Champignon ectomycorhizien Scleroderma bermudense au Sénégal
Dans la nature, la majorité des végétaux terrestres vit en symbiose avec des champignons mycorhiziens (Bâ et al., 2011). La symbiose mycorhizienne est une association de type mutualiste entre une plante supérieure et un champignon du sol. Cette étroite relation s’élabore au niveau des racines. Les organes résultant de cette association sont appelés mycorhizes, du grec mukês pour champignon et rhiza pour racine. Le rôle majeur des mycorhizes est le prélèvement et le transport vers la plante des éléments nutritifs très peu mobiles dans le sol, principalement le phosphore (Bolan, 1991 ; Gianinazzi & Schüepp, 1994 ; Lambers et al., 2008). L’impact des champignons mycorhiziens sur la plante hôte ne se limite pas à une amélioration de l’acquisition de minéraux (micro et macro-éléments) par le végétal mais ces symbiotes exercent également une pression sélective sur les microorganismes saprophytes du sol tant au niveau de leur diversité génétique que de leur diversité fonctionnelle (Klett et al., 2005). Ils ont aussi un rôle significatif dans l’organisation spatiale et temporelle de l’évolution de l’écosystème. La structure mycélienne propre aux champignons fournit aux végétaux un bien meilleur accès à ces minéraux que ne le ferait le système racinaire nu. On estime à 86% la proportion de familles de plantes possédant des représentants pouvant former des associations mycorhiziennes (Brundrett, 2009 ; Tedersoo et al., 2010). La symbiose mycorhizienne est donc un phénomène général chez les plantes à l’exception de quelques familles comme les Brassicaceae, les Caryophyllaceae, les Cyperaceae, les Juncaceae, les Chenopodiaceae et les Amaranthaceae qui présentent peu ou pas d’associations mycorhiziennes (Strullu, 1991). On distingue sept types d’associations mycorhiziennes classés selon leur écologie, leur morphologie et leur structure : les mycorhizes à vésicules et à arbuscules (MVAs), les ECMs, les ectendomycorhizes, les mycorhizes arbutoïdes, monotropoïdes, éricoïdes et orchidoïdes (Duhoux & Nicole, 2004).
Les MVAs ne sont pas visibles à l’œil nu. Elles sont colorées suite à l’éclaircissement de la racine pour révéler deux structures typiques observées en microscopie photonique : les vésicules et les arbuscules. Les vésicules sont un lieu de stockage des lipides nécessaires au métabolisme du champignon alors que les arbuscules sont le lieu d’échanges entre les deux partenaires de la symbiose. Les MVAs ou mycorhizes à arbuscules (MA) impliquent généralement des champignons appartenant au phylum des Glomeromycota. Ils ne peuvent se développer sans la plante hôte. Les hyphes du champignon pénètrent à l’intérieur des cellules racinaires et forment des structures caractéristiques en forme d’arbuscules et de vésicules. Le champignon colonise l’intérieur des cellules du cortex en repoussant le plasmalemme sans le traverser. Les ECMs dériveraient des MA via des associations relictuelles où coexisteraient les deux types de symbiose (Brundrett, 2009). Les ECMs sont formées par des champignons dont le mycélium colonise la surface des cellules racinaires pour former un manteau fongique et pénètre entre les premières couches du cortex pour former le réseau de Hartig (Smith & Read, 2008). Cette symbiose est surtout localisée sous les latitudes tempérées et boréales, et concerne environ 90% des espèces d’arbres de ces régions (Smith & Read, 2008). Les champignons impliqués appartiennent soit au phylum des Ascomycota (ex. la truffe), soit au phylum des Basidiomycota (ex. cèpe, girolle, amanites). Les ECMs peuvent faciliter la croissance des plantes à travers l’échange des éléments nutritifs mais aussi par leur contribution dans la lutte contre les agents pathogènes (Whipps, 2004). En retour, le végétal fournit le carbone nécessaire sous forme de sucres issus de la photosynthèse, à son partenaire fongique hétérotrophe (Gagné, 2005).
Diversité des champignons ectomycorhiziens
La symbiose ectomycorhizienne concerne 3 à 5% des plantes vasculaires et se rencontre principalement chez les dicotylédones. Cette symbiose ectomycorhizienne entraîne d’importantes modifications dans la morphologie des racines : les poils absorbants disparaissent et un manteau d’hyphes ou manteau fongique entoure les racines nourricières. De ce manteau partent des hyphes qui s’insèrent entre les cellules corticales de la racine pour former le réseau de Hartig. Vers l’extérieur, des hyphes prolifèrent à partir du manteau fongique et colonisent le milieu environnant en formant le réseau extramatriciel (Smith & Read, 2008).
C’est sous ces différentes formes que les champignons se maintiennent dans le sol à l’état de vie ralentie en période sèche notamment. Quand les conditions sont favorables, les propagules produisent des hyphes qui poussent et se ramifient pour donner un mycélium. Ce dernier est ainsi capable de coloniser le système racinaire de la plante pour former des ECMs. La germination des propagules marque le début du cycle de développement des Basidiomycota auxquels appartient la plupart des champignons ectomycorhiziens. Ce cycle se résume en deux phases principales : une phase végétative comprenant la formation et le développement du mycélium ou thalle à partir de la germination des spores, et une phase fructifère marquée par l’apparition de sporophores épigés ou hypogés, et la production de spores. Chez les champignons ectomycorhiziens, le sporophore est la partie visible de l’organisme que l’on appelle couramment « champignon ». Il est constitué de filaments ou d’hyphes groupés en amas ou mycélium. La présence de sporophores est associée automatiquement à la présence de mycélium à la base du pied, mais l’absence de sporophores ne signifie pas nécessairement l’absence de mycélium dans le sol. Le sporophore, constitué d’un chapeau et d’un pied, est un organe éphémère où se déroule la reproduction sexuée. Les champignons ectomycorhiziens sont des symbiotes obligatoires qui bouclent leur cycle de développement en fructifiant notamment grâce aux ECMs qu’ils contractent avec la plante hôte. La formation de sporophores requiert la présence d’ECMs. A l’inverse on peut observer des ECMs sans sporophores correspondants. En effet, des champignons comme Thelephora et Cenoccocum forment des ECMs avec peu ou pas de fructifications et sont souvent dominants sur les racines de leurs plantes hôtes (Henkel et al., 2002 ; Diédhiou et al., 2004). La fructification des champignons est un processus complexe et coûteux en énergie pour la plante, qui dépend de l’espèce de champignon, de facteurs climatiques, de l’âge des peuplements et de traitements sylvicoles (fertilisation). La formation de sporophores, difficile à obtenir en conditions contrôlées, dépend du champignon impliqué, de la qualité du substrat, des conditions de culture (humidité, lumière, température) et de la production de métabolites par la plante hôte. Hebeloma cylindrosporum en symbiose avec Pinus pinaster, fructifie in vitro sur un milieu de culture approprié et dans des conditions de lumière et de température bien définies (Débaud & Gay, 1987). Dans les régions boréales et tempérées, de nombreuses communautés de champignons ectomycorhiziens ont été décrites sur la base d’inventaires de sporophores (Ferris et al., 2000). On estime la diversité des champignons ectomycorhiziens entre 10000 et 15000 espèces (Smith & Read, 2008). Ce chiffre n’est pas exhaustif car il ne prend pas en compte la diversité encore peu connue des champignons des régions tropicales. Les champignons sont le plus souvent des Basidiomycota (Amanites, Bolets, Lactaires, Girolles, Russules) et plus rarement des Ascomycota (Cenoccocum, Truffes). Certains d’entre eux sont comestibles et à forte valeur ajoutée (ex. Matsutake, Truffes).