Le choc septique représente la forme la plus grave des réponses de l’organisme à une infection par un agent pathogène, c’est une véritable urgence médicale qui met en jeu le pronostic vital.
L’infection est définie comme un phénomène correspondant la présence ou l’invasion du tissus normalement stériles par des microorganismes pathogènes (1), le sepsis est le syndrome de réaction inflammatoire systémique en réponse à une infection, et le sepsis sévère correspond à la survenue d’une défaillance d’une grande fonction associée au sepsis. Le choc septique est la défaillance circulatoire définie par un sepsis sévère avec dysfonction d’organes et dont l’hypotension artérielle est réfractaire à l’expansion volumique, nécessitant la perfusion d’amines vasopressives (2). La physiopathologie du choc septique reste imparfaitement comprise en raison de la complexité de la réaction inflammatoire induite par l’infection avec l’activation de différents systèmes de l’organisme comme l’immunité acquise, la coagulation, ou le système neuroendocrinien (3). Il est considéré comme une succession d’événements biologiques secondaires à l’introduction dans l’organisme d’un agent étranger d’origine infectieuse (endotoxine, exotoxine, protéine virale, élément constitutif d’un champignon ou d’un parasite) et de la relation hôte-pathogène responsable de défaillances d’organes. Le traitement du choc septique exige la mise en œuvre de conduites thérapeutiques et diagnostiques multiples et complexes, dans un délai limité. Jusqu’à présent, aucun agent et aucune stratégie de traitement n’ont permis d’observer une efficacité suffisante pour qu’ils soient employés de façon systématique dans le traitement. Le traitement symptomatique de la défaillance cardio circulatoire repose principalement sur le remplissage vasculaire et l’utilisation de catécholamine .
Physiopathologie :
Le primum movens du sepsis sévère est l’interaction des cellules de l’inflammation activées (monocytes, macrophages et neutrophiles) avec l’endothélium vasculaire. Localement, puis de façon diffuse, apparaissent des microlésions endothéliales qui conduisent à une ischémie tissulaire d’aval. Cette série d’interaction et de conséquences endothéliales, plus ou moins diffuses, va également entraîner la libération de médiateurs (cytokines dont TNF, interleukines, protéases, leucotriènes, kinines, NO, composés plaquettaires, etc.) conduisant à une série de réactions en chaîne impliquant la cascade inflammatoire classique mais également le cycle de la thrombose .
Réponse immunitaire au cours du sepsis
Le système immunitaire inné est capable de reconnaître les agents infectieux par l’intermédiaire d’un nombre limité de récepteurs appelés Pattern-recognition receptors (PRR). Ces récepteurs reconnaissent des motifs conservés au sein des espèces bactériennes appelés Pathogen-associated molecular patterns (PAMPs). Les PAMPs peuvent être des molécules de surface (lipopolysaccaharide, lipoprotéines, flagelline, peptidiglycane…) ou bien des motifs internes libérés lors de la lyse bactérienne (fragments d’ADN, protéines de choc thermique). Quatre grandes classes de récepteurs PRR ont été décrites à ce jour : Les Toll-like Receptors (TLR), les C-type lectin receptors (CLR), les Retinoicacidinduciblegene 1-like receptors (RLR) et les nucleotide-binding oligomerizationdomain-likereceptors (NLR) appartenant aux complexes protéiques de l’inflammasome.
La réaction inflammatoire nécessaire à l’éradication de l’agent infectieux va provoquer des lésions tissulaires responsables de la libération d’alarmines (DAMPs : Damage-associated molecular patterns) qui vont aggraver l’inflammation. PAMPs et DAMPs constituent de véritables signaux de danger qui, au-delà des concepts de soi et non-soi, possèdent la capacité de déclencher rapidement une réaction immunitaire. La liaison de ces molécules à leurs récepteurs active des voies de signalisation qui conduisent à l’activation du facteur de transcription NF-κB, à la transcription de gènes de l’inflammation, à la production de cytokines proinflammatoire (TNF-α, IL-1, IL-6…) et de molécules antimicrobiennes (oxyde nitrique, défensines), et initient la maturation des cellules dendritique. Les cytokines augmentent l’activité bactéricide des cellules phagocytaires, contribuent au recrutement des leucocytes au site de l’infection, favorisent l’hématopoïèse et induisent la fièvre. Des densités importantes de PAMPs et DAMPs en rapport avec l’inoculum bactérien et les lésions tissulaires peuvent ainsi induire une activation généralisée de la réponse immunitaire et un véritable « orage cytokinique » qui fait qu’une réaction anti-infectieuse initialement favorable à l’hôte peut finir par devenir excessive et néfaste (1). Le système du complément est également capable de reconnaître des PAMPs. Trois voies distinctes permettent d’activer la cascade du complément : la voie classique activée par les complexes immuns, la voie alterne par la surface des pathogènes et la voie des lectines par des oligosaccharides bactériens. L’activation du complément permet la formation d’opsonines qui, en se fixant à la surface des pathogènes, vont favoriser leur phagocytose. Elle aboutit également à la formation du complexe d’attaque membranaire C5b-C6-7-8-9 qui induit la lyse des pathogènes, et la formation d’anaphylatoxines C3a et C5a, possédant un fort potentiel pro inflammatoire. La fraction C5a est en particulier un puissant activateur des polynucléaires neutrophiles et entraîne une hyperperméabilité capillaire. Les myeloid-derivedsuppressorcells (MDSC) constituent un ensemble hétérogène de cellules myéloïdes immatures. Elles possèdent deux contingents monocytaire et granulocytaire, et leur nombre augmente de façon importante dans de nombreuses situations d’inflammation aiguë. Elles sont impliquées dans la régulation ou la résolution de la réponse inflammatoire, en particulier par l’intermédiaire d’une inhibition des fonctions lymphocytaires T.
Activation de la coagulation
Lors du sepsis, l’augmentation de l’expression du facteur tissulaire par le LPS induit une surproduction de thrombine, la fibrine est alors produite en excès et la coagulation sanguine augmente. Les cytokines Jouent un rôle important dans cet état pro-coagulant, en particulier, l’IL-1 et l’IL-6 sont de puissants inducteurs de la coagulation tandis que L’IL-10inhibe l’expression du facteur tissulaire. L’état pro coagulant du sepsis provient également de la sousrégulation de trois protéines naturellement anticoagulantes, à savoir l’antithrombine, la protéine C et l’inhibiteur du facteur tissulaire. Deux grands systèmes sont donc impliqués dans le sepsis : l’inflammation et la coagulation.
Conséquences physiopathologiques
La cause ultime de mortalité chez les patients septiques est due à l’apparition du syndrome de défaillance multi-viscérale (SDMV) : Il existe une relation étroite entre le nombre d’organes défaillants, leur sévérité et le taux de la mortalité.
Conséquences cardio-circulatoires
La défaillance cardio-circulatoire observée au cours du choc septique associe :
− Une insuffisance circulatoire de type distributive. Sa traduction hémodynamique est typiquement hémodynamique avec débit cardiaque conservé ou élevé et résistances vasculaires systémiques basses en rapport avec la vasoplégie. Il existe une hypovolémie absolue ou relative liée à la vasoplégie et à l’hyperpermeabilité capillaire et veinulaire du sepsis. L’hypovolémie altère les conditions de charge ventriculaire.
− Une atteinte myocardique précoce et une vasodilatation périphérique avec maldistribution des débits sanguins régionaux entraînant une diminution de la perfusion tissulaire et une altération de la micro-circulation.
Conséquences respiratoires
L’atteinte pulmonaire de type SDRA dans les formes les plus sévères est rapportée dans environ 40% des cas. Quelques heures après l’agression initiale, il y a une nécrose des cellules épithéliales alvéolaires laissant l’interstitium en communication directe avec l’espace alvéolaire. Il y a donc formation d’un exsudat dans l’espace alvéolaire qui constitue un oedème pulmonaire de type lésionnel. Si l’agression disparaît, il se produit une phase de réparation avec formation d’un infiltrat mononucléé. Un rétablissement structurel et fonctionnel est observé chez la plupart des patients. Dans les autres cas, il se constitue une fibrose pulmonaire secondaire inconstamment réversible. Les dommages alvéolaires diffus sont responsables de l’hypoxie .
Conséquences hépatiques et intestinales
L’atteinte hépatique est une dysfonction secondaire de pronostic défavorable. Elle concerne les fonctions immunitaires et d’épuration du foie. Deux stades décrivent la dysfonction hépatique :
− Une phase primaire au cours de laquelle l’hypoperfusion microvasculaire hépatique est responsable d’une ischémie hépatique aiguë ; ce phénomène est réversible en l’absence de pathologie hépatique préexistante si le choc disparaît.
− Une phase secondaire, avec apparition de lésions endothéliales et parenchymateuses, phase pouvant se développer même si l’infection semble maîtrisée, l’endotoxine et les médiateurs inflammatoires ont une responsabilité dans l’expression de cette seconde phase.
L’atteinte de la muqueuse intestinale s’accompagne d’une augmentation de la perméabilité intestinale et d’une majoration des phénomènes physiologiques de translocation bactérienne, favorisé par l’acidose, d’hypo perfusion ou d’hypoxie, et le NO. L’atteinte hépatique est de sombre pronostic .
Conséquences rénales
Le rein est également atteint précocement dans le choc septique. Les mécanismes sont nombreux: hypovolémie, hypoxie, mais aussi atteinte des cellules endothéliales par précipitation des complexes thrombine-antithrombine au niveau glomérulaire à la phase initiale du choc septique. Plus tardivement, une exposition du sous endothélium et la production du vasoconstricteur .
Conséquences neurologiques
Au cours du choc septique, le cerveau peut être atteint par l’hypoxie, le bas débit, l’insuffisance hépatique ou rénale. Deux mécanismes peuvent être en cause : l’accumulation de toxines et l’augmentation des neurotransmetteurs sérotoninergiques, catécholaminergiques .
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