Changement climatique sur la ville par descente d’échelle statistico-dynamique
Modélisation de la canopée urbaine avec TEB
Les modèles de canopée urbaine (UCM pour Urban Canopy Model) ont été développés pour représenter les échanges de surface spécifiques au milieu urbain, principalement pour la modélisation météorologique à méso-échelle (Masson, 2006) et plus récemment pour la modélisation climatique à haute résolution (Masson et al., 2020). Ces modèles sont des paramétrisations qui ne résolvent pas de façon explicite tous les éléments composant le paysage urbain mais se basent sur certaines hypothèses simplificatrices. Leur niveau de sophistication varie d’un modèle à l’autre, quant à la description de la complexité de la géométrie urbaine et la résolution des échanges turbulents à l’intérieur des rues et avec l’air au-dessus. En outre, ils n’ont pas tous le même niveau de détail dans la représentation des processus physiques (Grimmond et al., 2010, 2011) : prise en compte de la végétation urbaine, échanges en eau, comportement énergétique des bâtiments, etc. Le modèle de canopée urbaine utilisé dans cette thèse est le modèle TEB qui fait aujourd’hui référence dans la communauté scientifique sur le climat urbain. Ce modèle existe dans différentes versions plus ou moins sophistiquées selon les cadres d’applications. Il présente, en particulier, l’avantage d’intégrer un ensemble de processus assez complets, décrits plus en détail par la suite, permettant de réaliser des études d’impacts en milieu urbain relatives au confort thermique et à la consommation d’énergie.
2.1.1 Principe général et processus physiques
Le modèle TEB a été développé par Masson (2000) et constitue le premier modèle basé sur l’approche de « canyon urbain » (figure 2.1) en référence au concept développé par Nunez et Oke (1977). Un canyon urbain est défini par les toits, murs et sols séparant deux unités urbaines (p. ex. des bâtiments), et le volume d’air à l’intérieur de ce canyon qui s’étend jusqu’à la hauteur des bâtiments qui le composent. Dans sa version historique, TEB ne tient compte que des surfaces artificialisées, le canyon étant composé exclusivement de bâtiments et routes, sans végétation. Il utilise cette approche bidimensionnelle (2D) en décrivant les rues comme étant de longueur infinie sans intersection, sans orientation particulière (selon une hypothèse d’orientations équiprobables) et en paramétrant une couche d’air unique à l’intérieur du canyon. Au sein d’une maille numérique de calcul du modèle (pouvant couvrir des résolution horizontales variables, de quelques kilomètres à la centaine de mètres), le tissu urbain est représenté par ce canyon moyen décrit par des caractéristiques géométriques, c.-à-d. la densité bâtie, la hauteur moyenne des bâtiments et la densité surfacique de murs (c.-à-d. la quantité de surface de murs en contact avec l’atmosphère), des propriétés de conductivité thermique Figure 2.1. Représentation schématique du canyon urbain tel qu’utilisé dans la version historique de TEB. Les températures (T) et contenus en eau (W) sont calculés pour trois types de surface : le toit (R), le mur (W) et la route (r). Source et détails supplémentaires : Masson (2000). et capacité calorifique des matériaux constitutifs des bâtiments et des routes, et des propriétés réflectives des facettes externes. Malgré une géométrie simplifiée, une telle approche permet de prendre en compte les processus clefs qui gouvernent le développement du micro-climat urbain, et en particulier de l’ICU. TEB résout un bilan radiatif séparé pour chaque surface (toit, route, mur) en considérant les effets d’ombrage liés à la géométrie du canyon, et les inter-réflexions du rayonnement entre les différentes facettes du canyon. Il résout également un bilan d’énergie séparé par surface, ainsi qu’une équation d’évolution de la température pour les couches de matériaux constituant le toit, la route, et les murs, en fonction du bilan d’énergie en surface et des échanges de chaleur par conduction dans les matériaux. TEB traite également les échanges en eau en surface, en considérant une capacité d’interception des routes et des toits de l’eau issue des précipitations. Enfin, les conditions micro-climatiques de température et humidité de l’air, et de vitesse de vent sont calculées dans la rue (au milieu du canyon) en fonction des contributions énergétiques des surfaces environnantes par échanges de chaleur et de vapeur d’eau, et de l’effet de traînée moyen des bâtiments sur l’écoulement.
Développements du modèle adaptés aux études d’impacts
Depuis sa version initiale, TEB a connu un nombre important de développements visant à améliorer la modélisation de certains processus et ajouter de nouveaux modules pour une description plus complète du fonctionnement de la canopée urbaine. Ces avancées ont été motivées, en grande partie, par des projets de recherche antérieurs pour évaluer des stratégies d’aménagement et d’adaptation des villes sur la base de diagnostics adaptés et d’indicateurs d’impacts. La liste de ces développements est présentée dans le tableau 2.1, par thématiques. En particulier, deux sujets majeurs ont été traités : Représentation plus réaliste des systèmes végétaux en milieu urbain – Le nouveau module de végétation permet de représenter les interactions à fine échelle entre différents types de végétation urbaine et le bâti alentour, alors qu’à l’origine les deux types de surfaces étaient traitées de manière séparée (approche par « mosaïque », figure 2.2.a). Le but est de pouvoir étudier la réponse des conditions micro-climatiques du canyon sous l’influence de la végétation (e.g. ombrage des arbres de rues, ou rafraîchissement par évapotranspiration des végétaux). Ces développements ont permis d’étudier et évaluer des stratégies de végétalisation de l’espace urbain, à l’échelle de la ville, et les effets sur le confort, la demande énergétique et la ressource en eau (Daniel et al., 2018 ; De Munck et al., 2018a). Fonctionnement énergétique des bâtiments – Le module d’énergétique du bâtiment (BEM) a été implémenté dans TEB pour tenir compte de la façon dont les conditions météorologiques extérieures peuvent influer sur la température à l’intérieur des bâtiments, que ce soit directement en fonction de la température de l’air dans le canyon mais également en fonction du rayonnement incident par l’ajout de surfaces vitrées (figure 2.3). De plus, BEM simule le fonctionnement de systèmes de chauffage et de climatisation dans le bâtiment, en intégrant certaines hypothèses sur les comportements humains (choix des températures de consigne, calendriers d’usage etc.) (Schoetter et al., 2017). Ce module produit des diagnostics de consommations énergétiques liées à ces différents systèmes, et simule également leur impact sur les conditions extérieures par rejet de chaleur dans le canyon (p. ex. en période de vague de chaleur ; projet VURCA ; Viguie et al., 2020).
Introduction |