Caractéristiques qualitatives des huiles
Données physico-chimiques
Le CNUCED propose une classification rapide des huiles en fonction de leur acidité libre. Cependant les critères de sélection ou d’exclusion d’une huile dans une catégorie sont très nombreux. Ils peuvent être spécifiques à une catégorie d’huile ou plus généraux. Le suivi de ces différents critères est nécessaire car une dégradation de la qualité de l’huile peut avoir de nombreuses conséquences tant d’un point de vue nutritionnel que d’un point de vue risque sanitaire. En effet, certains composés tels que les acides gras poly-insaturés (acides gras essentiels) ou la vitamine E sont parmi les acteurs principaux de l’intérêt nutritionnel de l’huile d’olive, mais ils sont très sensibles à l’oxydation. Une huile oxydée aura un intérêt nutritionnel plus faible qu’une huile bien conservée. Les produits d’oxydation des acides gras (radicaux peroxydes) pourraient potentiellement entraîner des mutations génétiques à l’origine de certains cancers (voir 1.4).A la lecture du tableau 4, on peut remarquer que l’huile d’olive considérée doit avoir une densité comprise entre 910 et 916 g par litre. Les calculs dans les tableaux de résultats présentés ultérieurement incluront donc la relation 1 L d’huile équivaut à 913 g d’huile pour tous les résultats exprimés en kg. Dans une huile, les acides gras naturels sont essentiellement présents sous forme de triglycérides (98-99%). L’hydrolyse de ces derniers libère les acides gras (Figure 19) donc leur dosage permet d’avoir un état de l’avancement de la dégradation de l’huile. On remarque que c’est le principal critère distinctif entre les huiles commercialisées car les trois catégories d’huile vierge ont des seuils de qualité différents. Les seuils de tolérance sont plus faibles sur les huiles raffinées car cette étape doit supprimer presque toute trace d’acides gras libres.L’oxydation des acides gras insaturés aboutit à la formation d’hydroperoxydes (Figure 20). Cette étape est aussi appelée initiation de la peroxydation lipidique. Ces hydroperoxydes sont instables et peuvent réagir avec d’autres molécules pour générer de nouveaux radicaux. Ceci constitue l’étape de propagation dans la peroxydation des acides gras. Topallar et coll. ont démontré en 1997 que l’oxydation des acides gras dépend directement de la capacité de l’oxygène à réagir avec les radicaux peroxydes. Leur dosage permet donc d’avoir un état de l’avancement ou non de l’oxydation de l’huile.L’examen spectrophotométrique dans l’ultraviolet fournit des informations complémentaires sur la qualité d’une huile. Le coefficient d’extinction à 270 nm est un bon révélateur de la teneur de l’huile en peroxyde. Cette analyse peut donc venir en complément de la précédente ou peut intervenir en amont afin de vérifier si un dosage précis des hydroperoxydes est nécessaire. Ces trois analyses (acidité libre, valeur peroxyde et examen à spectrophotométrique à 270 nm) sont rapides et nécessitent peu de matériel onéreux. Il est donc possible de connaître rapidement l’état général de la qualité de l’huile d’olive à analyser. Les normes de qualité en industries agroalimentaires étant de plus en plus rigoureuses, d’autres critères doivent cependant être pris en considération (Tableau 5).
Caractéristiques sensorielles
Une simple analyse chimique ne peut suffire pour déterminer la qualité d’une huile. En effet, les composés volatiles qui se développent au cours du procédé de fabrication de l’huile puis pendant son stockage sont capables de modifier l’odeur et la saveur de l’huile. Pour cela une analyse sensorielle codifiée et détaillée a été développée par le COI et la Communauté Economique Européenne (CEE). Les attributs sensoriels d’une huile ont été classés en deux catégories : les attributs positifs et les défauts. Il existe 3 grands attributs positifs (COI, 2007): – Amer : il est défini comme le goût élémentaire caractéristique de l’huile obtenue d’olives vertes ou au stade de la véraison, perçu par les papilles caliciformes formant le V lingual. – Fruité : ensemble des sensations olfactives caractéristiques de l’huile, dépendant de la variété des olives, provenant de fruits sains et frais, perçues par voie directe ou rétronasale. Le fruité vert correspond aux caractéristiques rappelant les fruits verts à l’inverse du fruité mûr qui témoigne d’une récolte des olives plus tardive. – Piquant : sensation tactile de picotement, caractéristique des huiles produites au début de la campagne, principalement à partir d’olives encore vertes, pouvant être perçue dans toute la cavité buccale, en particulier dans la gorge. Toute caractéristique autre que ces trois attributs sera perçue comme un défaut de l’huile. Il est à noter que pour être classée comme « huile d’olive vierge extra », l’huile ne doit présenter aucun de ces défauts. Les principaux défauts sont : – Chômé/lies : flaveur caractéristique de l’huile tirée d’olives entassées ou stockées dans des conditions telles qu’elles se trouvent dans un état avancé de fermentation anaérobie, ou de l’huile restée en contact avec les « boues » de décantation, ayant elles aussi subi un processus de fermentation anaérobie, dans les piles et les cuves. – Moisi/humide : flaveur caractéristique d’une huile obtenue d’olives attaquées par des moisissures et des levures par suite d’un stockage des fruits pendant plusieurs jours dans l’humidité. – Vineux/vinaigré ou acide/aigre : flaveur caractéristique de certaines huiles rappelant le vin ou le vinaigre. Cette flaveur est due fondamentalement à un processus de fermentation aérobie des olives ou des restes de pâte d’olive dans des scourtins qui n’auraient pas été lavés correctement, qui donne lieu à la formation d’acide acétique, acétate d’éthyle et éthanol. – Métallique : flaveur qui rappelle les métaux. Elle est caractéristique de l’huile qui est demeurée longtemps en contact avec des surfaces métalliques, au cours du procédé de broyage, de malaxage, de pression ou de stockage. – Rance : flaveur des huiles ayant subi un processus d’oxydation intense .
Composition générale des huiles d’olive
Les huiles d’olive vierges jouent un rôle important dans l’industrie agroalimentaire et sont importantes en nutrition humaine pour plusieurs raisons. En premier lieu car les lipides sont la principale source d’énergie pour le corps humain en comparaison de leur masse. De plus l’intérêt pour les huiles d’olive a été accru depuis la découverte de leur richesse en vitamines liposolubles et en polyphénols qui sont des antioxydants. Elles sont également une source importante d’acides gras poly-insaturés essentiels car non synthétisables par le corps humain. Si les acides gras sont les constituants majeurs de l’huile d’olive, ce sont les constituants mineurs qui permettent l’authentification d’une huile, tant sur le plan de la provenance géographique que sur sa qualité physico-chimique.
Les acides gras
Les acides gras appartiennent à la famille des lipides. Ces lipides contiennent une fraction principale dite saponifiable (phospholipides, triglycérides) et une fraction mineure insaponifiable (stérols, vitamines liposolubles, caroténoïdes). Les lipides sont caractérisés par leur insolubilité dans l’eau et la solubilité dans les solvants organiques. Les acides gras sont des molécules organiques comprenant une chaîne carbonée terminée par un groupement carboxyle. Cette chaîne carbonée peut être dépourvue de toute double liaison carbone-carbone, dans ce cas les acides gras sont dits « saturés ». Elle peut également contenir une double liaison (acides gras monoinsaturés AGMI) ou plusieurs doubles liaisons (acides gras polyinsaturés AGPI). Pour les acides gras insaturés, ils sont souvent référencés selon la position de la première double liaison par rapport au groupement méthyl terminal. Il existe 2 grandes familles d’AGPI : la série en n-6 (ou oméga 6) et la série n-3 (ou oméga 3). Dans l’huile d’olive on trouve de l’acide linoléique (oméga 6) et de l’acide alpha-linolénique (oméga 3). Ces acides gras sont dits « essentiels » car ils ne peuvent pas 29 être synthétisés par l’homme et doivent donc être apportés par l’alimentation. Dans la nature, les acides gras sont généralement sous forme de triesters entre des acides gras et du glycérol selon la formule : Glycérol + 3 acides gras triacylglycérol +3H2O Dans le cas de l’huile d’olive les triacylglycérides représentent entre 98% et 99% de la masse totale. Quelques rares acides gras libres peuvent être trouvés et témoignent d’une oxydation du triester. La composition en acide gras est très variable et dépend de la variété d’olives, la région de production et de l’année de la récolte (influence des conditions environnementales). Des normes telles que celle du codex alimentarius régulent cependant cette variabilité en plaçant des limites hautes et basses sur les proportions de chacun des acides gras (Tableau 6).
Les composés phénoliques
Si les acides gras représentent la très grande majorité de la composition de l’huile d’olive en terme de masse, les composés mineurs tels que les composés phénoliques jouent un rôle très important dans la caractérisation des huiles et pour leur intérêt nutritionnel (Brenes, 2002 ; Visioli, 1998). L’huile d’olive contient des composés phénoliques simples et complexes qui augmentent sa stabilité et lui confère des propriétés antioxydantes et modulent sa saveur (Fedeli, 1977). Les composés phénoliques contribuent fortement au goût piquant, à l’astringence et à l’amertume des huiles (Brenes, 2000). Mais si les composés phénoliques sont aujourd’hui au centre de nombreuses études, c’est surtout pour leur potentiel en matière de prévention de la santé humaine (Garcia, 2010 ; Vierhuis, 2001). 31 Différentes familles de composés phénoliques sont présentes dans les olives et dans les huiles : – Les dérivés sécoiridoides qui sont des composés glycosylés issus du métabolisme secondaire des terpènes (Soler, 2000). Parmi eux, l’oleuropéine (Figure 21a) est le composé majoritaire dans les feuilles d’olivier et dans les olives et c’est le principal responsable de l’amertume des olives (Andrews, 2003 ; Soler, 2000 ; Shasha, 1961). Le ligstroside (un groupement hydroxyle de moins que l’oleuropéine) (Figure 21b) est également présent en grande quantité dans l’olive. Cependant, lors de la transformation en huile d’olive, ces molécules sont hydrolysées en de nombreux dérivés de masses moléculaires très variables, les plus grosses molécules résiduelles étant leurs dérivés aglycones.