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Mode b : mise en commun d’électrons M-X – rétrodonation M→X
Les ligands X peuvent également permettre une rétrodonation du métal vers le ligand. Un recouvrement est possible entre une orbitale pleine du métal et une orbitale vacante du ligand. Les complexes de boryle constituent un bon exemple de ce type d’interaction. En effet par rétrodonation, l’orbitale vacante de l’atome de bore peut accepter la densité électronique du métal. La contribution de cette interaction n’est cependant pas si évidente à déterminer, car elle est en concurrence avec la stabilisation, que peuvent apporter les substituants du bore.
Mode c : donation métal→acide de Lewis
Les interactions dans lesquelles le transfert de densité ne se fait que dans le sens métal→ligand, sont beaucoup plus rares, une majorité des exemples concernant le ligand proton.
Interaction métal→proton
Différentes études théoriques et expérimentales ont montré que la force d’une interaction inter ou intramoléculaire H••••M augmente avec la basicité du métal.[36, 37] Ainsi, sur la base d’études par spectroscopie infrarouge, la force de l’interaction intermoléculaire entre un métal du groupe 9 et le proton d’un groupement hydroxyle (M••••H-O) augmente lors du passage de Co à Rh puis Ir. Brammer a été le premier à décrire cette interaction non pas comme une interaction agostique, mais comme une liaison hydrogène. En effet, le contact quasi-linéaire de l’hydrogène d’une amine avec un complexe de platine lui a permis de proposer une interaction à deux centres. Le complexe d8 plan carré présente ainsi une orbitale dz2, orientée perpendiculairement au plan, en direction de l’atome d’hydrogène. L’interaction correspond au recouvrement entre cette orbitale et une orbitale vacante antiliante de l’amine.[38, 39]
La simple interaction M→X où le métal sert de base de Lewis et X d’acide de Lewis est peu fréquente en dehors des cas présentés avec X = H. Quelques exemples existent avec des composés dans lesquels X = Ag.[40] Il en est de même concernant les acides de Lewis du groupe 13 que nous allons maintenant décrire plus en détail.
Dans l’histoire des complexes de boranes, l’interaction directe entre un métal de transition et un atome de bore acide de Lewis est discutée depuis les années 60. En effet, sur la base d’études par spectroscopie infrarouge et analyse élémentaire D. F. Shriver a postulé la présence d’une interaction W→B dans un adduit issu de la réaction entre un complexe de tungstène Cp2WH2 avec BF3.[41, 42] Cependant de récentes études s’appuyant cette fois sur des analyses par diffraction des rayons X montrent que cette réaction ne donne pas le complexe postulé, mais une paire d’ions avec l’addition formelle de « HF ».[43] Cette étude montre également que la réaction du même précurseur métallique avec un autre borane, tBuBCl2, conduit au greffage de l’acide sur un des cyclopentadiényles pour former le complexe zwitterionique.
C’est l’utilisation de métaux anioniques qui a conduit à la première interaction métal→acide de Lewis du groupe 13. En 1979, Burlitch et col. décrivent la réaction d’un complexe de fer anionique avec le triphénylalane conduisant à un complexe d’alane caractérisé à l’état solide.
L’interaction est caractérisée par une distance Fe-Al de 2,5 Å et un atome d’aluminium pyramidal [ΣαAl = 336°]. La réaction du même complexe de fer avec l’acide de Lewis triphénylborane semble conduire au même type de complexe d’après les caractérisations en solution (RMN, IR). L’absence d’étude par diffraction des Rayons X ne permet cependant pas de caractériser l’interaction Fe→B à l’état solide.
Il faut en fait attendre 20 ans pour que le premier complexe de type ruthénaboratrane à 18 électrons, mettant en évidence une interaction Ru→B, soit décrit par A. Hill.[44] L’étude structurale par diffraction des Rayons X montre un atome de bore pyramidal [ΣαΒ = 325,2(12)°] et une distance Ru-B de 2,161 Å. Ce complexe est obtenu par la coordination tétradente du tri(azolyl)borate sur un précurseur de ruthénium [ClRu(PPh3)2(CO)R]. Le mécanisme proposé implique plusieurs étapes : la décoordination d’un des bras du ligand tripodal, la liaison agostique entre le métal et la liaison B-H à l’origine de l’insertion du métal dans cette liaison, puis le départ d’un groupement RH.
Par la suite, la variation du fragment métallique (Os, Pt, Co, Rh, Ir) et du ligand a permis la synthèse des complexes B[45], C[46], D[47], E[48] et F[49] qui permettent de comprendre quelques facteurs important dans cette interaction, mais aussi de soulever de nombreuses questions. La caractérisation des complexes C de Pt(II) et E de Rh(I) montre que l’interaction peut avoir lieu avec des métaux aux degrés d’oxydation positifs. L’obtention du cobaltaboratrane D par D. Rabinovich comme sous-produit d’une réaction permet de décrire la seule interaction M→B avec un complexe insaturé à 16 électrons, en effet l’ensemble des métallaboratranes décrits possède 18 électrons. Pour démontrer le mécanisme postulé, l’équipe d’A. Hill a travaillé sur un hydrure de ruthénium. [50] En effet, avec le précurseur métallique initialement utilisé, l’intermédiaire après addition du métal dans la liaison B-H se réarrange rapidement pour libérer RH. Afin d’essayer d’isoler cet intermédiaire et prouver ce mécanisme, A. Hill a utilisé un précurseur hydrure de ruthénium car la libération de dihydrogène est supposé moins rapide. Le composé isolé par réaction du ligand tri(azolyl)borate et du [RuHCl(CO)(PPh3)] est un complexe de ruthénium présentant une interaction Ru-H-B. A reflux du toluène, ce complexe ne se réarrange que partiellement pour donner le ruthénaboratrane attendu.Cet exemple confirme que l’étape clef de la formation du métallaboratrane ne fait intervenir que deux bras soufrés coordonnés. Il montre également la nécessité d’avoir un groupement R permettant la libération de RH et obtenir l’interaction M→B désirée.
Notons que le ligand cage utilisé impose stériquement la proximité du métal et de l’acide de Lewis favorisant ainsi l’interaction. Grâce à ce ligand une interaction M→B a pour la première fois été mise en évidence. La présence de trois bras bases de Lewis n’est cependant pas nécessaire à l’interaction M→B. En effet, la description plus récente d’un complexe d’iridium présentant une interaction Ir→B a pu être synthétisé avec un ligand tridentate selon le même mécanisme.[49]
Des études théoriques concernant la coordination axiale d’acides de Lewis sur des métaux d8 plan carré, ont été réalisées par l’équipe de S. Alvarez.[51] Elles montrent que la présence de l’orbitale non liante dz2 pleine d’un métal d8-ML4, perpendiculaire au plan du fragment métallique, permet une interaction axiale stabilisante avec un acide de Lewis.
Par ailleurs, la contribution d’une interaction M→BR3 a été décrite dans plusieurs exemples récents de complexes bimétalliques, dans lesquels un fragment métalboryle ponte un autre métal de transition.[52-55] Un modèle du complexe de rhodium J a notamment été étudié théoriquement afin d’identifier les orbitales mises en jeu.[56] En accord avec les calculs de S. Alvarez, il montre ainsi l’interaction de l’orbitale dz2 du métal et de la lacune électronique de l’acide de Lewis.
OBJECTIF DE CE TRAVAIL
Comme nous venons de le voir, les acides de Lewis, en chimie organométallique, sont principalement utilisés en tant qu’activateurs dans des processus bimoléculaires.[13] Cette utilisation a permis des développements industriels très importants concernant la catalyse de polymérisation des oléfines et la recherche de systèmes toujours plus performants reste très active. Dans ce contexte, incorporer l’acide de Lewis au sein même d’un complexe organométallique ouvre des perspectives en catalyse seulement mises en évidence à ce jour par D. Zargarian.[26] L’étude bibliographique montre de plus qu’un acide de Lewis placé au sein d’un complexe métallique pouvait jouer deux autres rôles. Il peut d’une part servir de point d’ancrage pour un substrat, comme l’ont montré E. Jacobsen et H. Kagan.[20, 21] Il est capable d’autre part d’interagir directement avec le métal pour une interaction particulière dans laquelle le transfert de charge se fait uniquement dans le sens métal→ligand,[44] mais aucune étude n’a encore montré la réactivité de tels complexes.
L’objectif premier de ce travail est donc de mettre en évidence chacun des rôles potentiels d’un acide de Lewis vis-à-vis d’un fragment métallique avec un même type de ligand. A cette fin, nous utiliserons des ligands, dits ambiphiles, possédant à la fois des sites base de Lewis et acide de Lewis. La variation des propriétés des différents acteurs de la coordination sera étudiée. La caractérisation expérimentale et les investigations théoriques, nous permettront d’identifier les facteurs influençant les différents modes de coordination.
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE
I. LE BORE EN TANT QU’ACIDE DE LEWIS
II. LES ACIDES DE LEWIS COMME COCATALYSEURS ET POINTS D’ANCRAGE
III.BASICITE DES METAUX DE TRANSITION ET INTERACTION M→BR3
IV.OBJECTIF DE CE TRAVAIL
CHAPITRE II : SYNTHESE ET STRUCTURE DES COMPOSES AMBIPHILES
I.MONOPHOSPHINE-BORANE
II.LIGANDS DI ET TRIPHOSPHINE AVEC L’ESPACEUR PHENYLE
II.CONCLUSION
CHAPITRE III : CHIMIE DE COORDINATION DES LIGANDS MONOPHOSPINE-BORANE – PARTIE 1
I.MODE 1 : SIMPLE COORDINATION DE LA PHOSPHINE AVEC L’ACIDE DE LEWIS SPECTATEUR
II.MODE 2 : DOUBLE COORDINATION P→Pd-Cl→B
III.MODE 3 : ETUDE THEORIQUE ET EXPERIMENTALE
IV.PERSPECTIVES CONCERNANT L’ACTIVATION M-X
V.CONCLUSION
CHAPITRE IV : CHIMIE DE COORDINATION DES LIGANDS DIPHOSPINE-BORANE
I.COORDINATION DU COMPOSE DIPHOSPHINE-BORANE SUR UN PRECURSEUR DE RHODIUM (GROUPE 9, d8)
II.COORDINATION SUR DES METAUX d8 DU GROUPE
III.COODRINATION SUR UN PRECURSEUR DE CUIVRE (d10, GROUPE 11)
IV.CONCLUSION
CHAPITRE V : CHIMIE DE COORDINATION DES LIGANDS MONOPHOSPINE-BORANE – PARTIE 2
I.MISE EN EVIDENCE D’UNE INTERACTION Au-B
II. ETUDE DE L’INTERACTION Au-B
III.PERSPECTIVES EN CATALYSE
IV.CONCLUSION ET PERSPECTIVES
CONCLUSION GENERALE
ANNEXE