Télécharger le fichier original (Mémoire de fin d’études)
Cardiomyopathies associées a des mutations du sarcomère : les sarcomeropathies
Classification des cardiomyopathies
Les cardiomyopathies sont des troubles primaires du muscle cardiaque associées à des anomalies de l’épaisseur des parois du cœur, de la taille de la chambre, des contractions, de la relaxation et de la conduction ainsi que du rythme. Les cardiomyopathies sont de ce fait très hétérogènes, et plusieurs classifications ont été proposées. Ces classifications évoluent avec le temps, témoignant des avancées dans la compréhension de ces pathologies mais aussi dans les descriptions des causes génétiques de celles-ci.
Classification de l’AHA (2006)
En 2006, l’AHA (American Heart Association) a édité une déclaration scientifique (Maron et al. 2006) qui redéfinit les cardiomyopathies comme un groupe hétérogène des maladies du myocarde associé à des dysfonctions mécaniques ou électriques, et qui peuvent être liées à une hypertrophie ou dilatation ventriculaire due à une variété des causes, le plus souvent génétiques.
L’AHA a classifié les cardiomyopathies en cardiomyopathies primaire et secondaire. Dans les cardiomyopathies primaires on distingue trois groupes : génétique, mixte et acquis. Dans la sous-catégorie de cardiomyopathies primaire génétiques on trouve les cardiomyopathies hypertrophiques (CMH), les dysplasies ventriculaire droite arythmogène (DVDA), la non-compaction ventriculaire gauche (CMNC), les maladies du système de conduction et les cannalopathies. Dans la sous-catégorie mixte dont la cause est génétique ou non génétique, on retrouve les cardiomyopathies dilatée (CMD) et la cardiomyopathie restrictive (CMR). Dans les cardiomyopathies acquises on retrouve la myocardite et le stress cardiomyopathique. Les cardiomyopathies secondaires ont une cause infectieuse, endocrinienne, métabolique, toxique ou infiltrative.
Classification d’ESC (2008)
L’ESC (European Society of Cardiology) a souligné que la gestion de cardiomyopathie est basée sur le phénotype morpho-fonctionnel, la classification devrait être, elle aussi, basée sur celui-ci. L’ESC a aussi reconnu que certaines cardiomyopathies appelées « primaires » sont en effet des anomalies extracardiaques, qui ne justifient pas l’appellation « cardiomyopathie primaire ». Il en va de même pour les cardiomyopathies secondaires qui peuvent impliquer principalement le cœur, et ne peuvent donc plus être appelées « cardiomyopathies secondaires ».
L’ESC définit la cardiomyopathie comme une anomalie du myocarde dans laquelle le muscle cardiaque est anormal dans sa structure et fonction. Les cardiomyopathies ont été rassemblées en 5 groupes considérant leurs phénotypes morpho fonctionnels. Ces 5 groupes sont : CMD, CMH, CMR, DVDA, et divers. Ce dernier groupe rassemble les maladies que ne peuvent pas être classées dans les 4 premiers groupes. Chacun de ces types a été subdivisé en formes génétiques ou familiale et formes non génétique ou non familiales. Les cannalopathies n’ont pas été acceptées dans cette classification car les gènes codants pour les canaux ioniques n’aboutissaient pas à un phénotype morpho-fonctionnel. Dans cette classification les cardiomyopathies sont considérées comme familiales lorsqu’au moins deux membres de la famille sont atteints.
Classification MOGE(S) de WHF (2013)
En 2013 le WHF (World Heart Federation) a proposé une autre classification basée sur le phénotype et le génotype. La génétique en cardiomyopathie a énormément évolué durant les dix dernières années grâce à l’apparition de techniques de séquençage à haut débit (NGS). Plus de 60 gènes ont été associés aux cardiomyopathies. La nécessité de combiner ces deux critères est majeure car le diagnostic est encore basé sur le phénotype mais le génotype est utile dans la prescription du traitement. Dans cette classification la cardiomyopathie est définie comme une anomalie caractérisée par une morphologie et une fonction anormale du myocarde en absence de toute autre maladie qui peut provoquer le phénotype observé. La nomenclature MOGES permet de combiner 5 critères :
• Morphofunctional characteristic : caractéristiques cliniques observées
• Organ : participation de l’organe
• Genetic : transmission héréditaire (génétique)
• Etiology : la cause génétique
• Status : statut fonctionnel couplé à la classification de NYHA (I à IV)
Cette nomenclature est surtout utilisée par les cliniciens. Le WHF a classé les cardiomyopathies en 4 types.
Types de Cardiomyopathies
Les cardiomyopathies sont des maladies du myocarde qui évoluent dans le temps en insuffisance cardiaque. Il existe 4 types majeurs de cardiomyopathies : la cardiomyopathie dilatée (CMD), la cardiomyopathie hypertrophie (CMH), la cardiomyopathie restrictive (CMR) et la dysplasie ventriculaire droite arrythmogène (DVDA).
La CMD est caractérisée par une dilatation ventriculaire, elle peut ne concerner qu’un des deux ventricules ou les deux. Cette dilatation est associée à une altération de la fonction systolique et/ou diastolique. Son incidence est de 5 à 8% par an. Elle touche plus souvent les hommes que les femmes, entre 20 et 60 ans, mais elle peut être aussi diagnostiquée chez les enfants. Sa prévalence est de 1/2500 naissances, avec des formes familiales pour un cas sur deux. En dehors des cas familiaux, elle peut être d’origine ischémique, valvulaire ou congénitale. La CMD peut aussi être causée, en particulier, par la consommation abusive d’alcool, des infections, un diabète ou certaines chimiothérapies. Si la cause de la maladie n’est pas identifiée, cette cardiomyopathie est appelée « cardiomyopathie dilatée idiopathique ». Environ 20% des patients atteintes de la CMD peuvent présenter une forme familiale associée à une mutation de gènes codant diverses protéines présentes dans les cellules musculaires myocardique. Les mutations responsables concernant principalement les gènes présents dans le cytosquelette ou dans la fibre musculaire : le sarcomère (cf infra).
La CMH est une des cardiomyopathies les plus fréquentes. Sa prévalence est de 1/500 naissances. Chez les patients, la paroi du cœur est hypertrophiée sans que le ventricule gauche ne soit dilaté. Cette hypertrophie est primitive et n’est donc pas secondaire à d’autres anomalies comme une hypertension. La CMH est la cause la plus courante de mort subite chez les jeunes et les athlètes. La CMH se présente sous deux formes : une forme sporadique et une forme familiale. La forme sporadique atteint plus souvent les hommes que les femmes vers l’âge de 30-40ans. La forme familiale atteint plus fréquemment les femmes et survient plus précocement. La forme familiale une maladie cardiaque génétique autosomique dominante relativement courante. Ces mutations concernent les protéines contractiles sarcomériques qui entraineraient des modifications de la vitesse de contraction cardiaque due à une altération de la cinétique de l’interaction des différents filaments sarcomériques. Ces modifications morphologiques induisent une hypertrophie des myofilaments compensatrices avec des modifications de la vitesse de contraction cardiaque ou la désorganisation des certaines zones.
La CMR est une forme de cardiomyopathie avec une perte de la souplesse des parois des cavités cardiaques, principalement les ventricules. Elle est la conséquence d’une diminution de la compliance cardiaque, ce qui entraine une résistance du flux sanguin. Elle est caractérisée par une rigidité du myocarde et un dysfonctionnement diastolique, qui restreint le remplissage du cœur, d’où le nom de cardiomyopathie restrictive. La taille du ventricule gauche reste normale et l’épaisseur des parois du cœur n’est pas augmentée. C’est la forme la plus rare de cardiomyopathie. Elle peut être idiopathique, secondaire ou familiale. Les formes peuvent être associées à des mutations des protéines sarcomériques.
La DVDA est un type rare de cardiomyopathie. Elle se caractérise par le remplacement des cellules musculaire du ventricule droit par des cellules adipeuses. L’infiltration graisseuse commence par le ventricule droit et atteint secondairement le ventricule gauche. Cette accumulation graisseuse conduit à des troubles du rythme ventriculaire pouvant provoquer la mort subite chez les personnes jeunes et les athlètes. La prévalence de la DVDA est de 1 sur 1000. Cette maladie peut être idiopathique et familiale. On retrouve l’origine familiale dans près de la moitié des cas. Les mutations associées à cette pathologie sont présentes dans les gènes des protéines desmosomales (plakophiline 2 (PKP2), desmoplakine (DSP), (desmoglein-2) DSG2, JUP (plakoglobin) et (desmocolline-2) DSC2) mais également dans d’autres gènes comme le récepteur à la ryanodine (RYR2)
Une nouvelle terminologie a été créée, basée sur le gène impliqué et son emplacement dans la maladie. Ainsi, on peut maintenant distinguer les termes de sarcomeropathies, regroupant les anomalies du myocarde liés à une atteinte primitive du sarcomère. De même, nous verrons les maladies cardiaques de type cannalopathies liées à une atteinte primitive des canaux ioniques. Je vais aborder ces deux anomalies dans mon introduction.
Sarcomère
La structure du sarcomère
Le sarcomère est l’unité contractile du cardiomyocyte composé des myofibrilles. Les myofibrilles sont des cylindres parallèles allongés dans le sens de la cellule, faits de la succession régulière, bout à bout, des petits cylindres identiques appelés sarcomères. Chaque sarcomère est fait d’un faisceau de myofilaments parallèles à son grand axe. Dans un sarcomère on retrouve 3 types de filaments : des filaments épais, des filaments fins et des filaments élastiques. Un sarcomère est défini comme étant le segment entre deux lignes-Z voisines.
Dans les coupes longitudinales des muscles en microscopie électroniques les lignes Z apparaissent comme une série des lignes foncées. Z vient de l’allemand « zwischen » signifiant « entre ». A côté de la ligne Z il y a la ligne I pour isotropique, suivie de la ligne A pour anisotropique. Les lignes A et I ont été nommées pour leurs propriétés sous lumière polarisante. La partie suivante est la partie H, « heller » en allemand plus pâle car elle apparait plus pâle sur une image de microscopie électronique. La ligne fait partie de la ligne H car elle est la ligne la plus mince est se situe au milieu (M « mittel » en allemand). Les bandes A, I et Z sont visible en microscope à lumière blanche.
Les protéines du sarcomère
Les filaments élastiques sont composés d’une grande protéine la titine. Elle traverse le sarcomère de la ligne Z à la bande M. Elle possède de nombreux sites de liaison avec des protéines du cytosquelette. C’est une protéine élastique qui joue un rôle majeur au niveau du sarcomère pour son assemblage et le maintien de sa structure.
Les filaments épais sont constitués de la myosine, qui se retrouve à travers la bande A et se superposent dans le bande M. La myosine est liée à la la titine via les protéines myomésine et protéines M. Chaque molécule de myosine est formée de deux chaines lourdes et de deux chaines légères. Les deux chaines lourdes sont collées l’une à l’autre. Leurs queues forment un axe torsadé et leur pôle globulaire émerge du filament épais sous forme d’une tête double. La partie distale des têtes de myosine possède deux sites de fixation, l’un pour l’ATP et l’autre pour l’actine. La tête de myosine possède une activité ATPase activée au contact de l’actine.
Les filaments fins sont faits de monomères d’actines, ils composent les bandes I et s’étendent jusqu’aux bandes A. Les filaments d’actine sont constitués des deux chaines d’actine F enroulées en double hélice sur lesquelles sont attachées une protéine globulaire (actine G) et deux autres protéines : la tropomyosine et la troponine. La tropomyosine s’étend dans la gouttière de l’hélice d’actine. Elle bloque les sites de liaison de l’actine et myosine. La troponine se fixe sur la tropomyosine environ toutes les 8 molécules d’actine. Elle est responsable de la régulation cytoplasmique de la contraction musculaire. Elle est constituée de 3 sous-unités : la troponin T (cTnT), la troponin I (cTnI) et la troponine C (cTnC). La cTnT est la sous unité qui sert d’ancre à la troponine sur la tropomyosin. La cTnI inhibe l’activité ATP de la tête de myosine. La cTnC lie le calcium. Lorsque la cTnC est saturée en calcium, l’effet inhibiteur de la cTnI est supprimé.
La ligne Z est constituée de l’alpha actinine, elle relie les filaments d’actine à la titine.
Les mutations des protéines du sarcomère
Depuis la découverte de l’implication de la mutation du gène β-MHC dans la CMH en 1990 (Geisterferlowrance et al. 1990) plus de 400 mutations ont été trouvé dans les gènes codants pour les protéines de sarcomère et causant la CMH, mais aussi la CMD et la CMR. Aucune mutation dans des gènes codants pour les protéines du sarcomère ne semble être responsable de DVDA. Malgré un grand nombre d’études qui ont été réalisées pour élucider la structure et la fonction des protéines sarcomériques normales, il est encore difficile de prévoir les conséquences fonctionnelles exactes des mutations trouvées dans cardiomyopathies ; il est seulement possible d’en apprécier leur nature et position. Les découvertes de mutations causant les cardiomyopathies dans les protéines sarcomériques ont conduit à des études « in vitro » approfondies sur leurs conséquences fonctionnelles En outre, « in vivo » les modèles animaux transgéniques ou knock-in ont largement été utilisés pour explorer la fonction physiologique des mutations dans les gènes codant pour les protéines sarcomèriques et leurs implications dans la pathogenèse des cardiomyopathies. Ces études ont amélioré les connaissances des fonctions physiologiques des protéines sarcomériques dans des cardiomyopathies.
Mutations dans des gènes des filaments épais
• Myosine
Il existe deux isoformes de myosine dans le muscle cardiaque : α-MHC et β-MHC. α-MHC est abondante dans les cellules atriales et ventriculaires pendant l’embryogenèse. Elle reste prédominante dans ces deux types de cellules à l’âge adulte chez les petits mammifères comme la souris et le rat. Par contre chez l’homme adulte β-MHC est surtout exprimée dans les ventricules et α-MHC dans les cellules atriales. Β-MHC est aussi connue pour être exprimée dans le muscle squelettique.
• Β-MHC/MYH7
Les mutations du gène codant pour la β-MHC est la cause la plus fréquente de CMH. Plus de 167 mutations ont été identifiées dans le gène codant pour la β-MHC. Les mutations R403Q et R453C sont associées avec le phénotype le plus sévère. (Epstein et al. 1992; Watkins et al. 1992). Plusieurs études fonctionnelles ont été menées pour identifier les effets de ces mutations. Une étude du cycle calcique dans des fibres musculaires a démontré que les myofilament du mutant sont plus sensibles au calcium et que cette particularité mène à une dysfonction diastolique(Gao et al. 1999). Chez les souris homozygotes pour la mutation R403Q la myosine cardiaque a été étudiée et il a été montré que cette mutation renforce la force générée, l’activité ATPasique et la vélocité des filaments d’actine. Par contre la mutation R453C ne renforce que la capacité de la force générée (Tyska et al. 2000). Les mutations impliquées dans les CMH augmentent la puissance du flux de sortie des cœurs au-delà de la tolérance au stress mécanique d’un sarcomère cardiaque normal, ce qui pourrait être un stimulus primaire pour la réponse hypertrophique. La création d’une lignée de lapin transgénique pour la mutation R403Q a permis de reproduire un phénotype identique aux patients CMH (mort subite, hypertrophie cardiaque, désarroi des myocytes et fibrose interstitielle). Ce lapin transgénique peut être utilisé comme modèle de la maladie pour des fins thérapeutique et études de la pathogenèse.
Dans les CMD, 11 mutations non-sens ont été rapportées comme causales. Les deux mutations retrouvées chez les familles avec un phénotype précoce sont S532L et F746L (Kamisago et al. 2000). Des souris transgéniques ont été créées pour ces deux mutations en état hétérozygote comme homozygote. Les souris homozygotes ont montré une dysfonction systolique. Cette étude montre que la mutation S532P réduit la force générée et la vélocité d’actine tandis que la mutation F746L réduit l’activité d’ATPase activé par l’actine. Les cardiomyocytes isolés des souris hétérozygotes montrent des facultés de contraction réduites (Debold et al. 2007; Schmitt et al. 2006). Ces résultats ont permis d’émettre l’hypothèse que les activités enzymatiques et mécaniques de la myosine cardiaque peuvent déclencher la cascade d’événements qui mènent à la CMD.
• MYL3
Les mutations du MYL3 sont une cause rare de CMH, il y a 4 mutations non-sens répertoriées. La mutation M149V a été trouvée dans une grande famille (Poetter et al. 1996). La basse mortalité de cette famille suggère que la présence de cette mutation prédit un bon pronostic. Les études sur les animaux transgéniques (souris, lapin) suggèrent que cette mutation est non-causale pour la CMH (Sanbe et al. 2000; Jeanne James et al. 2002).
• MYL2
Huit mutations non-sens et deux mutations du site d’épissage ont été identifiées dans le gène MYL2 chez les patients avec un pronostic sévère (Richard et al. 2003).
• MYBPC3
Les mutations du gène MYBPC3 sont la cause génétique la plus fréquente de CMH. 134 mutations différentes ont été identifiées, dans les exons comme introns de ce gène. Les mutations non-sens ne représentent qu’une moitié des mutations répertoriées, l’autre moitié rassemble des insertions, délétions et des mutations du site d’épissage, ce qui donne une protéine tronquée. Les mutations de MYBPC3 comparées à des mutations de MYH7 et cTNT sont associées avec moins d’hypertrophie, moins de pénétrance et un meilleur pronostic (Niimura et al. 2002).
Des souris transgéniques exprimant un mutant dépourvu de sa moitié C-terminale, qui mime la forme tronquée de la protéine chez les patients CMH, ne présentaient pas d’hypertrophie cardiaque significative et aucune augmentation significative de la morbidité ou mortalité (Q. Yang et al. 1998). La protéine tronquée n’a pas été correctement incorporée dans la bande A de sarcomère, suggérant qu’une haplo-insuffisance pourrait jouer un rôle dans le processus pathogène. Les souris homozygotes KO étaient également viables et présentaient des sarcomères bien développés, mais souffraient d’une hypertrophie cardiaque significative avec la fonction diastolique réduite. Ces données démontrent que MYBPC3 n’est pas essentiel pour la formation et le maintien de l’ultrastructure du sarcomère, mais son absence conduit à l’hypertrophie cardiaque et à l’insuffisance cardiaque.(Harris et al. 2002).
Mutation dans des gènes des filaments fins :
• Le complexe de Troponine : Cardiac Troponin T
Vingt-sept mutations de cTnT ont été observées pouvant causer une CMH. Les patients avec des mutations de cTnT ont une hypertrophie modérée ou non significative avec un pronostic alteré à cause du risque de mort subite. Les mutations non-sens I79N et R92Q, ainsi que la délétion ΔE160 ont été identifiées comme pouvant causer un phénotype clinique sévère avec une espérance de vie de moins de 35 ans. Beaucoup d’études ont été focalisées sur l’aspect fonctionnel des mutations de cTnT et leurs conséquences dans la pathogenèse de la cardiomyopathie. L’utilisation des transfection ou infection de cDNA codant pour des mutant de cTnT ont montré que les mutations I72N, R92q et ΔE160 influent sur la contractilité du muscle sans toujours perturber la structure du sarcomère (Marian et al. 1999; Rust, Albayya, and Metzger 1999). Cette perturbation de la structure du sarcomère a été observée dans 10% des myotubes observés (Sweeney et al. 1998). Les mutations I79N, R92Q, R92W et R92L augmentent la sensibilité au calcium sans porter atteinte à la capacité de génération de force maximale et l’activité ATPase (Szczesna et al. 2000; Harada and Potter 2004). La création d’une souris transgénique pour la mutation I79N a permis de confirmer cette hypothèse. Les fibres prévenant des muscles de ces souris présentent une augmentation de la sensibilité du calcium (T. Miller et al. 2001). Les cœurs isolés des souris transgéniques portant la mutation R92Q montre une hypercontractilité et une dysfonction diastolique. Les cardiomyocytes isolés de ces cœurs ont une activation sarcomérique augmentée, une relaxation affaiblie et une longueur du sarcomère plus petite (Tardiff et al. 1999). Ces études suggèrent que l’augmentation de la sensibilité au calcium joue un rôle majeur dans la pathogenèse des CMH associé aux mutations de la troponin T.
Dans les CMD, la première mutation rapportée a été la délétion ΔK210 (Kamisago et al. 2000). Par la suite la mutation non-sens R141W a été détectée dans une grande famille (Lu et al. 2003). En 2003, Mirza et al ont rapporté trois nouvelles mutations non-sens : R131W, R205L et D270N. Toutes ces mutations ont un effet de diminution de sensibilité au calcium. Les souris transgéniques pour ces mutations ont développé des cœurs élargis et une insuffisance cardiaque. Elles étaient aussi sujettes à la mort subite (Du et al. 2007).
• Le complexe de Troponine : Cardiac Troponin I
26 mutations ont été rapportées comme causale de la CMH. La plupart de ces mutations ont un effet sur la sensibilité au calcium, agissant ainsi sur la contraction du muscle cardiaque. Les souris présentant la mutation R145G montrent des signes de CMH avec une désorganisation de myocytes et une fibrose interstitielle sans hypertrophie significative. Les cœurs isolés de ces animaux présentent une fonction systolique renforcée et une dysfonction diastolique. Les fibres cardiaques isolées sont plus sensibles au calcium (J James et al. 2000).
Une seule mutation de la troponin I cardiaque a été identifiée, et la forme mutée est impliquée dans la CMD, elle cause une rare forme héréditaire de CMD. C’est la mutation N-terminale A2V. C’est une mutation autosomale récessive. Cette mutation joue sur l’interaction entre la cTnI et la cTnT (Murphy et al. 2004).
Dans la CMR, 6 mutations de cTnI ont été identifiées chez des patients avec une forme idiopathique de CMR (Murphy et al. 2004). Une des mutations identifiées est la D190G. Cette mutation est présente aussi chez les patients CMH, ce qui peut suggérer un mécanisme moléculaire commun. L’étude fonctionnelle montre une augmentation de la sensibilité au calcium qui est supérieure à des effets observés dans les CMH (Yumoto et al. 2005).
• Le complexe de Troponine : Cardiac Troponine C
La mutation L29Q dans le gène codant pour la cTnC a été rapportée chez un patient CMH avec une forme terminale de la maladie (Hoffman et al. 2001). La partie N-terminale du gène qui contient le résidu L29 interagit avec la Ser22/23 N-terminal de la cTnI. Cette interaction est supprimée lors de la phosphorylation de la Ser22/23 par une protéine kinase A (PKA) conduisant à une diminution de sensibilité au calcium. Cette mutation supprime l’interaction entre ces deux protéines, ce qui conduit à un changement de la sensibilité au calcium du myofilament pendant la phosphorylation (Finley et al. 1999; Schmidtmann et al. 2005).
Dans les CMD, une seule mutation de cTnC a été identifiée (Mogensen et al. 2004). Cette mutation diminue la sensibilité de calcium dans l’ATPase d’actomyosin et dans des essais in vitro de motilité (Mirza et al. 2005). Cette mutation n’a aucun effet sur la sensibilité au calcium et la génération de force quand les fibres cardiaques ont été isolées du mutant (Preston, Ashley, and Redwood 2007).
Il a été démontré que cette mutation bloque la désensibilisation du calcium par la force de générée induite par la phosphorylation de Thr203 par PKC ou la ser22/23 par PKA (Preston, Ashley, and Redwood 2007; Biesiadecki et al. 2007)
• Tropomyosine
Le muscle strié exprime deux isoformes de tropomyosine : l’α-tropomyosine et la β-tropomyosine. Le muscle cardiaque exprime surtout l’α-tropomyosine.
Au total 11 mutations de l’α-tropomyosine ont été identifiées comme cause de CMH bien que l’incidence soit faible (environ 5% des CMH). La sensibilisation au calcium a été observée sur la contraction du muscle comme pour cTnT et cTnI (Heller et al. 2003). La mutation D175N a été retrouvée dans 3 familles avec un pronostic favorable mais également dans une famille avec des épisodes de mort subite (Coviello et al. 1997).
Deux mutations non-sens ont été identifiées chez les patients CMD avec un phénotype sévère. Ces mutations sont E40K et E54K dans le gène de l’α-tropomyosine. Dans ces mutations, un acide aminé acide est remplacé par un acide aminé basique. Ces deux mutations diminuent la sensibilité du calcium (Mirza et al. 2005; Chang et al. 2005).
• Actine
Dans les cellules de mammifères on observe six isoformes d’actine. Dans le myocarde on ne retrouve que des actines sarcomériques : l’α-cardiac actine et l’α-skeletal actine (Carrier et al. 1992).
La mutation de l’α-cardiac actine est une cause rare de CMH (1,5%), néanmoins 7 mutations ont été identifiées. Ces mutations diminuent la stabilité thermodynamique du monomère d’actine et affaiblit la formation du filament. L’accumulation des agrégats peut être un des effets pathogènes au niveau cellulaire (Vang et al. 2005). La mutation E99K diminue la vélocité et la force moyenne dans des tests in vitro de motilité en diminuant l’affinité de l’actine pour la myosine (Bookwalter and Trybus 2006). Ces études suggèrent que la diminution des interactions actine-myosine peut être un premier défaut au niveau moléculaire conduisant aux CMH.
Dans les CMD, deux mutations de l’α-cardiac actine ont été rapportées. Ce sont des mutations non-sens : R312H et E361G (Olson et al. 1998). Ces deux mutations sont responsables d’altération de la formation de filaments (Vang et al. 2005).
Canalopathies
Définition
Les canalopathies sont des syndromes héréditaires causés par des mutations dans les gènes codants pour des canaux ioniques, des sous-unités constitutives de canaux ioniques, ou des protéines associées à ces canaux ioniques membranaires. Les canaux ioniques sont des protéines ancrées dans la membrane cellulaire. Ceux-ci contrôlent de façon sélective le passage des ions à travers les membranes. En maitrisant les flux ioniques, les canaux ioniques contrôlent l’activité électrique cellulaire et sont impliqués dans chaque battement du cœur et chaque contraction musculaire. Le fonctionnement de ces canaux entraine des mouvements de charges électriques à travers la membrane cellulaire et modifie sa polarité. Le courant dit « entrant » est une dépolarisation par une entrée d’un ion positif. Le courant dit « sortant » c’est la repolarisation ou l’hyperpolarisation par une sortie d’ion positif ou une entrée d’un ion négatif.
Plusieurs maladies cardiaques sont associées à des mutations affectant les canaux Na+, K+ et Ca2+. Les canalopathies sont identifiées grâce à des anomalies présentes sur l’ECG. Elles se manifestent principalement par des troubles de la rythmicité cardiaque et beaucoup plus rarement de la contraction musculaire.
Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 : MALADIES CARDIAQUES
Insuffisance cardiaque
Cardiomyopathies associées a des mutations du sarcomère : les sarcomeropathies Canalopathies
Chapitre 2 : CELLULES SOUCHES PLURIPOTENTES INDUITES (IPSC)
Pluripotence
Cellules souches pluripotentes induites (iPSc)
Utilisation des cellules souches pluripotentes induites en recherche médicale
Chapitre 3 : EDITION DU GENOME
La recombinaison homologue :
Nucléases et nickases
CRISPRi et CRISPRa
Objectifs de travail
Première partie : La maturation différentielle du sarcomère de cardiomyocytes dérivés d’iPSC par un protocole en monocouche vs un protocole basé sur l’agrégation
Deuxième partie : Modélisation de la susceptibilité au syndrome de QT long induit par des médicaments avec un panel de cellules iPS sujets spécifiques
Trosième partie : La génération de cellules souches pluripotentes induites issues de patients pour le traitement de maladies cardiaques.
Quatrième partie : Méthode d’enrichissement de la différenciation cardiaque des cellules souches pluripotentes par l’activation de la transcription de gènes cardiogéniques à l’aide de la dCas9.
Introduction.
Matériels et méthodes
Construction des plasmides : Nucleofection des iPSC
Immunofluorescence
Résultats
Sélection du transactivateur dCas9
Multiplexage des gARN par la technique du Golden Gate
Dessin de 4 nouveaux gARN de GATA4
Création du vecteur d’expression multiplexé GATA4, Mef2c et Tbx5
Mise au point d’un nouveau protocole de différenciation basée sur l’approche de transactivation
spécifique d’un programme cardiogénique
Conclusions
Discussion générale et perspectives
Bibliographie