comme 13 l’indique Taglioni (2002), « on présume habituellement que l’effet défavorable de la volatilité des taux de change (sur les flux commerciaux), s’il existe, n’est certainement pas grand ». Cette conclusion est globalement partagée par Ozturk (2006), qui présente un éventail assez large de données empiriques entre les années 1970 et le début des années 2000, certaines favorables et d’autres défavorables à l’hypothèse d’une relation négative entre la variabilité des taux de change et le commerce. De même, Coric et Pugh (2010), qui ont examiné en détail tous les travaux empiriques récents, concluent qu’en moyenne, la variabilité des taux de change exerce un effet négatif sur le commerce international. Au total, ils ont trouvé 33 études qui font ressortir une relation négative entre la variabilité des taux de change et le volume du commerce, et 25 qui aboutissent à la conclusion inverse. Parmi les études empiriques qui confirment une relation négative entre la volatilité des taux de change et le commerce international, l’ouvrage de Dell’Ariccia (1998) présente un intérêt particulier. L’auteur y examine l’impact de la volatilité des taux de change sur le commerce bilatéral des 15 membres de l’UE et de la Suisse sur 20 ans, entre le milieu des années 1970 et le milieu des années 1990. Selon les mesures de la variabilité utilisées, il constate une association négative entre les taux de change et le commerce et note que le commerce augmenterait dans des proportions allant de 10 à 13 pour cent si cette variabilité était ramenée à zéro. Rose (1999) trouve des résultats relativement similaires (effets négatifs faibles mais significatifs) avec un ensemble de données plus large le commerce augmentant également dans des proportions comparables si la variabilité disparaît entre des partenaires commerciaux très intégrés du point de vue économique6 . En outre, Dell’Ariccia et Rose constatent tous deux un impact assez fort de l’union monétaire sur le commerce, après avoir vérifié les effets « pays tiers » de la volatilité sur le commerce régional. Rahman et Serletis (2009) constatent que l’incertitude des taux de change a exercé un effet généralement négatif et significatif sur les exportations récentes des Etats-Unis, mais que les exportations ont répondu de façon dissymétrique aux chocs positifs et négatifs dus aux taux de change. Dans un modèle de gravité utilisant 25 années de données trimestrielles et des techniques de co-intégration, Chitet et al. (2010) ont examiné les exportations réelles de cinq économies émergentes d’Asie de l’Est entre elles, ainsi que vers 13 pays industrialisés. Les auteurs fournissent des données montrant nettement que la volatilité des taux de change a eu u impact négatif statistiquement significatif sur les exportations de ces économies émergentes. Ils ont également vérifié l’impact de la 6 Toutefois, dans des travaux antérieurs, Rose (1991) n’avait pas constaté de relation négative entre les taux de change et le commerce pour un ensemble de pays du G-7 durant les années 1980. 14 volatilité des taux de change des pays tiers, afin de déterminer si un accroissement de cette volatilité entre le pays importateur et les autres pays exportateurs favorisait les exportations bilatérales entre deux partenaires commerciaux. Leurs constatations tendent à confirmer que la volatilité non seulement absolue mais aussi relative est importante pour les exportations bilatérales des économies émergentes d’Asie de l’Est. Ils en concluent que la volatilité des taux de change dans les économies d’Asie de l’Est a un impact négatif significatif sur les exportations à destination du marché mondial.
Introduction Générale |