Cégeps au sein du réseau de l’enseignement au Québec
Le système d’éducation québécois comporte quatre ordres d’enseignement: primaire, secondaire, collégial et universitaire. D’abord, le primaire et le secondaire, composés d’étudiants dont l’âge se situe généralement entre 5 et 16 ans, offrent des programmes d’études élaborés par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport [MELS] (Bédard, 2003). La formation universitaire des enseignants de ces ordres d’enseignement est principalement axée sur la pédagogie et elle a un caractère obligatoire lors de l’embauche, c’est-à-dire qu’un enseignant doit garantir l’obtention de son brevet d’enseignement afin d’obtenir un emploi (Loi sur l’instruction publique – UP, 2005, chap. 1-13.3, art. 23).
Ensuite, les ordres d’ enseignement collégial et universitaire sont souvent désignés comme composantes de l’enseignement postsecondaire puisque les activités d’enseignement sont « offertes aux personnes normalement considérées comme adultes ou auxquelles on peut habituellement aspirer après avoir achevé des études secondaires ou atteint l’âge adulte» (Orton, 2003, p. 21). Ces ordres d’enseignement offrent des programmes d’études visant la maîtrise de compétences ou d’un champ de compétences (Laliberté et Dorais, 1999). Pour les enseignants de ces ordres d’enseignement, la formation universitaire axée sur la pédagogie est optionnelle (Lauzon, 2002; St-Pierre, 2007; St-Pierre, Martel, Ruel et Lauzon, 2010). En revanche, la formation universitaire dans leur discipline d’enseignement est obligatoire (St-Pierre et al., 2010). En outre, le développement et l’évaluation des programmes sont assurés par les enseignants (Bédard, 2003; Conseil supérieur de l’éducation, 2000) et les activités de recherche sont facultatives au collégial, mais obligatoires et formelles à l’enseignement universitaire (St-Pierre, 2007).
Bien que nous ayons souligné les distinctions entre ces ordres d’enseignement, il importe de remarquer deux caractéristiques communes sans égard à l’ordre d’enseignement: 1) la responsabilité de l’enseignement est partagée par l’ensemble des enseignants intervenant dans un programme de formation et dans un même établissement, c’est-à-dire qu’elle n’incombe pas à un seul individu (Laliberté et Dorais, 1999); 2) tous les enseignants de ces ordres d’enseignement ont la responsabilité de préparer et dispenser l’enseignement aux étudiants amSl que d’évaluer le rendement de ces derniers (Bédard, 2003; St-Pierre, 2007).
Créé en 1969, le réseau collégial public est composé de 48 établissements répartis à travers la province québécoise et accueille de jeunes adultes (N = 200 493). Ces derniers sont âgés majoritairement de 17 à 24 ans (soit dans une proportion de 80%) et sont inscrits à la formation technique, préuniversitaire ou à la formation continue (Fédération des cégeps, 2015b). Quant au personnel au service du réseau collégial, celui-ci regroupe des employés (N = 27 562) répartis dans différents corps d’emploi, c’est-à-dire au sein du personnel enseignant (N = 17 287), du personnel de soutien (N = 7 166), du personnel professionnel (N = 1 931) et du personnel de direction (N = 1 178) (Fédération des cégeps, 20 15b). Les cégeps occupent une place prépondérante non seulement dans le cheminement scolaire des étudiants québécois à l’égard de l’enseignement supérieur, mais ils jouent également un rôle important au sein des communautés, tant par leur offre d’activités socioculturelles et sportives que par leur offre de services de soutien technologique aux entreprises, par l’intermédiaire de partage d’expertises et de perfectionnement (Fédération des cégeps, 2015b).
Certes, la mission des cégeps consiste à offrir un service d’ enseignement, tout comme les ordres d’ enseignement primaire, secondaire et universitaire, mais son servIce d’enseignement se différencie de ceux-ci notamment par sa mission d’orientation. En effet, la plupart des étudiants confirment leur choix de carrière lors de leur passage au collégial, et ce, qu’ils s’inscrivent à un programme technique menant au marché du travail ou à un programme préuniversitaire menant à la poursuite des études à l’université (Dionne-Proulx et Alain, 2000; Fédération des cégeps, 2015b).
Description des principaux changements survenus depuis 20 ans
Depuis une vingtaine d’ années, les établissements d’enseignement du réseau collégial ont fait face à plusieurs changements qui ont eu pour conséquence de modifier la nature de la tâche des enseignants. Nous avons choisi de présenter ces changements selon deux perspectives, soit les changements de nature sociétale et ceux de nature structurelle.
Les changements de nature sociétaZe
D’abord, les changements de nature sociétale au sein des cégeps sont en phase avec les mutations de la société (Conseil supérieur de l’éducation, 2010), que nous présentons sous l’angle de trois réalités nous apparaissant plus évidentes. Premièrement, l’omniprésence des technologies et de ses nouveaux modes de communication (p. ex., les réseaux sociaux) modifie les pratiques pédagogiques du personnel enseignant (Poellhuber, 2001 ; St-Pierre et Lison, 2009) amSI que les comportements d’ apprentissage des étudiants (Belleau, 2012).
Deuxièmement, les valeurs et attitudes des étudiants sont différentes des cohortes d’étudiants des générations antérieures (St-Pierre et Lison, 2009), des circonstances qui ont amené plusieurs cégeps de la province à se doter d’un code de conduite destiné à créer un environnement adéquat pour la réalisation de leur mission éducative.
Troisièmement, l’équilibre du rapport études-travail est rompu en raison des pressions liées à la consommation. Il en résulte un risque accru de difficultés scolaires et d’abandon des études dans de telles circonstances (Thériault, 2004). Le personnel enseignant, acteur de premier plan auprès des étudiants, doit les informer de la menace que ce risque accru fait peser sur leur parcours scolaire (Roy, Bouchard et Turcotte, 2008). En somme, ce nouveau contexte sociétal nécessite des adaptations et une approche différente de la part des enseignants (Gourdeau, Labelle, Letarte et Tremblay, 2010), chez qui ces nouvelles réalités sont parfois perçues comme des entraves à leur épanouissement professionnel (Doyon, 2013).
Les changements de nature structurelle
Présentés au cours des prochains paragraphes, les changements de nature structurelle s’ articulent selon sept points. Premièrement, la réforme Robillard en 1993 a modifié le cadre légal du réseau collégial en introduisant l’approche par compétences visant à établir une meilleure correspondance entre les attentes du marché du travail et les programmes de formation offerts par le réseau. Ce courant d’enseignement a eu pour effet d’alourdir la charge de travail des enseignants non seulement lors de son introduction (Dionne-Proulx et Alain, 2000), mais également depuis, puisque cette approche nécessite une concertation régulière des acteurs des programmes et une certaine maîtrise des concepts s’y rattachant (Avignon, 2013; Comité patronal de négociation des collèges et fédérations syndicales, 2008).
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