DÉPENSES PUBLIQUES : QUELS ENJEUX POUR LE PROCHAIN QUINQUENNAT ?
L’emploi public n’est pas une singularité française
Si la France se distingue des autres pays par son modèle social, sa démographie et son effort de défense qui impactent largement le niveau de sa dépense publique, elle n’affiche en revanche pas de singularité dans le recours à l’emploi public. En effet, selon les données de l’OCDE, la part de l’emploi public3 en France, quel que soit le type de contrat et d’activité, est de 20 %, soit un niveau légèrement inférieur à celui de la moyenne de l’OCDE, du Canada, du Royaume-Uni ou de l’Irlande et loin derrière les pays scandinaves (graphique 2). Ce chiffrage est confirmé par Timbeau (2016) qui montre que le nombre de salariés du secteur non marchand n’apparaît pas particulièrement élevé en France (126 pour 1 000 habitants). Il serait équivalent à celui de l’Allemagne ou du Royaume-Uni, mais inférieur à celui des États-Unis (131) et loin derrière les pays scandinaves, Norvège en tête (186). En revanche, le nombre de fonctionnaires par habitant est plus faible en Allemagne (60 pour 1 000 habitants) et au Royaume-Uni (44) qu’en France (82), ce qui confirme l’idée qu’il y a des différences entre les pays dans les statuts composant les emplois non marchands plutôt que trop d’emplois publics.
Caractéristiques et évolution de la dépense publique en France
La hausse des dépenses des administrations publiques4 de 10,9 points de PIB entre 1980 et 2015 s’explique quasi-intégralement par l’augmentation des prestations et transferts sociaux rapportés au PIB (10,3 points de PIB). Environ la moitié de cette hausse est intervenue entre 2007 et 2015. Elle s’explique en grande partie par le double effet de la crise sur ce ratio. D’une part, la croissance du PIB a été plus faible depuis 2008 et, d’autre part, les dépenses sociales liées à la crise (allocations chômage, dépenses de minimas sociaux, …) sont restées soutenues. Cette hausse ne reflète pas une dérive structurelle de la dépense publique mais bien le jeu des stabilisateurs automatiques. Près de 80 % des prestations et transferts sociaux représentent les différents types de prestations et transferts aux ménages, que ceux-ci soient en espèces ou en nature, le reste étant composé de subventions et d’autres transferts comprenant notamment les aides aux entreprises. Il y a, tout d’abord, les prestations sociales en espèces qui représentent 20 points de PIB (tableau 4) : elles se décomposent entre les prestations d’assurance sociale (pensions de retraite, indemnités de chômage, des accidents du travail et des maladies professionnelles) et les prestations d’assistance sociale en espèces (allocations familiales, minimas sociaux). Ces dépenses ont crû de 5 points de PIB depuis 1980 en raison de la hausse du chômage et de la mise en place de nouveaux outils de lutte contre la pauvreté, mais surtout de la montée en puissance des régimes de retraite introduits après la Seconde Guerre mondiale et amplifiée par l’augmentation de l’espérance de vie et le passage à la retraite des cohortes de baby-boomers.
Les transferts sociaux en nature de produits marchands, quant à eux, représentent 6 points de PIB. Ils se composent des biens et services fournis directement par les APU (allocations logement par exemple) et ceux que les ménages bénéficiaires achètent eux-mêmes et se font ensuite rembourser (médicaments et consultations médicales libérales). Ces dépenses ont augmenté de 2,8 points de PIB depuis 1980 en raison principalement de la forte demande de soins de santé, accélérée par le vieillissement de la population, l’accroissement de l’offre médicale et les progrès médicaux. Enfin, les autres composantes des « prestations et autres transferts » regroupent les subventions, les transferts en capital et autres transferts. Ce groupe de dépense publique représente 6,9 points de PIB et a augmenté de 2,6 points de PIB au cours des 35 dernières années. Les seules subventions aux entreprises représentent 2,5 points de PIB et ont augmenté d’1 point de PIB depuis 2008 avec la montée en charge du Crédit Impôt-Recherche (CIR) et la mise en place du CICE. Quant aux autres transferts courants et transferts en capital qui représentent au total 4,3 points de PIB, ils sont composés des aides à l’investissement et des contributions de la France au budget de l’UE et des transferts courants à destination des APU étrangères et organisations internationales. Le poste des autres transferts courants a fortement augmenté depuis 1980 (+1,7 point de PIB) avec le développement de la coopération internationale et l’augmentation du budget de l’UE. Les charges d’intérêts payées sur la dette publique sont l’autre poste principal d’augmentation de la dépense publique (+0,8 point de PIB entre 1980 et 2015). Elles se sont accrues avec l’augmentation de 75 points de PIB de l’endettement public au cours des trente-cinq dernières années. Cependant, la forte baisse des taux d’intérêt publics à toutes les maturités a limité la hausse de la charge d’intérêts et a même permis une baisse sur la période récente : celle-ci représentait 2 points de PIB en 2015, contre 2,6 points en 2007, année où la dette publique au sens de Maastricht était à 64 % du PIB. Toutes choses égales par ailleurs, une hausse des taux d’intérêt conduirait à alourdir la charge d’intérêt. Un point de taux d’intérêt supplémentaire à l’émission de la dette conduirait à accroître les intérêts pesant sur la dette de « seulement » 0,1 point de PIB la première année, de 0,8 point au bout de dix ans et de 1 point de PIB lorsque l’intégralité de la dette sera renouvelée (voir Département analyse et prévision de l’OFCE, 2017).
* Les cotisations sociales imputées correspondent aux pensions de retraite des fonctionnaires. ** Les derniers comptes fournis par l’Insee sur les principaux agrégats de finances publiques (Insee Résultats, 27 mars 2017) indiquent un ratio de dépenses publiques de 56,7 % du PIB mais les composantes ou fonctions de la dépense publique sur la base de ce dernier chiffre ne sont pas encore connues. Sources : Insee, calculs OFCE.
La rémunération des fonctionnaires (y compris leurs pensions de retraite) représente 23 % de la dépense publique (12,9 points de PIB) et a peu augmenté entre 1980 et 2015 (0,4 point de PIB). Si l’on exclut les pensions versées aux fonctionnaires, les salaires versés par les APU représentent 11 points de PIB, soit environ 20 % de la dépense publique, et ont augmenté de 0,1 point de PIB depuis 1980. Le poids des consommations intermédiaires, en points de PIB, est resté stable entre 1980 et 2015. Enfin, l’investissement public, qui a diminué sur cette période de 0,8 point de PIB et ne représente plus que 6 % de la dépense publique. L’investissement public a été particulièrement impacté par la politique de redressement des comptes publics observé depuis la crise (-0,5 point de PIB depuis 2008). En effet, l’investissement a été une variable d’ajustement importante, car il est aisé d’arrêter un projet d’investissement, contrairement à certains engagements comme les retraites ou les salaires publics. Ainsi, l’investissement public a atteint un point bas en points de PIB, que l’on n’avait pas observé depuis plus d’un demi-siècle (OFCE, 2016).