Céphalées intenses aux urgences liées à l’utilisation d’un bio-marqueur
Les céphalées
Les céphalées représentent une des affections neurologiques les plus répandues à l’échelle mondiale. Selon l’OMS « près de la moitié de la population adulte a eu au moins une fois une céphalée au cours de l’année écoulée » [1]. Elles sont l’un des dix motifs principaux de consultation chez le médecin généraliste (environ 4 % des consultations chez le médecin généraliste) [2]. Elles constituent par ailleurs 2% des motifs de passage aux urgences [3]. La classification internationale des céphalées a été révisée en 2013 sous l’égide de l’International Headache Society [4]. Les céphalées primaires correspondent aux maladies propres, sans lésion cérébrale, responsable du syndrome algique. Il s’agit principalement des migraines, des céphalées de tension et des algies vasculaires de la face ou autres céphalées trigémino-végétatives. Les céphalées secondaires sont extrêmement variées. De façon non exhaustive on peut citer les céphalées attribuées à un traumatisme crânien, à une infection tel que les méningites, aux pathologies vasculaires tel que les hémorragies méningées, les thrombophlébites cérébrales ou encore aux anomalies intracrâniennes non vasculaire tel que les tumeurs cérébrales. L’obsession du médecin face à un tableau de céphalalgie sera de repérer les « drapeaux rouges » évocateurs de céphalées secondaires potentiellement graves. Parmi elles, l’hémorragie méningée est une urgence neuro-vasculaire particulièrement redoutée. L’hémorragie méningée (HM) ou hémorragie sous-arachnoïdienne (HSA) est définie par un saignement dans l’espace sous-arachnoïdien, qui se situe entre l’arachnoïde et la pie-mère. Cette zone est normalement remplie de liquide céphalo-rachidien (LCR). L’anévrisme cérébral rend compte d’environ 85% des HSA non traumatiques. C’est une pathologie grave, caractérisée par une mortalité de 50% et une dépendance fonctionnelle d’un tiers des survivants. Le risque d’un nouveau saignement en l’absence de traitement de l’anévrisme rompu et le vasospasme sont en grande partie responsables de ce mauvais pronostic [5]. L’incidence annuelle en France est estimée à 5/100 000 patients-année, avec une prédominance de sujets de moins de 55 ans et de femmes [6]. Les HSA représentent environ 1 à 2% des céphalées conduisant au SAU [7] et un tiers des HSA se présentent par une céphalée isolée [8]. La « céphalée brutale » reste le maître symptôme incontesté de l’hémorragie méningée bien que peu de données n’en fassent formellement la preuve .
Démarche diagnostique devant un tableau de céphalée
Des recommandations ont été élaborées en juin 2016 à la demande de la Société Française d’Étude des Migraines et des Céphalées (SFEMC) et de la Société Française de Neurologie (SFN) concernant la prise en charge des céphalées en urgence. Il y est énoncé que les céphalées de début brutal et/ou inhabituelles doivent être considérées comme des céphalées secondaires jusqu’à preuve du contraire et justifient la réalisation d’examens complémentaires en urgence [11]. On rappelle que tout patient ayant présenté une céphalée répondant à l’un des critères de la règle d’Ottawa doit être pris en charge comme une suspicion d’hémorragie sous-arachnoïdienne jusqu’à preuve du contraire [12]. Chez les patients présentant une céphalée et un examen neurologique normal, un scanner cérébral négatif dans les 6 heures suivant l’apparition des symptômes est très sensible pour exclure l’HSA anévrysmale. Le scanner doit être techniquement adéquat et interprété par un radiologue expérimenté. La sensibilité du scanner cérébral non injecté est de 100% si celui ci est effectué dans les 6 heures. Celle-ci diminue néanmoins à 85,7% si l’imagerie est effectuée après 6 heures .La réalisation d’un angioscanner cérébral doit être associé de manière systématique si aucune hémorragie n’est visualisée spontanément. Devant une suspicion d’HSA, si l’imagerie ne permet pas d’obtenir un diagnostic, la ponction lombaire doit être réalisée de manière systématique, même si les céphalées ont disparu [10]. La xanthochromie est présente dans 100 % des cas d’HSA anévrismales lorsque le LCR est prélevé entre 12 heures et 14 jours du début des symptômes et analysé en spectrophotométrie [14,15]. Devant le tableau d’une céphalée inhabituelle présente ou aggravée depuis moins de 7 jours une imagerie doit être rapidement réalisée. Il est recommandé de réaliser une IRM encéphalique ou à défaut si l’accès à l’IRM n’est pas aisé, un scanner cérébral sans puis avec injection de produit de contraste. Si l’imagerie n’apporte pas d’élément diagnostic, une ponction lombaire devra être discutée à la recherche d’une méningite ou d’un trouble de la pression du LCR [10]. Ainsi, l’on constate que l’exploration des céphalées récentes laisse une place importante à la réalisation d’imageries cérébrales et de ponctions lombaires [Annexe 1]. Or le scanner cérébral reste un examen irradiant. La ponction lombaire, geste invasif, peut comporter des faux positifs (ponction traumatique). Le taux de syndrome post PL, malgré l’utilisation étendue des aiguilles fines atraumatiques, est de 6%. Ce taux varie en particulier selon l’expérience de l’opérateur [16]. Qui plus est, ces examens prolongent significativement le temps de séjour aux urgences.
La protéine S100ß
La protéine S100ß fait partie de la famille des protéines de liaison du calcium intracytosolique. La dénomination de « protéine S100 » lui vient de sa solubilité dans une solution saturée (100%) de sulfate d’ammonium. Elle désigne les dimères contenant au moins une sous-unité ß. Figure 2 : Dénomination conventionnelle des sous-unités constitutives des protéines S100 et des dimères formés par l’association de ces sous-unités Elle est quasi-sélectivement synthétisée par les astrocytes du système nerveux central, très faiblement par les mélanocytes, adipocytes, chondrocytes… Sa demi-vie plasmatique est de l’ordre de 2 heures et son élimination s’effectue par voie rénale [18,19]. Son intérêt en biologie clinique est lié à sa libération au niveau extracellulaire soit lorsque son gène est surexprimé (Trisomie 21, maladie d’Alzheimer, maladie de Creutzfeldt-Jakob, sclérose en plaques, glioblastome ou mélanome), soit au cours d’un état de souffrance, d’origine vasculaire ou traumatique, du tissu cérébral (traumatisme crânien, hémorragie intracrânienne, accident vasculaire cérébral…) [20]. Plusieurs études ont mis en avant l’intérêt du dosage de la protéine S100ß comme marqueur biologique de tri pour le diagnostic du traumatisme crânien léger. En 2006 [21]: les auteurs avaient montré une valeur prédictive négative (VPN) de 99,7% avec un seuil à 0.10µg/L pour éliminer la présence de lésions cérébrales. Le délai de prélèvement de la protéine S100ß devait être inférieur à 3 heures après le traumatisme crânien léger compte tenu de la demi-vie estimée à 120 minutes. De nombreuses études se sont montrées très en faveur de l’utilisation du dosage de la protéine S100ß dans l’évaluation des patients suite à un traumatisme crânien léger. Il est par ailleurs intégré dans les recommandations de prise en charge des TCL en Scandinavie [22]. La survenue d’une hémorragie intracérébrale conduit à une élévation significative de la concentration de la protéine S100ß dans le LCR et le plasma. 23 2 LA PROTÉINE S100β La protéine S100 a été découverte par Moore en 1965 à partir de l’étude électrophorétique d’extraits protéiques de cerveaux humains et animaux. La dénomination de « protéine S100 » lui vient de sa solubilité dans une solution saturée (100 %) de sulfate d’ammonium [15]. Il s’agit d’une holoprotéine dimérique de 21 kDa. Elle désigne les dimères contenant au moins une sous-unité β (Figure 3) : la protéine S100α qui est un hétérodimère αβ et la protéine S100β qui est un homodimère ββ. Figure 3 : Structure de la protéine S100 La sous-unité β représente au total près de 90 % des chaînes S100 retrouvées dans le système nerveux, se répartissant en 75% de S100b et 25 % de S100a. Comme toutes les protéines S100, il s’agit d’une molécule cytosolique fixant le calcium [15]. La protéine dimèrique S100β est quasi exclusivement secrétée par les astrocytes et les cellules de la gaine de Schwann [16]. Le reste de la synthèse est 30 Lors de l’HSA par rupture anévrysmale, la protéine S100ß augmente proportionnellement à la sévérité de l’hémorragie et est corrélée au pronostic à six mois. De plus une augmentation secondaire de la concentration plasmatique est prédictive d’un vasospasme [6,23]. Ainsi la protéine S100ß peut s’intégrer dans le monitorage multimodal des patients ayant une HSA d’origine anévrysmale selon les recommandations de la Société Française d’Anesthésie-Réanimation [6]. L’utilisation de ce biomarqueur a été étudiée dans le cadre des migraines. Les taux sériques de PS100ß étaient significativement diminués chez le groupe des patients migraineux. Néanmoins les mesures de la PS100ß ont été faites seulement pendant les périodes sans céphalées [24]. Dans la littérature nous n’avons retrouvé aucune étude sur l’intérêt du dosage de la protéine S100ß dans les céphalées intenses
Résumé |