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INTRODUCTION GENERALE
Les réactions de combustion, de par leur potentiel énergétique conséquent, se situent au cœur de la plupart des activités industrielles de notre société. La raréfaction des combustibles d’origine fossile, ainsi que l’impact des systèmes de combustion sur l’environnement poussent à développer de nouveaux modes de combustion afin d’accroître l’efficacité énergétique des installations industrielles. L’utilisation de biocarburants en alternative aux ressources fossiles et le développement de l’oxycombustion pour la capture et la séquestration du CO2 font partie des voies technologiques actuellement explorées pour répondre au besoin de neutralité carbone des activités humaines. Dans ces flammes de composition chimique particulière, plusieurs paramètres de la combustion sont modifiés, tels que les transferts thermiques, la production d’espèces polluantes ou la stabilité des flammes. Il est donc nécessaire de mieux caractériser les mécanismes intervenant dans ces nouveaux modes de combustion, afin d’assurer leur maitrise pour l’optimisation de brûleurs et de systèmes de combustion innovants. Cette meilleure compréhension de la combustion s’effectue aujourd’hui à partir de l’analyse approfondie des flammes turbulentes par voie expérimentale. Les données issues des expériences servent d’abord à décrire directement les mécanismes de combustion de manière fine et détaillée, mais sont également exploitées pour valider les modèles théoriques utilisés dans la simulation numérique de la combustion, dont les codes de calculs sont de plus en plus utilisés pour la conception d‘installations plus économiques et écologiques.
Les flammes, à cause de leur forte réactivité et de leur température élevée, constituent des milieux particulièrement hostiles aux instruments de mesures conventionnels. Non-intrusives, les techniques de diagnostic optique se sont imposées comme un moyen efficace pour une description expérimentale précise et in-situ des phénomènes multi-physiques régissant la combustion. Ainsi au cours de ces trente dernières années, les diagnostics lasers et d’imagerie se sont diversifiés et sophistiqués, permettant d’accéder à des informations instantanées variées telles que des champs de vitesses, des cartographies de températures ou des concentrations d’espèces chimiques au sein des flammes, à des résolutions temporelles et spatiales adaptées à la description d’écoulements réactifs turbulents.
Parmi les techniques de diagnostic optique disponibles pour l’analyse expérimentale de la combustion, celle fondée sur la diffusion Raman spontanée est une des seules à pouvoir fournir simultanément des mesures quantitatives de température et de concentrations des espèces majoritaires au sein d’une flamme. Ces informations multi-scalaires représentent pour les numériciens des données précieuses pour le développement et la validation des modèles d’interactions entre la chimie et la turbulence des flammes. Pourtant, malgré ce potentiel considérable de mesures pour une description détaillée de la combustion, il existe aujourd’hui dans le monde peu de chaines de mesures par diffusion Raman spontanée qui soient adaptées à l’étude de la combustion turbulente.
Cette rareté métrologique s’explique par la section efficace de la diffusion Raman spontanée, très faible en comparaison de celles d’autres phénomènes optiques. Cette faiblesse d’intensité devient particulièrement pénalisante pour l’analyse des milieux peu denses et fortement émissifs que constituent les flammes. Ces difficultés pour la réalisation des mesures sont encore accrues par les fortes résolutions spatio-temporelles requises pour une description correcte des flammes turbulentes, forçant les expérimentateurs à utiliser des systèmes d’excitation très énergétiques associés à des dispositifs de détection ultra-sensible et avec des temps d’exposition très courts pour des mesures Raman instantanées en flamme.
Pour compenser la faible intensité du signal Raman des espèces en mono-coup, la méthode la plus usuelle consiste à intégrer dans des fenêtres spectrales la diffusion Raman spontanée de chaque espèce sondée, afin de rendre la détection de celle-ci moins sensible au bruit de lecture des caméras. L’information spectrale étant perdue, les mesures quantitatives de température et de densités moléculaires multi-espèces sont extraites des signaux intégrés à l’aide d’une procédure itérative reposant sur une série complexe d’étalonnages. Ce protocole expérimental, efficace pour des mesures dans les flammes monophasiques, peu lumineuses et non-confinées, est rapidement mis en défaut lors de l’étude de cas de combustions plus spécifiques, comme les flammes diphasiques, les flammes fuligineuses, ou encore les flammes haute pression. Ces flammes étant omniprésentes en industrie, il est capital de mettre en œuvre des méthodes alternatives pour la résolution des spectres Raman collectés pour des mesures quantitatives de température et de concentrations multi-espèces.
Une autre méthode pour extraire ces informations de la diffusion Raman spontanée des espèces consiste à ajuster les spectres expérimentaux à l’aide de spectres synthétiques. Cette stratégie de post-traitement dispose de tout le potentiel pour effectuer des mesures dans les cas de flammes habituellement défavorables aux mesures par étalonnage. Néanmoins, la mise en œuvre de cette méthode pour l’analyse de la combustion turbulente reste aujourd’hui assez marginale du fait de problème de détectabilité de la diffusion Raman lors des mesures mono-coups, et limité aux molécules diatomiques à cause de la difficulté à simuler correctement le spectre Raman des molécules polyatomiques comme CO2, H2O ou CH4 à haute température.
L’objectif de cette thèse est de rendre possible des mesures mono-coups multi-espèces de température et de concentrations d’espèces majoritaires dans des cas complexes de flammes turbulentes par la mise en œuvre d’une méthode fondée sur l’ajustement des spectres de diffusion Raman spontanée en s’appuyant sur les progrès technologiques des dispositifs expérimentaux ainsi que les récentes avancées pour la spectroscopie Raman des molécules à haute température.
Cette thèse a été financée par le Conseil Régional de Normandie. Les travaux s’inscrivent dans le cadre du projet BIOENGINE, projet soutenu par l’Union Européenne avec le Fond Européen de Développement Régional et par le Conseil Régional de Normandie.
Ce manuscrit se décompose en 4 chapitres.
Dans le premier chapitre, après une introduction à la diffusion Raman spontanée, un état de l’art des mesures Raman pour l’étude de la combustion turbulente est proposé. Les efforts fournis par les expérimentateurs depuis ces quarante dernières années pour rendre les mesures mono-coups accessibles en flamme turbulente sont d’abord présentés, puis les méthodes de mesures quantitatives sont décrites et comparées. Enfin, un récapitulatif des mesures multi-scalaires réalisées dans les flammes turbulentes est effectué afin d’identifier les opportunités qui s’offrent aujourd’hui aux méthodes de résolution par ajustement spectral.
Dans le deuxième chapitre, la plateforme développée au CORIA pour des mesures multi-scalaires par minimisation de spectres Raman est décrite. Les systèmes d’excitation et de collection de la chaine de mesures seront d’abord introduits, puis le code de simulation des spectres Raman synthétiques est présenté en insistant sur les modélisations du spectre Raman des molécules polyatomiques qui ont été ajoutées au cours de cette thèse.
Le troisième chapitre se concentre sur les mesures multi-scalaires effectuées dans les flammes aérobies durant cette étude. Des mesures Raman réalisées dans une flamme de type bec Bunsen de méthane/air à la stœchiométrie seront d’abord analysées et comparées avec la simulation numérique, afin de valider la justesse des mesures dans un cas simple de combustion. Deux cas de combustion plus complexes, une flamme de méthane produite par un brûleur de type bluff-body et une flamme diphasique laminaire d’éthanol, sont ensuite étudiées afin d’illustrer les avantages de la méthode par ajustement de spectres pour l’analyse de flammes typiquement présentes en industrie.
Table des matières
Remerciements
Nomenclature
Introduction générale
CHAPITRE 1. La diffusion Raman Spontanée pour l’étude de la combustion turbulente
1.1 Introduction à la diffusion Raman spontanée
1.1.1 Principe physique
1.1.2 Spectre Raman
1.1.3 Avantages et inconvénient de la diffusion Raman spontanée
1.2 Etat de l’art des mesures Raman en combustion turbulente
1.2.1 Chaines de mesures Raman mono-coups
1.2.2 Méthode de mesures quantitatives de concentration
1.2.3 Applications en flammes turbulentes
CHAPITRE 2. Chaine de mesures mono-coups et modélisation des spectres Raman
2.1 Système d’excitation
2.1.1 Laser Agilite
2.1.2 Alignement du faisceau
2.2 Système de collection et de détection
2.2.1 Chaîne de collection
2.2.2 Spectrographe imageur
2.2.3 Système de détection
2.2.4 Système d’obturation électro-optique
2.3 Librairie de spectres synthétiques Raman
2.3.1 Molécules diatomiques
2.3.2 Molécules polyatomiques
2.3.3 Procédure d’extraction de la fonction d’appareil
CHAPITRE 3. Mesures multi-scalaires dans les flammes aérobies
3.1 Flamme de bec Bunsen méthane/air
3.1.1 Description du brûleur bec Bunsen et de la flamme étudiée
3.1.2 Analyse qualitative des spectres des gaz frais aux gaz brûlés
3.1.3 Mesures de température à partir du signal de N2
3.1.3.1 Thermométrie par ajustement de spectres
3.1.3.2 Cas particulier : basse température
3.1.3.3 Profil de température au sein du front de flamme
3.1.4 Mesures mono-coups et simultanées de concentrations
3.1.4.1 Principe de la méthode
3.1.4.2 Azote
3.1.4.3 Espèces réactives (CH4 et O2)
3.1.4.4 Produits majoritaires de combustion: CO2 et H2O
3.1.4.5 Espèce intermédiaire: CO
3.1.5 Synthèse des résultats
3.2 Flamme turbulente d’un brûleur bluff-body
3.2.1 Présentation de l’expérience
3.2.1.1 Description du brûleur bluff-body
3.2.1.2 Contraintes d’acquisition pour une cartographie complète
3.2.1.3 Analyse des spectres mono-coups collectés à z=12mm
3.2.2 Innovations apportées pour le traitement des spectres
3.2.2.1 Thermométrie par ajustement du spectre du méthane
3.2.2.2 Traitement des interférences de C2
3.2.3 Mesures multi-scalaires Raman dans la flamme bluff-body (z=12 mm)
3.3 Mesures dans une flamme diphasique
3.3.1 Description du brûleur diphasique
3.3.2 Contraintes expérimentales en milieu diphasique
3.3.3 Spectre Raman de l’éthanol
3.3.4 Analyse des spectres collectés dans le nuage de gouttes de la flamme diphasique
3.3.5 Profil de température au sein de la flamme diphasique
CHAPITRE 4. Mesures multi-scalaires dans les oxyflammes
4.1 Thermométrie à partir du spectre Raman de CO2
4.1.1 Sensibilité du spectre
4.1.2 Analyse de la qualité de la modélisation et justesse de mesure
4.1.3 Températures mono-coups dans les gaz chauds et dans la flamme CH4/air
4.2 Mesures multi-scalaires dans une oxyflamme laminaire
4.2.1 Description de l’oxyflamme
4.2.2 Profil de température
4.2.3 Profils multi-espèces de densité moléculaire
4.3 Vers l’échelle semi-industrielle : HIPROX
4.3.1 Description de HIPROX
4.3.2 Chaine de mesures Raman pour HIPROX
4.3.3 Mesures Raman mono-coups en oxyflamme turbulente
4.3.4 Perspectives d’amélioration
Conclusion et perspectives
Bibliographie
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