Changement global et cycle hydrologique
De l’importance du cycle de l’eau dans la machine climatique
Le premier de ces principes, comme moteur et comme suprieur, c’est le cercle dans lequel videmment la rvolution du soleil, divisant et runissant selon qu’il est plus rapproch ou plus loin, est cause de la gnration et de la destruction des choses. La terre tant immobile, le liquide qui l’entoure vaporis par les rayons du soleil et par toute la chaleur qui vient d’en haut, est port vers le haut. Quand la chaleur qui l’a lev vient à manquer, soit qu’elle se disperse dans la rgion suprieure, soit mˆeme qu’elle s’teigne parce qu’elle est emporte plus loin dans l’air qui est au-dessus de la terre, la vapeur refroidie par la disparition de la chaleur et par le lieu se runit de nouveau, et redevient eau, d’air qu’elle tait ; l’eau ainsi reforme est porte de rechef vers la terre. Aristote (384 av. J.-C. ; 322 av J.-C.)-Mtorologie. Traduction de J.Barthlemy Saint-Hilaire (1863) Si l’ide que le cycle de l’eau et le climat sont troitement lis n’est pas nouvelle -comme la citation d’Arsitote ci-dessus le montre-, elle prend nanmoins une nouvelle importance dans le contexte du changement climatique. Ainsi, prvoir l’volution du climat dans les dcennies à venir passe ncessairement par une bonne comprhension des processus du cycle hydrologique. D’autre part, le changement du climat s’accompagnera obligatoirement de modifications du cycle de l’eau. Vu l’importance que l’eau revˆet pour la vie en gnral et pour l’homme en particulier il est à craindre que certains des impacts les plus importants du changement climatique seront dus aux modifications du cycle hydrologique. L’eau est à la fois un lment cl de la machine climatique et de la vie sur Terre pour des raisons d’ailleurs en partie similaires. En effet, la molcule d’eau possède certaines caractristiques chimiques et physiques qui expliquent à la fois son rˆole dans le “mtabolisme” de la vie et dans celui de la planète. L’atome d’oxygène de la molcule d’eau tend à contrˆoler l’lectron partag avec chaque atome d’hydrogène dans une plus grande 7 Chap. 1. De l’importance du cycle de l’eau dans la machine climatique Fig. 1.1: Le cycle de l’eau selon Kircher (1601-1680). Cette gravure reprsente le cycle de l’eau selon une throrie populaire à l’poque de Kircher : l’eau des lacs est aspire par des tourbillons, remonte par capilarit en haut des montagnes, o`u elle jaillit alors des sources. A l’poque, pour de nombreuses personnes, l’eau des fleuves et rivières ne pouvaient pas provenir de la pluie. Les enseignements d’Aristote plusieurs siècles auparavant avaient t oublis. proportion, en raison de l’lectrongativit bien plus importante de l’atome d’oxygène. Ainsi, l’atome d’oxygène est en gnral ngativement charg, alors que la rgion autour des atomes d’hydrogène est postivement charge. Comme les deux atomes d’hydrogène se situent du mˆeme cˆot de la molcule, cette dernière a une structure dipolaire et nombre des proprits particulières de l’eau en dcoulent. En particulier, la structure dipolaire permet la cration de liaisons hydrogènes entre les molcules d’eau. De ces liaisons rsultent à la fois la grande capacit calorifique de l’eau, et ses chaleurs latentes de vaporisation et de fusion lves. La grande capacit calorifique de l’eau fait qu’elle peut absorber une quantit importante de chaleur pour une faible augmentation de temprature d’o`u une grande inertie thermique, et un effet tampon. Cette inertie thermique joue à la fois sur les processus vitaux (en limitant les variations thermiques des ˆetres vivants), et sur le climat (rˆole de l’inertie thermique des ocans, par exemple). Les grandes chaleurs latentes de l’eau font qu’elle peut absorber beaucoup d’nergie en un point (lors de l’vaporation notamment) et la librer ensuite à un autre endroit (lors de la condensation). L’eau joue ainsi un rˆole majeur dans la redistribution de l’nergie sur le globe. Pour finir, les liquides dipolaires comme l’eau sont aussi d’excellents solvants, et l’eau peut ainsi dissoudre une très large varit de composants. Cette proprit est particulièrement importante pour la vie, les membranes cellulaires tant uniquement permables à certaines substances dissoutes. Les utilisations de l’eau par l’homme sont multiples (besoin vital, hygiène, nergie, production industrielle et agricole…) et la gestion des ressources est d’ores et djà un enjeu critique de nos socits (voir encadr De l’eau et des hommes). Si le changement climatique n’est pas la seule ni mˆeme peut ˆetre la principale source d’inquitude pour la gestion de la ressource en eau, il ne fait guère de doute que les modifications du cycle hydrologique dues au changement climatique compliqueront encore sa gestion.
Le cycle hydrologique
Le cycle de l’eau global peut se rsumer approximativement de la fa¸con suivante : grˆace principalement à l’nergie fournie par le rayonnement solaire, l’eau s’vapore au dessus des surfaces ocaniques et terrestres (si de l’eau y est disponible). Cette vapeur d’eau est advecte par les vents puis se condense, formant les nuages et produisant les prcipitations. Les prcipitations continentales peuvent ˆetre stockes provisoirement sous forme de neige et d’humidit dans les sols. Contrairement aux ocans, il y a un excès de prcipitations par rapport à l’vaporation au dessus des terres : l’excès d’eau qui n’est pas vapor ruisselle, formant rivières et fleuves et retourne vers les ocans, bouclant ainsi le cycle. La Figure 1.2 tire de l’article de Trenberth et al. (2006) prsente un schma du cycle hydrologique ainsi qu’une estimation des principaux flux et rservoirs associs, intgrant des donnes rcentes de la meilleure qualit possible. Quelques chiffres de cette figure sont plus spcifiquement intressants. Tout d’abord, le stock de vapeur d’eau dans l’atmosphère est très faible (12 700 km3). Cette quantit quivaut à une lame d’eau d’environ 25 mm sur la surface de la Terre. Cette valeur est d’ailleurs de l’ordre de grandeur de la quantit de vapeur d’eau prcipitable dans l’atmosphère aux moyennes latitudes. Cette lame d’eau correspond grossièrement sur 24 heures aux moyennes latitudes à un vnement intense, sans ˆetre exceptionnel. La faiblesse du stock d’eau atmosphrique fait que la quantit de vapeur d’eau prsente dans l’atmosphère peut ˆetre un lment limitant du dveloppement des systèmes prcipitants. En considrant en parallèle le flux de vapeur d’eau vers l’atmosphère, on peut estimer que le temps de rsidence moyen de l’eau dans l’atmosphère est de l’ordre de seulement 10 jours. L’eau atmosphrique se renouvelle donc en moyenne très rapidement. Ceci explique d’ailleurs pourquoi la vapeur d’eau ne peut pas ˆetre considre comme un for¸cage du rchauffement climatique, mais constitue une Rétroaction. Le stock d’eau constitu par l’humidit des sols est plus important que le stock atmosphrique (le chiffre est aussi beaucoup plus incertain, si l’on en croit la dispersion des diffrentes estimations existantes). Nanmoins, le temps de rsidence moyen de l’eau comme humidit des sols est aussi relativement faible (ici de l’ordre de l’anne, mais
Couplages et rétroactions
Estimation des principaux rservoirs (police normale) en 103 km3 et des principaux flux au travers du sytème (police italique) en 103 km3/year. Source : Trenberth et al. (2006) on trouve des estimations allant du mois à l’anne). L’humidit des sols joue un rˆole important dans la machine climatique : lorsque de l’eau est disponible dans le sol, une vaporation accrue peut rpondre à une augmentation d’nergie en surface, modrant alors le rchauffement qui aurait eu lieu sans augmentation d’vaporation. Le stock constitu par les eaux souterraines est très important (15.3 106 km3), mais son importance climatique est faible. Pour finir, le rservoir d’eau sous forme de glace est le plus important après les ocans et il reprsente environ 2% du stock ocanique.
Couplages et rétroactions
Le cycle de l’eau et le climat sont inextricablement lis. Lorsque de l’eau en surface s’vapore grˆace à l’nergie fournie par le soleil, de l’nergie est stocke sous forme latente dans la vapeur d’eau. En raison des mouvements de l’atmosphère, cette vapeur d’eau condense après s’ˆetre dplace, librant alors l’nergie stocke. L’eau est ainsi au cœur d’un des principaux modes de transport de l’nergie du système climatique. L’eau atmosphrique joue aussi un rˆole majeur dans le budget radiatif terrestre, la vapeur d’eau tant un GES très efficace, le principal GES de l’atmosphère. De plus, les nuages, rsultant de la condensation de la vapeur d’eau, ont à la fois un effet rflchissant sur le rayonnement solaire incident, et sont responsables d’un effet de serre : ils jouent ainsi un rˆole important et complexe dans le climat. On peut citer d’autres exemples d’interactions climat/cycle de l’eau, à des chelles .L’eau joue un rˆole majeur dans le “le thermosat CO2- silicates” : les prcipitations influent sur le taux d’altration chimique des silicates, raction capturant du CO2 atmosphrique, et rgulant ainsi sa concentration dans l’atmosphère (Pierrehumbert, 2002). Les tudes paloclimatiques enseignent que les variations du cycle de l’eau ont souvent jou un rˆole important par le pass dans l’volution du climat. Ce serait par exemple le cas lors de l’entre en priode glaciaire il y a 115 000 ans. Les changements d’insolation auraient amplifi le gradient mridien de temprature de surface ocanique (TSO), conduisant ainsi à un transport d’humidit accru de l’ocan tropical plus chaud vers le nord du continent amricain, rsultant en une augmentation des chˆutes de neige au dessus des rgions o`u les calottes polaires se mirent à croˆıtre (Ramstein et al., 2005). Il est donc clair que le cycle de l’eau et ses modifications vont jouer un rˆole majeur dans le contexte du changement climatique d’origine anthropique. L’eau est ainsi au cœur des rétroactions climatiques les plus importantes allant affecter notre climat futur (Karl et Trenberth, 2003) :
Rétroaction de la vapeur d’eau
A mesure que la temprature de l’atmosphère s’lève, sa capacit à contenir de la vapeur d’eau augmente. Au final la quantit de vapeur d’eau atmosphrique augmente aussi. Comme la vapeur d’eau est un GES puissant, cela entraˆıne un renforcement de l’effet de serre caus initialement par les GES anthropiques.
Rétroaction des nuages
Les nuages rflchissent vers l’espace le rayonnement solaire incident, provoquant ainsi un refroidissement mais aussi piègent le rayonnement infrarouge montant, provoquant alors un rchauffement. Selon les proprits optiques des nuages, leur altitude, et leur localisation, ils peuvent conduire soit à un rchauffement, soit à un refroidissement. Cette Rétroaction est une des principales sources d’incertitude pour la sensibilit climatique.
Rétroaction neige-glace/albdo
Le rchauffement de la surface terrestre peut conduire à une diminution du couvert en neige et en glace, d’o`u une modification des proprits radiatives de la surface terrestre, avec une diminution de l’albdo, une absorption du rayonnement solaire accrue, et au final un rchauffement. La Figure 1.3 (d’après Bony et Dufresne, 2007) donne une quantification du rˆole de ces diffrentes rétroactions dans le changement de temprature global ainsi que les incertitudes associes, en rponse à un doublement de la concentration en CO2. Les modèles climatiques participant au 4ème rapport du Groupe d’Experts Intergouver
Couplages et rétroactions
La barre noir à gauche est la moyenne multi-modèle. L’incertitude associe est donne par la barre adjacente. Les contributions moyennes à ce rchauffement sont indiques sur la barre colore. 2xCO2 correspond à l’estimation lorsqu’on nglige les rétroactions climatiques et nuages, albedo, vap. correspondent aux parts dues aux diffrentes rétroactions. Les 4 barres d’erreurs à droite illustrent l’incertitude associe à chacune des contributions.
Rsum |