Chaînes polymères unies par des groupes associatifs
La modification de chaînes polymères par la chimie supramoléculaire fait l’objet principal de cette étude. Plusieurs des polymères qui constituent notre point de départ sont des composés de masse moléculaire relativement peu élevée. Ils ont, à l’inverse de petites molécules, une viscosité suffisante pour que puisse être envisagée la mise en forme par des méthodes classiques, telles que l’extrusion et l’injection. Comparativement à des polymères de masses élevées, ils ont des propriétés mécaniques insuffisantes pour les applications commerciales habituelles (fragilité mécanique), mais une fluidité qui les rend très facile à mettre en œuvre. En greffant sur ces polymères de petite masse des groupes associatifs, on cherche à obtenir un matériau ayant des propriétés mécaniques intéressantes aux températures classiques d’utilisation (autour de la température ambiante) tout en gardant une bonne fluidité à hautes températures : les chaînes sont virtuellement rallongées à basses températures et raccourcies à hautes températures Il existe deux manières principales de modifier ainsi des polymères. Dans la première méthode, des stickers (que nous pouvons appeler groupes associatifs pendants), dont la quantité peut être très variable, sont présents le long de la chaîne. La seconde stratégie consiste à placer ces groupes aux extrémités des chaînes. Dans ce dernier cas le nombre maximal de stickers est de deux par chaîne (pour des polymères non ramifiés). Ces deux méthodes modifient les propriétés de manière différente, nous allons étudier ici les principales caractéristiques de ces deux types de polymères associatifs. Une différence qui sera également étudiée est le nombre de partenaires auxquels chaque groupe peut se greffer : ce sont ou bien des associations dimérisantes (une liaison implique uniquement deux stickers), ou bien des agrégats où un grand nombre de stickers est associé.
Polymères portant des groupes associatifs pendants
Les polymères portant des groupes supramoléculaires répartis statistiquement le long de la chaîne peuvent être séparés en deux catégories : ceux dont les groupes ne peuvent que se dimériser et ceux dont les groupes peuvent s’assembler en agrégats. Les propriétés de ces deux types de produits sont très différentes. Les premiers points étudiés concerneront les propriétés viscoélastiques et mécaniques des polymères portant des groupes dimérisants (les plus fréquemment rencontrés). Nous terminerons en étudiant les caractéristiques des chaînes qui portent des groupes s’associant en agrégats. Les premiers travaux importants sur les polymères portant des groupes associatifs ont été menés par Stadler et de Lucca Freitas ([25], [26], [27], [28]). Ces auteurs ont greffé des fonctions phényle-urazole sur des chaînes polybutadiène. Les fonctions urazole peuvent établir chacune deux liaisons hydrogène, comme nous pouvons le voir sur la Figure 12. Les chaînes polymères sont alors associées entre elles par des liaisons réversibles. L’étude spectroscopique des bandes d’absorption νC=O des carbonyles permet de montrer que les liaisons entre groupes associatifs diminuent lorsque la température augmente. Le taux d’association de ce système varie de 51 % à 40 °C à 26 % à 80 °C. Le polybutadiène étant un liquide viscoélastique à température ambiante, la rhéologie s’avère être le test le plus significatif pour ces systèmes. L’ajout de groupes associatifs sur de tels polymères (d’un taux variant de 0,5 % à 7,5 %) se traduit par un déplacement de la zone terminale vers les basses fréquences (ou un élargissement du plateau caoutchoutique) pouvant atteindre plusieurs décades ([27], [28]) comme l’illustre la Figure 13. Les modifications observées sont similaires à celles induites par une augmentation de masse (Figure 14), ce qui tend à prouver que les groupes associatifs lient les chaînes entre elles.
Une interprétation de ces données est que les stickers forment un réseau tridimensionnel thermo-réversible ([27], [30], [31]) : pour des temps courts, les chaînes sont liées entre elles par des liens réversibles, nous obtenons donc un produit pouvant présenter l’élasticité caoutchoutique. Ce réseau présente un temps caractéristique τ égal au temps de vie de ces liaisons : pour les temps supérieurs à τ les chaînes ne sont pas entravées par les liaisons physiques. Elles peuvent se déplacer, relaxer des contraintes ([30], [31], [32]). L’existence de ce temps caractéristique τ peut théoriquement être détecté en rhéologie par l’existence d’un plateau secondaire créé par ce réseau ([30], [31], [32]). La forme théorique de ce plateau est représentée sur la Figure 15. G2 est le module au plateau caoutchoutique pour le polymère non modifié. G1 est le module du réseau formé par les stickers. Td° est le temps de relaxation terminal du polymère non modifié, Td celui du polymère avec stickers. t représente le temps, τ est le temps de vie des liaisons entre stickers, et τe est le temps de Rouse.