Centres de classe et géométrie riemannienne

La cartographie de la Terre à grande échelle peut se faire de deux manières principales : l’observation par des systèmes d’acquisition d’images optiques ou par des systèmes radars. L’utilisation de systèmes radars apporte plusieurs avantages par rapport aux systèmes optiques, nommément l’indépendance par rapport à l’éclairement de la zone à observer et la capacité à traverser la couche nuageuse. Ainsi, les données peuvent être acquises à toute heure du jour et de la nuit et par tous les temps. Ces propriétés ont largement contribué au déploiement très important des systèmes radars dans de nombreuses applications, que ce soit dans le domaine civil ou dans le domaine militaire. Ces applications incluent notamment la détection de bateaux, la détection d’icebergs, la classification de l’occupation des sols et bien d’autres.

Le Radar à Synthèse d’Ouverture, appelé Synthetic Aperture Radar (SAR) en anglais est un système d’imagerie radar qui permet d’atteindre en pratique des résolutions spatiales élevées est . Ceci en fait la base de tous les systèmes d’acquisition d’images radar à l’heure actuelle. Un système SAR fonctionne en émettant une onde électromagnétique en direction du sol et en mesurant à la fois la phase et l’amplitude du signal de retour (appelé signal rétrodiffusé). Les données ainsi mesurées sont donc complexes. De plus, dû à la propriété de polarisation des ondes électromagnétiques, des systèmes SAR appelés PolSAR (pour Polarimetric SAR) sont capables d’émettre et de recevoir des ondes polarisées orthogonalement à la fois en émission et en réception. Pour chaque cellule de résolution du système radar, on dispose ainsi de plusieurs mesures grâce aux différentes combinaisons possibles de polarisation, contenues dans une matrice appelée matrice de diffusion.

En raison de la nature aléatoire de l’environnement observé par un radar, où des modifications dans l’espace ou dans le temps peuvent intervenir de manière très rapide, le signal rétrodiffusé est représenté par une variable aléatoire. Traditionnellement, pour des radars disposant d’une faible résolution, chaque cellule de résolution contient un très grand nombre de réflecteurs sur lesquels l’onde provenant du radar va venir se réfléchir. Le signal mesuré pour cette cellule de résolution est donc la somme des signaux élémentaires sur chacun des réflecteurs présents au sein de la cellule. Comme ce nombre est important, le Théorème Central Limite implique que le signal rétrodiffusé est distribué selon une loi gaussienne. Ainsi, les données SAR polarimétriques sont généralement modélisées par une loi gaussienne complexe multivariée.

Ces données polarimétriques contiennent les relations entre les différents canaux de polarisation qui peuvent être reliées à des informations physiques sur la scène imagée. Pouvoir analyser ces relations permet de remonter aux processus physiques se déroulant lorsqu’une onde électromagnétique rencontre un objet et ainsi de pouvoir caractériser cet objet. La nature aléatoire de ces interactions peut être étudiée en considérant les moments du second ordre des données, à savoir leur matrice de covariance.

Cependant, les systèmes d’acquisitions PolSAR récents sont capables d’obtenir des images en très haute résolution, de l’ordre du décimètre. Dans ce cas, le nombre de réflecteurs à l’intérieur de chaque cellule de résolution diminue de manière drastique et varie grandement d’une cellule à l’autre. Ceci entraîne une hétérogénéité dans la distribution du signal rétrodiffusé qui n’est pas prise en compte par la distribution gaussienne. Il est donc nécessaire de modéliser le signal de manière à pouvoir tenir compte de cette hétérogénéité. Pour cela, le modèle des vecteurs aléatoires sphériquement invariants (ou Spherically Invariant Random Vectors, soit SIRV), initialement proposé par Yao [81] pour la théorie de l’information, a été introduit dans la communauté de la détection radar, notamment par Farina [33]. Ce modèle théorique a fait l’objet de validations par un grand nombre de campagnes de mesures, notamment par le MIT (Massachussets Institute of Technology) [12] ou l’ONERA (The French Aerospace Lab, anciennement Office National d’Études et Recherches Aérospatiales), ainsi que par les travaux, entre autres, de Trunk [71], Goldman [37], Ward [76] ou Watts [77].

Par ailleurs, une grande partie des algorithmes de classification pour les images SAR polarimétriques et en particulier le classifieur Wishart proposé par Lee dans [50] fait appel à la moyenne de matrices de covariance pour calculer la matrice correspondant au centre de chaque classe. Ce centre est calculé comme la moyenne arithmétique des matrices. Cependant, les travaux récents de Barbaresco [6–8], inspirés par les travaux de Moakher [55], ainsi que les travaux de Devlaminck [30] dans le cadre de l’imagerie optique, ont permis de mettre en avant le fait que l’espace des matrices de covariance, à savoir l’espace des matrices hermitiennes définies positives, n’est pas un espace euclidien mais est doté d’une structure de variété riemannienne. Il est alors nécessaire d’employer des outils prenant en compte cette structure non-euclidienne. C’est notamment le cas de la géométrie de l’information et des travaux de Rao [4, 17] qui permettent d’obtenir de manière relativement simple une expression de la moyenne de matrices hermitiennes définies positives.

Un radar est à l’origine un système permettant de déterminer la distance et la vitesse d’un objet en utilisant des ondes radio. L’origine du terme “radar” est d’ailleurs l’acronyme anglais RAdio Detection And Ranging. Mais de nombreuses autres applications sont possibles dans un grand nombre de domaines. Une de ces applications est l’imagerie radar : au lieu d’utiliser la lumière visible pour imager une zone (comme dans l’imagerie optique classique), on utilise des ondes électromagnétiques de fréquences beaucoup plus courtes, les ondes radio . Ce système actif fonctionne à n’importe quelle heure du jour et de la nuit puisque la source d’illumination est le radar lui-même. Certaines bandes de fréquence permettent aussi de traverser la couche nuageuse, permettant ainsi de faire des acquisitions par temps couvert.

Le Radar à Synthèse d’Ouverture (RSO), appelé Synthetic Aperture Radar (SAR) en anglais, est un système radar permettant d’améliorer grandement la résolution en azimut par rapport à un système radar imageur classique. Les premiers systèmes SAR ont été développés au début des années 50 et les premières images acquises à la fin de cette décennie.  grâce à des lampes à mercures. Ce n’est qu’avec l’avènement du laser et des avancées en informatique et en électronique que la qualité des images s’est améliorée. Depuis le lancement de SEASAR, le premier SAR numérique embarqué sur un satellite, en 1978, les systèmes SAR ont permis d’apporter une quantité importante d’information pour l’étude de la Terre.

Un radar imageur fonctionne en émettant des ondes électromagnétiques dans une direction donnée, généralement vers le sol. La surface illuminée diffuse l’onde incidente dans toutes les directions, dont la direction d’émission. La partie qui est réémise vers le radar est enregistrée et traitée afin de former l’image radar. On appelle cette partie le signal rétrodiffusé.  de manière schématisée, le fonctionnement d’un système SAR. Un porteur — avion ou satellite — se déplace selon une trajectoire donnée et illumine une zone du sol.

La résolution spatiale est un point très important de tout système imageur. C’est la capacité d’un radar à séparer deux objets voisins selon une certaine distance. Si la résolution est suffisamment grande, les deux objets voisins seront placés dans deux cases de résolutions séparées. Sinon, ils seront situées dans la même case par combinaison de l’énergie réfléchie par les deux objets.

Cependant, la résolution est directement reliée à la durée des impulsions comprimées émises par le radar : pour augmenter la résolution, il faut réduire la durée des impulsions ou augmenter la bande émise du signal si les impulsions sont codées. Il est aussi nécessaire que ces impulsions aient une énergie élevée afin de minimiser les effets de bruit induits par les rayonnements naturels mais surtout les bruits de mesure inhérents au système radar et de pouvoir détecter les signaux émis: on cherche à maximiser le rapport signal sur bruit. La génération d’impulsions courtes à grande énergie étant trop complexe à réaliser en pratique, les impulsions utilisées sont plus longues et codées mais ont une énergie suffisamment grande.

Table des matières

Introduction
1 État de l’art
1.1 Radar SAR polarimétrique
1.1.1 Imagerie radar
1.1.2 Radar à Synthèse d’Ouverture
1.1.3 Polarimétrie
1.2 Traitements classiques en classification SAR polarimétrique
1.2.1 Hypothèse de bruit gaussien
1.2.2 Estimation de la matrice de covariance
1.2.3 Décompositions polarimétriques
1.2.4 Classifieur Wishart
1.3 Modèle de vecteurs aléatoires sphériquement invariants
1.3.1 Définition
1.3.2 L’Estimateur du Point Fixe
1.3.3 Propriétés statistiques du FPE
1.3.4 Estimation de la texture
1.3.5 Influence de l’estimateur de la matrice de covariance sur les résultats de classification
1.4 Conclusion
2 Classification non supervisée
2.1 Test de Box
2.1.1 Inconvénients du classifieur Wishart
2.1.2 Test d’égalité de matrices de covariance
2.1.3 M-Test de Box
2.2 Algorithmes et résultats
2.2.1 Algorithmes
2.2.2 Résultats
2.3 Implémentation du test de Box au sein d’autres algorithmes
2.3.1 Application avec une segmentation initiale
2.3.2 Application sans segmentation initiale
2.3.3 Application à la classification hiérarchique
2.4 Conclusion
3 Centres de classe et géométrie riemannienne
3.1 Calcul des centres de classe pour le FPE
3.2 Contribution de la géométrie riemannienne
3.2.1 Cas des matrices réelles définies positives
3.2.2 Extension aux matrices hermitiennes définies positives
3.3 Simulations
3.4 Données réelles
3.4.1 Utilisation de la distance de Wishart
3.4.2 Utilisation de la distance géométrique
3.4.3 Répartition des pixels dans l’espace H-α
3.5 Conclusion
Conclusion

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