Cas Schémas métaphoriques

Cas Schémas métaphoriques

Le développement des relations humaines : une source d’inspiration de métaphores organiques mais aussi mécaniques

Nous distinguons dans la HBR huit métaphores qui concernent directement les relations humaines. Les cinq premières métaphores sont mécaniques, la sixième est une 256 métaphore du jeu, la septième est une métaphore organique et la dernière une métaphore mécanique. Nous commencerons par décrire succinctement les cinq premières métaphores avant de les exposer plus en détail et de montrer la conception sous-jacente des relations humaines. La première métaphore concerne le processus de production dans une usine et est représentée comme un torrent (Richardson et Walker, 1949). La deuxième concerne le processus de communication et le représente comme un ensemble de tuyaux par lequel passe un liquide (Johnson, 1953). La troisième montre le processus de résolution d’un problème comme une suite de franchissements de murs (Katz, 1956). La quatrième, qui se trouve dans le même article que le précédent, montre l’interprétation d’une situation comme la projection d’une flèche sur une cible. La cinquième est une représentation de la tête d’un individu avec trois cheminées (Katz, 1960). La première métaphore que l’on rencontre dans la HBR date de 1949 (Richardson et al., 1949) et représente le premier processus au sein de cette revue (voir schéma ci-dessous). C’est une vision mécanique qui est proposée de ce que les auteurs appellent le « flux de travail » : « Pour comprendre le flux de travail dans l’usine que nous avons étudiée1 , nous avons trouvé utile de penser en terme de rivière2 . Matières premières, commandes, et plans d’ingénieurs, tous commencent, pour ainsi dire, aux sources du principal torrent ou de ses affluents (…) Une telle image a différents avantages. Elle permet de visualiser clairement – et aussi de dessiner précisément – qu’elle est la contribution d’un individu sur le flux de travail au point où sa contribution est faite – qu’il soit un planificateur de la production qui traite des papiers nécessaires à la planification des flux des différents éléments ou qu’il soit un opérateur machiniste traitant des éléments réels » (Richardson et al., 1949, p. 108). 1 Une usine IBM. 2 « river system » dans le texte. 257 Schéma n° 33 : Le flux de travail Source : Richardson et Walker (1949), HBR Si cette métaphore sert à présenter des éléments disparates selon l’ordre des tâches comme cela est précisé par les auteurs, elle permet également de montrer une certaine fluidité du travail, concept qu’on retrouve indirectement dans le texte avec la question de la supervision. Celle-ci s’accroît dans une proportion moindre que l’augmentation du nombre de travailleurs tout au long du processus. Cette supervision d’un plus grand nombre de personnes par un même surveillant est signalée comme « une réduction remarquable des situations de friction humaine potentielles tout au long du flux de travail » (Richardson et al., 1949, p. 112). Les avancées techniques permettent également cette fluidité du travail avec la suppression des petits ateliers qui entraînaient le passage par des zones de stockage avant que le produit n’aille à l’atelier suivant. La ligne d’assemblage a permis de rendre ce processus plus fluide. Cette représentation que les auteurs présentent comme étant à deux dimensions et permettant de mettre l’accent sur la coordination horizontale n’a finalement qu’une dimension utile. Nous observons une direction donnée au graphique dans le sens de la longueur. La hauteur n’a en revanche aucune signification dans le graphique. Elle sert à placer des affluents autour du torrent. 258 Dans la deuxième métaphore, nous observons un processus de communication représenté sous forme de tuyaux, mettant en jeu à la fois des aspects physiologiques et des aspects verbaux avec des « formes symboliques » (voir schéma ci-dessous). L’auteur nous explique dans quelles conditions a été créé ce schéma. C’est lors d’une discussion académique concernant une étude de la parole que le mot « communication » revenait souvent sans que les intervenants n’aient « une notion claire et commune de ce que le mot « communication » signifie » (Katz, 1960, p. 50). L’auteur décide de dessiner une représentation sur le tableau en rappelant un vieux dicton selon lequel « si vous ne pouvez pas le schématiser, vous ne pouvez pas le comprendre » (Katz, 1960, p. 50). Ce schéma a ensuite été affiné et il est présenté ici neuf ans plus tard avec une plus grande précision dans les étapes qui avaient été définies à l’époque. Du point de vue des choix graphiques, nous pouvons nous interroger sur l’intérêt d’avoir choisi une représentation mécanique alors que sont présents à la fois des éléments physiologiques – par conséquent conditionnés et présentant un aspect mécanique – et des éléments symboliques qui amèneraient à avoir une représentation organique. Ainsi, cette 259 dernière donne une connotation déterministe qui correspond mal à ce second aspect. Dans le texte nous retrouvons des références à cette métaphore mécanique des tuyaux avec les notions de « tunnel » et de « filtre ». De même, le texte met l’accent sur un certain déterminisme dans la formulation de mots. Il est fait référence à la psychologie avec l’influence de l’inconscient. Il est question de Pavlov. On rappelle les facteurs qui déterminent le résultat obtenu à l’étape 5 : les facteurs positifs sont la connaissance disponible, le vocabulaire, la flexibilité dans l’utilisation de ce vocabulaire et les habitudes. Les facteurs négatifs sont « le refoulement, les inhibitions, les tabous, les blocages sémantiques, et les ignorances, aussi bien que les formes symboliques limitées » (Johnson, 1953, p. 54). La boucle torsadée sous cette représentation dénote par rapport à la métaphore du dessus et invite à avoir une vision un peu différente des tuyaux avec des flux qui peuvent aller dans les deux sens. La troisième métaphore, tout comme celle qui vient d’être décrite et celle sur le « flux de travail », comporte une définition d’étapes. Elle consiste en un franchissement de « barrières » ou plus précisément en une brèche faite dans des murs (voir schéma ci-dessous). Katz (1956) défend l’idée d’un nouveau programme de formation pour les cadres qui permette de se défaire des « obstacles » à la perception juste d’une situation et à une prise de décision correcte.

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Les représentations métaphoriques du contrôle par les chiffres

Plusieurs représentations métaphoriques sont liées à des outils de contrôle. Le retour sur investissement a été représenté dès sa création par une arborescence (Swieringa et Weick, 274 1987). Il est donc assez peu surprenant de retrouver une représentation graphique d’un arbre même si la métaphore semble limitée. Hetrick (1961) explique le choix de cette métaphore par une analogie entre d’une part le flux ascendant des produits et la sève des arbres, et d’autre part entre le flux descendant de l’argent et la « pluie sur les feuilles ». « L’arbre du capital » (voir schéma ci-dessous), qui est une représentation de l’organisation, doit également servir à symboliser différents niveaux de rentabilité avec une flèche exprimant ce que les recettes perçues permettent de financer. Schéma n° 45 : L’arbre du capital Source : Hetrick (1961), HBR. Cette métaphore montre une circulation naturelle des deux flux de produits et d’argent. Ne sont pas évoqués les propriétés liées aux métaphores organiques, à savoir l’adaptation à l’environnement, l’harmonie par rapport à cet environnement ou la sélection naturelle (Morgan, 1999 [1986]). La métaphore mécanique du débit d’eau dans un tuyau avec valve est utilisée pour expliquer les paiements induits pour l’entreprise par les plans de retraite et leur effet sur le résultat d’exploitation (Trowbridge, 1966) (voir schémas ci-dessous). Il y est explicitement fait référence à la métaphore dans le texte, avec l’explication de l’ajout d’un tuyau, de la 275 signification d’une valve ou de la présence d’un réservoir. En revanche, le choix de la métaphore n’est pas donné. Schéma n° 46 : Les principes du « pay-as-you-go » Source : Trowbridge (1966), HBR Schéma n° 47 : Principes de financement anticipé Source : Trowbridge (1966), HBR 276 Le deuxième schéma représente une autre forme de paiement des pensions de retraite par l’entreprise. L’idée de celui-ci, par rapport au précédent, est que tout le financement des pensions de retraite ne se retrouve pas dans le résultat d’exploitation. La pression que régulent les valves sert de métaphore au coût de financement consenti. A côté de ces deux schémas métaphoriques, une équation et des diagrammes chiffrent plus précisément les efforts financiers consentis. La métaphore choisie renforce l’aspect coût du paiement des plans de retraite avec l’eau qui s’en va dans un tuyau non fermé. D’une certaine manière, l’eau qui était présente dans le graphique, dans les réservoirs, quitte le dessin. Conclusion Les métaphores qui sont en relation avec le développement des ressources humaines sont plutôt de nature mécanique (6 métaphores sur 8). Nous aurions pu nous attendre à plus de métaphores liées à des hiérarchies en raison de l’accent mis par ce courant de recherche sur la hiérarchie des besoins et des motivations. Par ailleurs, comme l’a fait remarquer Morgan, la métaphore organique vise à montrer des liens entre les besoins de l’organisation et ceux des organismes vivants. Nous n’observons aucune métaphore de ce type là. Au niveau des métaphores sur la structure organisationnelle, elles préservent les principes tayloriens de la séparation entre planification et exécution et de la structure hiérarchique. Par ailleurs, des métaphores représentent un contrôle par les chiffres. Nous sommes surpris du faible nombre de schémas métaphoriques dans les années 1980 et 19901 alors que ces décennies sont considérées comme des années où on s’intéresse plus à la formulation de la stratégie et que la métaphore aide à faire éclore les idées (Brabandere et Mikolajczak, 2002) et à réfléchir à des liens causaux (Tsoukas, 1991). Ce sont les années 1960 qui ont donné lieu au plus grand nombre de métaphores avec une influence de la conquête spatiale. C’est également au cours de cette décennie que l’on retrouve le nom d’un dessinateur sur les graphiques. Il semble que les facteurs d’influence prédominants dans la création de métaphores sont ainsi l’environnement technologique et la disponibilité d’un dessinateur. 

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