CARYOTYPAGE CHEZ L’HOMME ET CHEZ DEUX RONGEURS DU GENRE MASTOMYS
Le caryotype humain
Le caryotype est la mise en évidence et le classement des chromosomes d’une espèce donnée. C’est donc la configuration de la carte chromosomique d’un sujet en vue de montrer la morphologie du matériel génétique qui se présente sous la forme de chromosomes dans les cellules eucaryotes (MARIE, 2001). Le caryotype humain a été fixé à 46 chromosomes (TIJO et LEVAN, 1956). Ainsi, le caryotype est utilisé comme indicateur de premier plan pour mettre en évidence les anomalies de nombres et de structures des chromosomes. Il est de plus en plus pris en compte pour l’orientation thérapeutique (SELE et al., 2004). L’étude du caryotype permet d’évaluer la réponse cytogénétique d’un traitement, de cibler les anomalies chromosomiques mais aussi d’identifier des espèces (DJOUADI et al., 2008).
Le caryotype chez les rongeurs
Les rongeurs sont des mammifères caractérisés par une très grande diversité spécifiques. Cependant, cette diversité n’est toujours pas décelable par leur morphologie. Leurs études morphologiques sont rendues délicates par l’existence d’espèces jumelles (GAULTIER, 1999). Il s’avère que les populations de deux espèces cryptiques peuvent décrire des cycles dépendants de paramètres éco-éthologiques tout à fait variés. C’est le cas des Mastomys (POULET, 1982). Les rongeurs sont souvent des réservoirs d’agents pathogènes pour les populations humaines (WHO, 1996 ; GRATZ, 1997) et les populations animales (GRATZ, 1994). C’est le cas de Rattus rattus, Mastomys natalensis ou Arvicanthis niloticus, réservoirs de nombreux virus, comme ceux responsables de certaines fièvres hémorragiques (Lassa, Rift-Valley….). On comprend facilement l’intérêt porté sur l’étude des ces rongeurs. Dans les années 1950, 1960,1970, le Professeur MATTHEY de Lansanne applique pour la première fois les techniques cytogénétiques à la systématique et permet ainsi la mise en évidence de nombreuses espèces jumelles, notamment chez les rongeurs africains (MATTHEY, 1954 ; 1969 ; MATTHEY et PETTER, 1970 ; MATTHEY et JOTTERAND, 1972). En effet, des caryotypes très différents indiquent une incompatibilité reproductrice (KING, 1993). L’analyse du caryotype chez les rongeurs est devenue depuis, un nouveau outil 6 incontournable dans la détermination de nombreuses espèces appartenant à des genres comme Arvicanthis (DUCROZ et al., 1997), de Gerbillus (GRANJON et al., 1999), de Mastomys (DUPLANTIER et al., 1990 ) pour lesquelles une simple étude morphologique est souvent peu convaincante voire totalement illusoire. Les caryotypes de certaines espèces ont été ainsi mis en évidence : Arvicanthis niloticus, 2n = 62 et Nfa = 62 ; Mastomys natalensis, 2n = 32 et Nfa = 54, (DUPLANTIER et al., 1997) ; Mastomys erythroleucus, 2n = 38 et Nfa = 50 à 54, (DUPLANTIER et al., 1990) ; Mus muscul, 2n = 40 et Nfa = 38 ; Mus nannomys, 2n varie de 32 à 34 et Nfa = 38.
Les chromosomes
Définition et Structure
Ce sont des structures en forme de bâtonnets faites de chromatides nucléaires bien visibles pendant la division cellulaire surtout à la métaphase (DARBOUX et al., 2005). Le bâtonnet chromosomique porte une zone de constriction dénommée centromère. C’est le point de liaison des deux chromatides. Les deux segments situés de part et d’autre du centromère constituent les deux bras du chromosome. Chaque molécule d’ADN formant un chromosome possède un centromère, deux télomères et une origine de réplication (DJOUADI et al., 2008). Les télomères sont des séquences particulières d’ADN situées à l’extrémité des chromosomes. Figure 1: Structures d’un chromosome (DJOUADI et al., 2008)
Classification et Nomenclature des chromosomes
Les chromosomes sont classés en fonction de leur taille et de la position de leur centromère. Par convention, ils ont été classés du plus grand au plus petit. La position du centromère a permis de calculer l’indice centromérique, défini comme le rapport du bras court sur la taille totale du chromosome. Cela a permis de classer les chromosomes en trois familles : médiocentrique (indice centromérique (IC)=0,5), acrocentrique (IC=0) et subcentrique ou télocentrique (IC comprise entre 0 et 0,5) (DJOUADI et al., 2008). 7 Figure 2: structure des chromosomes (acrocentrique, télocentrique et métacentrique de gauche à droite. (DJOUADI et al., 2008) La classification a été régulièrement actualisée pour inclure les terminologies, pour décrire les anomalies, les bandes et plus récemment les résultats de l’analyse FISH. La nomenclature la plus récente date de 1995 (DJOUADI et al., 2008). La nomenclature a été ensuite établie pour décrire la structure de chaque chromosome. Le terme Landmark ou repère a été utilisé selon DJOUADI et al.(2008), pour désigner les caractères morphologiques importants qui identifient les chromosomes. Les repères comprennent le centromère, les télomères et les bandes. Les régions sont définies comme des aires situées entre les bandes adjacentes. Le nombre de régions sur une bande est compris entre 1 et 4 selon “l’International System for Cytogenetic Nomenclature“ (ISCN). La règle de lecture du caryotype fait appel selon HERVE (2005a), à plusieurs normes : – Aux annotations en usage en cytogénétique : Le nombre de chromosomes humains est de 46n, on désigne par les lettres X et Y les chromosomes sexuels (l’homme normal 46, XY et la femme normale 46, XX). Selon toujours HERVE (2005a), s’il y a un autosome anormal, celui-ci est désigné par son numéro (1 à 22) ou par son groupe (A à G), suivi d’un signe + ou – s’il y a respectivement une augmentation ou une perte de substance. S’il y a un chromosome en surnombre, le nombre de chromosome par exemple est de 47, XY, 21 (l’autosome 21 est en surnombre chez l’homme). -Aux coordonnées cytogénétiques : Ce sont des indications chiffrées ou alphabétiques qui permettent d’identifier avec précision une partie, une portion ou un point d’un chromosome. Ces coordonnées permettent de distinguer exactement chaque paire de chromosomes. Ces chromosomes sont divisivés en régions et bandes. Les régions constituent le premier niveau de subdivision des bras p et q. Les bandes peuvent être subdivisées en sous bandes et en soussous bandes. 8 Exemple de lecture : 1p32 (deuxième bande de la troisième région du bras court du chromosome 1) 1p36.3 (troisième sous bande de la sixième bande de la troisième région du bras court du chromosome 1)
Les maladies chromosomiques
La réalisation du caryotype devient un examen incontournable dans l’analyse de certaines maladies chromosomiques. Il montre des anomalies de structures et/ou de nombres. Ces anomalies peuvent toucher aussi bien les autosomes que les chromosomes sexuels (BOURROUILON et al., 2008)
Les anomalies de nombre
Les aneuploïdies Les aneuploïdies se traduisent par une modification totale du nombre de chromosomes. Les plus fréquentes sont les trisomies et les monosomies (DEHAESE et al., 2000). Les trisomies sont les anomalies les plus communes chez l’espèce humaine (4% des grossesses reconnues). Elles sont caractérisées par la présence de chromosomes surnuméraires dans le caryotype. Exemples : la trisomie 21 et le syndrome de KLINEFELTER. Les monosomies Elles sont caractérisées par l’absence d’un chromosome au caryotype. Les sujets atteints ne sont jamais viables à l’exception de la monosomie X ou syndrome de TURNER (DEHAESE et al ., 2000). Les polyploïdies Les polyploïdies sont définies par l’existence dans le caryotype d’un nombre de chromosomes égal à un multiple du complément haploïde supérieur à 2 (DEHAESE et al., 2000). Les plus observées chez l’espèce humaine sont les triploïdies (3n soit 69 chromosomes) et la tétraploïdie (4n soit 92 chromosomes) Les mosaicismes Les cellules somatiques d’un individu peuvent posséder des formules chromosomiques différentes formant ainsi un caryotype en mosaïque (DEHAESE et al., 2000). Le mécanisme correspond à un non disfonctionnement mitotique post-zygotique aboutissant au moins à deux types de cellules avec des caryotypes différents. 9 Le chimèrisme Certains sujets sont issus de la fusion de deux ou de plusieurs zygotes.ils peuvent donc posséder des cellules ayant des caryotypes différents et sont appelés chimères. Exemple : chi 46, XX/ 46, XY ; chimère produite par une double fécondation, ou une fusion entre deux zygotes.
Les anomalies de structure
Ces anomalies sont moins fréquentes que les anomalies de nombre. Elles sont dues à de cassures des chromosomes suivies d’un ou de plusieurs remaniements anormaux pouvant survenir spontanément ou être induits par des agents clastogènes tels que les radiations, certains virus et divers produits chimiques. Les anomalies de structure sont nombreuses et diverses, mais les plus rencontrées en pathologies humaines sont les translocations et les délétions (BOURROUILLON et al., 2008). Les translocations réciproques Elles résultent des cassures qui surviennent classiquement au niveau des chromatides de deux chromosomes non homologues suivies d’un échange segmentaire réciproque entre ces deux chromosomes donnant naissance à deux dérivés (GAUTHIER, 2010) Exemples: 46, XY ; t (9 ; 22) (q 34 ; q11) : translocation entre les segments chromosomiques des bras longs des chromosomes 9 et 22 dans les leucémies myéloïdes chroniques. Les translocations robertsonniennes Elles se produisent entre chromosomes acrocentriques homologues ou non par fusion de leur centromère ou de leur région juxtacentromérique (DEHAESE et al., 2000). Exemple : 45, XX ; t (13q 14q) : translocation robertsonnienne entre deux segments des bras longs des chromosomes 13 et 14.
INTRODUCTION |